Procès-verbal de la séance du mardi 1er avril 2003

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

Les témoins sont introduits.

M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du Président, les témoins prêtent serment.

M. le Président : Mes chers collègues, nous recevons MM. Jean-Christophe Bandler et Laurent Duhayer délégués syndicaux CFTC et M. Hugues Lafosse-Marin, délégué syndical UNAC.

Je vous laisse immédiatement la parole pour nous présenter un exposé liminaire, puis nous vous poserons un certain nombre de questions.

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les députés, je me présente : Hugues Lafosse-Marin, j’étais commandant de bord à Air Lib et je suis issu de la compagnie AOM. 

Mon exposé est composé en deux parties : d’une part, les événements d’avant août 2001, et, d’autre part, l’après-2001, à savoir la décision du tribunal de commerce de Créteil de donner à Holco les rênes de la Compagnie.

Avant août 2001, la Compagnie était composée de deux entités : d’une part, AOM-les Antilles, spécialisée dans le long courrier, et d’autre part, Air Liberté, spécialisée dans le moyen courrier, mais faisant également un peu de long courrier vers les territoires et départements d’outre-mer. Aujourd’hui, nous constatons que ce qui a été défait est en train de se remonter dans chaque département, à la fois sur le long et le moyen courrier. Nous avions un réseau Paris-Nice, Paris-Marseille, et potentiellement, il y avait matière à développer un second pôle.

Je ne reviendrai pas sur les choix incompréhensibles qui ont été faits, je m’attarderai sur les événements d’août 2001, date à laquelle nous aurions encore pu sauver la société. Le tribunal de commerce de Créteil donne les rênes à Holco, détenue à 99,9 % par Jean-Charles Corbet ; dès les premiers mois nous comprenons que nous allons droit dans le mur, car aucune gestion - ni sociale ni économique - n’est mise en place.

Il est vrai que nous avions vécu trois fusions entre Air Liberté, TAT et AOM, qui ont débouché sur un amalgame ; mais le travail d’harmonisation n’a jamais été fait par Air Lib. Par exemple les pilotes avaient, pour les mêmes tâches, trois contrats différents et trois rémunérations différentes.

Pour emporter la décision du tribunal, Jean-Charles Corbet avait enjolivé son plan de reprise, notamment au niveau social, en s’engageant à embaucher plus de personnes malgré le business plan. Finalement, pendant plus de 8 mois, une vingtaine de pilotes ont été payés à rester chez eux.

M. le Rapporteur : Combien y avait-il de pilotes ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Sur Fokker 100, ils étaient une centaine et M. Corbet en a repris 21 alors que cet avion n’existait plus. Ces 21 pilotes sont restés chez eux, pendant une petite année, faute de recevoir une formation, tout en étant rémunérés. Nous avons alerté la direction par le biais du comité d’entreprise, dont j’étais élu, lui faisant remarquer que la masse salariale était en train de partir en fumée. Nous n’avons obtenu aucune réponse.

On nous annonce ensuite que le low-cost sera l’avenir de la Compagnie et un projet nous est présenté seulement au bout de cinq mois. Entre-temps, les avions volaient vides : deux ou trois passagers sur Nice, Marseille, une vingtaine sur les Antilles. Une véritable catastrophe lorsqu’on sait que l’heure de vol d’un Airbus 340 coûte 75 000 francs.

M. le Président : Pourquoi les avions étaient-ils vides ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : S’agissant du long courrier, il aurait fallu redonner une dynamique commerciale à un nom ; les voyageurs savaient qu’AOM et Air Liberté avaient déposé le bilan, mais vous avez beau changer de nom, l’entité est la même et ils le savent. Or rien n’a été fait en ce sens.

Quant au moyen courrier, nous avons attendu cinq mois avant d’instaurer le low-cost ; les avions se sont alors remplis. Remplir un avion n’est pas un problème, gagner de l’argent est plus difficile ; or vous ne pouvez pas gagner de l’argent en lançant des prix d’appel à 29 euros. L’heure de vol d’un MD83 étant de 40 000 francs, avec de tels tarifs, il faut remplir l’avion à plus de 100 % pour faire des bénéfices.

