À l’heure où l’Iraq, exerçant la légitime défense, combat le terrorisme mondial au nom de tous les pays et tandis que son armée et ses forces de sécurité, y compris la mobilisation populaire, livrent une bataille décisive contre l’entité terroriste Daech, dont les cellules sont encore actives sur le sol iraquien et dans les pays voisins, il a demandé maintes fois à ses alliés dans cette guerre de s’abstenir de l’entraîner dans un conflit bilatéral et de transformer son territoire en théâtre des opérations, d’autant qu’il est engagé dans le combat contre Daech et déterminé à maintenir des liens solides avec les deux parties, sachant que la dégradation de l’état de la sécurité et la déstabilisation ne sont dans l’intérêt de personne et peuvent au contraire avoir des répercussions dangereuses sur la paix régionale et internationale.

Par voie de conséquence, la série d’événements qui se sont produits la semaine dernière en Iraq ont précipité la dégradation des conditions de sécurité dans le pays, à commencer par le pilonnage de la base militaire K1 près de la ville de Kirkouk, évolution alarmante à laquelle les États-Unis d’Amérique ont riposté unilatéralement en frappant des sites conjoints de l’Armée iraquienne et des forces de mobilisation générale près de la frontière iraquo-syrienne, sans consultation préalable avec le Gouvernement iraquien et sans lui donner le loisir ou le temps de mener à bien ses enquêtes sur les circonstances des faits. Les avions américains ont visé le 29 décembre 2019 à 19 heures ces sites le long de la frontière avec la Syrie, dans un secteur au sud de la ville de Qaëm, et fait des dizaines de morts et de blessés parmi les forces iraquiennes relevant du commandant en chef de l’armée, à savoir le Premier Ministre. Cela a soulevé une vague de colère publique qui a pris la forme de manifestations devant l’Ambassade des États-Unis à Bagdad, y compris des tentatives de s’en prendre à l’enceinte extérieure du bâtiment. Conformément aux obligations des pays hôtes énoncées dans la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 et dans la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963, le Gouvernement iraquien a entrepris avec diligence d’assurer la pleine protection des missions diplomatiques et consulaires accréditées dans le pays, en fournissant une protection adéquate aux locaux de l’ambassade des États-Unis et en mettant fin de façon pacifique au sit-in devant le bâtiment, dans l’espoir que toutes les parties feraient montre de retenue, aideraient à renforcer la sécurité et la stabilité et saisiraient le caractère sensible de la situation générale dans le pays sur les plans politique et de la sécurité. Contre toute attente, les États-Unis, dont les forces sont présentes en Iraq à la demande de son gouvernement et avec son aval, ont lancé une nouvelle opération militaire, en grave violation de la souveraineté nationale. Le 3 janvier 2020 à 1 h 45, leur armée de l’air a pilonné deux voitures qui circulaient à proximité de l’aéroport international de Bagdad (civil) et à bord desquelles se trouvaient des Iraquiens et leurs invités. Un commandant militaire iraquien, Jamal Jaafar Mohammed (dit Abou Mehdi el-Mouhandis), qui occupait le poste officiel de chef adjoint des forces de mobilisation nationale, a été tué aux côtés d’un groupe de chefs iraquiens et alliés. Cela constitue une agression contre l’État, le Gouvernement et le peuple iraquiens, une violation flagrante des conditions régissant la présence des forces américaines en Iraq et une escalade dangereuse qui pourrait déclencher une guerre dévastatrice dans le pays, la région et le monde et mettrait gravement en péril la sécurité des populations.

Le Gouvernement condamne dans les termes les plus vigoureux ces attaques américaines qui portent atteinte à la souveraineté de l’Iraq et aux règles de droit international. Il souligne son plein attachement aux principes énoncés dans la constitution, à savoir que le sol iraquien ne saurait être le théâtre d’opérations contre les pays voisins. Il est déterminé à faire en sorte que les forces étrangères présentes en Iraq à sa demande ne s’exposent pas à une agression. Il souligne que toute mesure ou opération militaire, qui se déroule sur le sol iraquien sans son consentement et sans coordination préalable avec lui, est considérée comme un acte de provocation hostile, contraire à la Charte des Nations Unies, aux dispositions applicables du droit international et aux principes énoncés dans la lettre datée du 25 juin 2014 adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de l’Iraq auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2014/440) et la lettre datée du 20 septembre 2014 adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de l’Iraq auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2014/691). Il y avait indiqué que l’octroi d’une assistance dans les domaines de l’entraînement militaire, de la technologie avancée et des armes nécessaires à la lutte contre l’entité terroriste Daech devait être régi par des accords bilatéraux et multilatéraux, dans le plein respect de la souveraineté nationale et de la constitution et en coordination avec les forces armées iraquiennes.

En conclusion, l’Iraq demande au Conseil de sécurité de condamner les frappes aériennes et l’assassinat, que l’on pourrait qualifier d’exécution extrajudiciaire, en tant qu’actes contraires aux obligations souscrites par les États-Unis sur le plan des droits de l’homme, et estime qu’ils ne doivent pas servir à éluder la responsabilité internationale en la matière. Il exhorte le Conseil à faire son devoir en veillant à ce que le pays ne soit pas entraîné dans les crises et les tensions régionales et internationales. Il demande à chacun de faire montre de retenue, de concourir à la désescalade, de ne pas transformer le pays en lieu de conflit et de s’abstenir de tout acte qui porterait atteinte à sa souveraineté et menacerait sa sécurité et celle de ses citoyens. Il prie instamment le Conseil de s’acquitter de ses responsabilités et de réclamer des comptes aux auteurs de ces violations qui sont non seulement contraires aux droits de l’homme mais aussi aux principes du droit international et qui instaurent la loi de la jungle dans la communauté internationale. Il prie instamment toutes les parties de renoncer à tout acte unilatéral qui affaiblirait et fragmenterait l’action internationale commune de lutte contre le terrorisme, sachant que les terroristes pourraient mettre à profit cette situation et conduire des attaques en Iraq et dans d’autres pays, ce qui menacerait gravement la sécurité nationale, régionale et internationale.

Source : Onu S/2020/15