Par ailleurs, si vous prenez les exemples de ce qui se fait de mieux en low-cost en Europe, à savoir par des compagnies comme Easyjet et Ryanair, vous constatez que les ratios de personnel sont de l’ordre de quatre personnels navigants pour un personnel sol. Le low-cost suppose en effet des économies de personnel au sol, via la sous-traitance notamment. Nous, nous étions à un rapport de un pour un. Or on ne peut pas faire du low-cost avec un tel ratio. Le comité d’entreprise a donc, à nouveau, alerté la direction sans obtenir de réponse. La compagnie s’enfonce ; elle a 1 milliard de francs de dettes, lorsque le "sauveur" arrive : M. Erik de Vlieger.

Je voudrais ajouter que se trouvaient dans l’équipe de M. Corbet trois hommes importants : le président du directoire M. Bachelet, le directeur financier M. Bardi et une personne du conseil d’administration d’Holco, M. Moreau ; tous ont démissionné en décembre 2001. Nous avons appris par la suite que M. Bachelet était partisan d’un dépôt de bilan en décembre 2001, soit trois ou quatre mois après la décision du tribunal de commerce. Nous sentions que quelque chose n’allait pas, mais nous n’avions aucune réponse à nos questions.

Arrive donc M. de Vlieger, président d’IMCA, société dont le siège social est aux Pays-Bas. Je faisais partie de la délégation qui est allée rencontrer ce monsieur ; nous avons vu un homme d’affaires qui n’avait qu’une carte à jouer, la sienne, à savoir récupérer les créneaux horaires à Orly, et éventuellement un contrat avec Airbus pour l’achat d’Airbus moyen courrier, qu’il comptait d’ailleurs, mettre non pas dans la Compagnie mais dans une filiale : Mermoz Hollande. Il souhaitait donc simplement, selon moi, récupérer la vingtaine d’appareils moyen courrier afin de les louer partout en Europe et ne se souciait pas de l’avenir d’Air Lib.

Je voudrais maintenant évoquer l’omniprésence de certaines personnes à Air Lib, émanant directement d’Air France, notamment M. Christian Paris, commandant de bord à Air France, porte-parole du SNPL. Il était toujours là, en soutien, lorsque M. Corbet était en difficulté. Je l’ai croisé à différentes reprises, alors qu’officiellement, il n’apparaissait sur aucun organigramme de la Compagnie.

M. le Président : Est-il vrai, à votre connaissance, qu’il disposait d’un bureau à Air Lib ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Le bureau de M. Corbet se situait au troisième étage et était entouré de deux autres bureaux, dépourvus de noms, dont j’ai vu M. Paris sortir souvent, notamment pour faire signer un papier à M. Corbet.

Lorsque l’UNAC a voulu attaquer Holco au motif que les actifs avaient été transférés à l’étranger - action pour laquelle nous avons été déboutés non pas sur le fond, mais sur la forme, ne disposant pas de la qualité pour attaquer Holco -, M. Paris était au côté de M. Corbet sur les bancs du tribunal de commerce de Paris. Il était là tout le temps.

M. le Rapporteur : Quelle est la fonction officielle de M. Christian Paris à Air Lib et que fait-il dans la vie ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Il est commandant de bord à Air France, membre du conseil d’administration d’Air France, au titre des fonds Concorde. Lorsque M. Corbet était président du SNPL-Air France, la fameuse grève de 1998 pendant la Coupe du monde avait débouché sur la création des fonds Concorde ; c’est-à-dire des fonds alimentés par l’échange salaire/actions des pilotes. M. Paris est aujourd’hui le président de ce fonds.

M. le Président : M. Corbet en était le président lorsqu’il est arrivé à Air Lib.

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Nous ne l’avons jamais su. Nous avions posé la question, mais personne ne nous a répondu. M. Corbet ne fait plus partie des effectifs d’Air France depuis le mois d’octobre 2002 seulement, alors qu’il avait toujours dit qu’il avait démissionné.

M. le Rapporteur : M. Paris est salarié d’Air France ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Tout à fait, il est commandant de bord, navigant et membre du conseil d’administration d’Air France.

M. Xavier de ROUX : M. Corbet a été salarié d’Air France jusqu’à quelle date ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Je ne pense pas qu’il était salarié d’Air France lorsqu’il était à Air Lib ; il devait être mis à disposition sous une forme ou une autre : congé sans solde, congé sabbatique ou congé pour création d’entreprise, je l’ignore. Mais il faisait toujours partie des effectifs d’Air France.

M. le Rapporteur : Il était payé ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Je ne sais pas, mais j’en doute.

M. le Rapporteur : Vous dites que dans ce dossier, il y avait une omniprésence d’Air France, et pour le prouver, vous nous dites que M. Paris était toujours là. Quelles étaient les relations entre M. Paris et Air France ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Je vais vous citer un exemple. Lorsque le 1er avril 2002 les pilotes d’Air Lib se sont mis en grève pour différentes raisons, M. Paris était dans les locaux. Nous avons débattu du bien-fondé de ce mouvement à la veille du lancement de la low-cost et M. Paris nous a montré un fax de M. Spinetta, président d’Air France parlant de l’alignement des tarifs d’Air France sur Air Lib. Il se plaisait d’ailleurs à dire qu’il était régulièrement en contact avec M. Spinetta.

Je parle de l’omniprésence de M. Paris, commandant de bord d’Air France, membre du conseil d’administration d’Air France et gestionnaire des fonds Concorde ; ce qui fait beaucoup.

M. le Rapporteur : Pouvez-vous affirmer que M. Paris influençait en faveur des intérêts d’Air France ?

M. Jean-Christophe BANDLER : J’ai vu M. Paris dans les locaux d’Air Lib et il me disait qu’il était là pour défendre les intérêts d’Air France.

M. Xavier de ROUX : Quels étaient les intérêts d’Air France, selon vous ?

Mme Arlette GROSSKOST : Il était administrateur d’Air France, mais à quel titre ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Je ne connais pas les statuts d’Air France. M. Paris siégeait au conseil d’administration d’Air France au titre des 8 % que représentent les fonds Concorde dans le capital de la compagnie.

M. Jean-Christophe BANDLER : Je pense qu’il y a beaucoup de questions que vous devriez poser à M. Paris lui-même.

Je voulais apporter deux précisions quant à la présence de M. Paris. Je l’ai vu moi aussi, à l’occasion de photos qui étaient affichées et qu’il avait enlevées. Il m’a agressé verbalement et quasi physiquement devant témoin, et j’ai pu voir qu’il rentrait dans le bureau de M. Corbet comme s’il était chez lui, qu’il faisait la bise à la secrétaire et prenait des affaires.

M. le Président : Comment une personne administrateur d’Air France, rémunérée en tant que pilote d’Air France peut-elle avoir en même temps un rôle aussi important à Air Lib ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Il existe un site Internet, Radio-cockpit, créé par M. Antoine Hayem. Il a récupéré de nombreux documents sur tout ce qui se passe à Air Lib et détiendrait un document attestant que M. Paris avait lui-même négocié pour Air Lib la vente du secteur long courrier en décembre 2001 auprès de tiers car il était déjà question, à l’époque de M. Bachelet, de séparer le long courrier du moyen. M. Paris leur aurait donné comme prix de vente 50 millions de francs. Ensuite, ils auraient changé d’avis sur les options à prendre pour la gestion de la compagnie. Ces documents existeraient.

M. le Président : Vous nous dites donc qu’Air France était omniprésente. Qui a conçu le programme Air Lib ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Selon nous, il s’agit de M. Bruno Matheu, d’Air France. En août 2001, lorsqu’il a fallu faire repartir l’activité commerciale, notamment sur le long courrier et les DOM, pour avoir de la trésorerie rapidement, le code-share - c’est-à-dire l’échange de passagers - s’est instauré entre Air Lib et Air France au départ de Charles de Gaulle. C’était une ineptie qui n’a d’ailleurs pas duré car Air Lib, qui était déjà à cette époque une compagnie plus que vacillante, n’avait pas besoin d’aller s’engager dans des frais de structures à Charles de Gaulle où il fallait amener les avions et les équipages, la maintenance se faisant à Orly. Ils se sont aperçus au bout de quelques mois que cela coûtait beaucoup plus cher que ça ne rapportait d’argent.

Bien entendu, vous ne trouverez aucun document attestant que M. Matheu ait conçu le programme d’Air Lib, mais c’est ce qui s’est toujours dit.

M. le Rapporteur : Qui est M. Matheu ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Un directeur d’Air France responsable du réseau, me semble-t-il, qui prend les options de développement ou non d’Air France sur telle ou telle destination.

M. le Rapporteur : Un membre de la direction ? Comment pouvez-vous affirmer qu’il a réalisé le plan ? C’est une rumeur ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Je vous l’ai dit, aucun document ne peut l’attester ; ce sont des bruits de couloirs. Chez nous, personne n’était capable d’élaborer un programme car toutes les personnes compétentes étaient parties.

M. Xavier de ROUX : Vous parlez de M. Matheu, mais vous l’avez vu à Air Lib ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Non. M. Matheu a été un acteur du dossier dans la mesure où il avait son mot à dire quand le code-share a été mis en place, quant au nombre de dessertes au départ de Charles de Gaulle par rapport à Orly, les heures de dessertes, etc. Par exemple, lorsque le code-share est arrivé, l’horaire d’AOM et d’Air Lib pour La Réunion est passé à Air France et Air Lib effectuait les vols de jour. Cela s’est donc négocié avec Air France.

M. Xavier de ROUX : M. Matheu était donc l’interlocuteur d’Air France à l’égard d’Air Lib.

M. le Président : Avez-vous connaissance du rôle de Mme Michèle Barre, qui était à la direction d’Air France et qui aurait participé à la mise en place du programme avec M. Mattheu ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Non, je ne connais pas ce nom.

M. le Rapporteur : Vous nous avez parlé de M. Christian Paris. A votre connaissance, il était rémunéré pour faire ce qu’il faisait ?

M. Jean-Christophe BANDLER : S’il était rémunéré, c’était plutôt par Holco.

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Une journaliste de France 2, Mme Leroy, a demandé aux dirigeants d’Holco combien de salariés ils avaient. Ils ont répondu quatre. Or, à notre connaissance, il n’y en a que trois.

M. Jean-Christophe BANDLER : M. Léonzi, au cours des réunions du comité d’entreprise, nous a donné trois noms de salariés, mais il en a donné quatre à la presse, différents de ces trois là.

M. le Rapporteur : Est-ce à dire que votre hypothèse serait que peut-être M. Paris aurait été rémunéré par Holco ?

M. Jean-Christophe BANDLER : Je n’ose pas y penser !

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Cela aurait été très imprudent et M. Paris est loin d’être bête.

M. Jean-Christophe BANDLER : Vous n’êtes pas sans savoir qu’il existait d’autres sources de financement dans les filiales hollandaise et luxembourgeoise.

M. le Président : Etes-vous informé des positions de M. Paris par rapport à la direction d’Air France concernant la complaisance que pouvait avoir Air France à l’égard d’Air Lib et la privatisation d’Air France ? Apparemment, il était favorable à la privatisation d’Air France, en tant que président de syndicat, mais contre en tant que " conseiller " d’Air Lib.

M. Jean-Christophe BANDLER : Je ne connais que les propos de M. Asseline à ce sujet là. Il m’a en effet indiqué, au moment du bras de fer entre l’Etat et Air Lib, que plus on approcherait de la privatisation d’Air France plus la chute d’Air Lib serait difficile, voire impossible.

Mme Odile SAUGUES : Je souhaiterais poser une question au représentant de la CFTC. Une accusation a été portée dans un communiqué de votre organisation syndicale, et je souhaiterais en savoir un peu plus. Votre organisation a écrit dans un communiqué du 19 février dernier : " A Metaleurop, Air Lib et dans de nombreuses entreprises que nous signalent les élus CFTC, on voit apparaître une délinquance nouvelle au plus haut niveau de l’entreprise. " Qui était visé ?

M. Jean-Christophe BANDLER : Il s’agit d’un communiqué de la confédération, je vous propose de leur poser la question directement. Je ne représente qu’une petite partie de la CFTC.

M. le Rapporteur : Je voudrais revenir sur le déroulement des événements depuis juillet 2001 jusqu’à ce jour. Un peu avant juillet 2001, quelle était la position de votre organisation sur les trois projets présentés au tribunal de commerce ?

M. Jean-Christophe BANDLER : En juillet 2001, nous pensions que le plan de M. Corbet n’était pas financé.

Au travers des réunions que nous avions, à la fois chez M. Gayssot et en comité d’entreprise, nous avons compris qu’il s’agissait d’un plan préparé à l’avance en petit comité qui était bien organisé pour aboutir.

M. le Président : A quelle époque ont eu lieu ces réunions ?

M. Jean-Christophe BANDLER : Au cours de l’été 2001, à l’époque où M. Rochet, avec lequel j’avais signé les accords d’harmonisation, était concurrent de M. Corbet. Pour reprendre l’entreprise, ce dernier agissait sur tous les leviers qui lui tombaient sous la main, dont le ministère, grâce aux relations qu’il avait avec un certain syndicat, syndicat dont je voudrais vous parler.

Monsieur le Président, j’ai des documents, mais avec ces problèmes de confidentialité - on se croirait à Berlin-ouest - je ne sais pas ce qu’il faut donner et à qui.

M. le Président : Vous nous les remettrez.

M. Jean-Christophe BANDLER : Vu la manière dont la prise de pouvoir a été effectuée, il était évident qu’il existait une liaison entre la CFDT et Holco. C’est quelque chose que j’ai ressenti au ministère, au cours des réunions que nous avons faites avec M. Gayssot, les représentants de la CFDT étant les intervenants directs. Je voudrais vous lire une citation que j’ai tirée d’un comité d’entreprise du 14 novembre 2002 alors qu’Air Lib était en pleine période de redressement. M. Monnin, secrétaire du comité et rédacteur du compte rendu, a déclaré : "De mon point de vue, le droit d’alerte pour le comité d’entreprise constitue aujourd’hui un boulet de plomb".

Je passe rapidement là-dessus, ce n’est pas très intéressant. Vous pensez avoir, avec la CFDT, un syndicat très représentatif, et il l’est certainement, mais il convient de savoir que les élections d’entreprise, en juin 2002, se sont déroulées d’une façon bizarre. L’élection de M. Nicoli a eu lieu sans signature de la liste d’émargement ; elle était surveillée non par les personnes les plus jeune et plus âgée du collège électoral, comme le veut l’usage, mais par Mme Nicoli, salariée de la DRH. La CFDT est allée ensuite, avec la direction, faire un recours devant le tribunal administratif, après mon assignation au tribunal d’instance, pour demander qu’il y ait non pas trois collèges mais cinq ; ils ont également demandé un sursis à statuer - ce qui était très bien joué - qu’ils ont obtenu. Les élections sont donc pour l’instant suspendues.

Tout cela pour vous dire que l’on peut se poser quelques questions. Mon sentiment est que les élections avaient été préparées par la direction d’Air Lib et la CFDT pour reprendre le pouvoir à l’intérieur de l’entreprise. Leur première action, lors du comité d’entreprise du 14 novembre, a été de contrer M. Bonan, l’expert-comptable choisi par le comité d’entreprise précédent dans l’exercice du droit d’alerte, et Me Levasseur. Par la suite, ils l’ont joué plus finement en changeant d’expert. Une annulation du droit d’alerte en pleine période de conciliation était un acte grave et nous les aurions attaqués ; ils ont donc congédié M. Bonan et l’ont remplacé par le cabinet Secafi Alpha.

M. le Président : Vous parliez de Mme Nicoli à propos de l’organisation des élections. S’agit-il de l’épouse de M. Nicoli ?

M. Jean-Christophe BANDLER : Oui.

M. Jean-Yves LE BOUILLONNEC : Je voudrais attirer votre attention, Monsieur le Président, sur la nécessité de rester dans le cadre de la commission d’enquête et ces éléments me semblent très éloignés de nos travaux. Ce qui nous intéresse est de savoir ce que pensent les représentants syndicaux de la faillite d’Air Lib, dans sa dimension économique et financière.

M. Xavier de ROUX : Je me permets de ne pas partager l’opinion de mon collègue, car il me semble que de savoir comment et dans quel cadre se situe cette affaire est important ainsi que d’en connaître les acteurs.

Mme Odile SAUGUES : Messieurs, quelle est votre représentativité, sur le plan syndical ?

M. Jean-Christophe BANDLER : Monsieur le Président, je pensais que nous avions organisé la séance en deux parties : notre exposé liminaire, puis vos questions. Or je n’ai pas fini mon exposé.

M. le Président : Je vous en prie, Monsieur Bandler, poursuivez votre exposé.

M. Jean-Christophe BANDLER : Je vous remercie.

Je suis bientôt chômeur - nous sommes 3 000 - et je pense que savoir comment le droit d’alerte a été supprimé est une question importante.

Je viens d’apprendre, ce midi, par un membre de la direction de l’époque, que M. Pierre-Yves Lagarde, qui fait partie des premiers intervenants de M. Corbet, a été payé 8 millions de francs pour des services que nous n’avons pas bien vus.

M. le Rapporteur : Qui est ce monsieur ?

M. Jean-Christophe BANDLER : Il s’agit d’un consultant que nous avons vu au début des interventions du cabinet de M. Léonzi.

M. Laurent DUHAYER : M. Lagarde a en fait managé, pendant la période de reprise, la partie sociale du plan. Il était conseiller en ressources humaines pour le projet de reprise de M. Corbet.

M. Jean-Christophe BANDLER : M. Asseline, directeur du centre de formation, a été qualifié, dans une période concomitante à la période de conciliation judiciaire, sur un appareil de type Airbus A320. Il convient tout de même de savoir que cette qualification coûte entre 300 000 et 400 000 francs et que nous-mêmes nous ne l’avons pas ; or nous serions contents de l’avoir car nous pourrions, de ce fait, peut-être retrouver du travail, comme M. Asseline, selon les rumeurs.

Selon les rumeurs au comité d’entreprise, il apparaîtrait également que sa qualification aurait été payée par Holco bien que cela n’apparaisse pas dans les comptes rendus du comité qui reconnaissent simplement que M. Asseline a été qualifié. On peut se demander comment le comité d’entreprise d’Air Lib a été informé de cette qualification.

M. le Président : Quel est le rapport de la qualification de M. Asseline avec les problèmes d’Air Lib ?

M. Jean-Christophe BANDLER : On m’a dit que de dépenser une telle somme au cours d’une période de conciliation pouvait s’appeler de l’abus de biens sociaux. Si nous ne sommes pas ici pour soulever ces questions, je me demande pourquoi nous sommes là. Effectivement, ce sont des points de détail, de l’ordre de 300 000 ou 400 000 francs...

M. Corbet parlait de cet avion, un Airbus 320, comme un avion école. Toujours pendant la période de conciliation judiciaire. Eh bien il s’agit d’un avion école luxueux pour une entreprise de ce type !

Autre avion école : le A340. Je change de sujet, je parle de M. Frochot qui était le directeur des opérations en vol. Ce monsieur avait toutes les qualifications et grâce à cela il va retrouver du travail. Il était chef, il devait donc être qualifié sur tous les avions de la Compagnie. C’est ironique, bien entendu ! Nous vous avons parlé des sous-effectifs qui existaient sur le A340, vous avez vu des témoignages dans différentes émissions de télévision au cours desquelles les pilotes disaient eux-mêmes qu’ils auraient dû être licenciés. Or, pendant ce temps, on qualifie un pilote. L’effectif était prévu pour cinq appareils A340 et il y en avait plus que deux ; il y avait donc un sureffectif énorme.

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Pour deux appareils, les chiffres standards d’une compagnie normale, notamment pour l’A340 destiné à La Réunion, est de six équipages par avion, soit 24 pilotes : or ils étaient 77 ! En effet, le secteur avait été dimensionné pour quatre ou cinq avions qui ne sont jamais arrivés. Il y a donc eu, pendant 18 mois, un sureffectif d’environ 40 pilotes d’Airbus 340 payés à ne rien faire. Il s’agissait de pilotes qui étaient obligés de repartir au bout de 3 mois au simulateur pour s’entraîner à atterrir.

M. le Président : Vous êtes donc en train de dénoncer les dysfonctionnements de la société.

M. Jean-Christophe BANDLER : Qualifier M. Frochot sur un Airbus 340 était quelque chose d’indispensable ! Peu de temps après, nous apprenons qu’il doit refaire sa qualification sur un MD80, soit un avion plus ancien qui ne permet pas de retrouver du travail, car l’on avait besoin de sa présence sur ce type d’appareil pour lequel on manquait d’instructeurs. Je vous rappelle que tout cela se passe en période de conciliation judiciaire et que l’on paie à M. Frochot une qualification dont la compagnie n’a aucun besoin vu le sureffectif tragique, alors qu’on a besoin de lui sur MD80.

En ce qui concerne la gestion, je voudrais confirmer les propos de M. Lafosse-Marin. Après la démission du directeur financier, nous n’avons pas eu de directeur pendant un an. J’ai vu M. Nicoli s’offusquer en comité d’entreprise qu’on ne faisait jamais d’études d’ouverture de ligne. Personnellement je n’ai jamais vu d’études d’ouverture de ligne se faire. On ouvrait les lignes sans étude de marché.

M. le Président : Avez-vous des informations précises sur les lignes ouvertes sur Tripoli et l’Algérie ?

M. Jean-Christophe BANDLER : Aucune étude de marché n’a été réalisée.

M. Hugues LAFOSSE-MARTIN : Le cabinet Secafi Alpha avait été mandaté par le comité d’entreprise, celui d’avant avril 2002, qui avait déclenché le droit d’alerte, et son rapport avait laissé entendre qu’il existait un potentiel sur l’Algérie, ce qui s’est avéré. Malheureusement, le module mis sur la ligne n’était pas le bon ; ça n’était pas du MD83 qu’il fallait mettre. En revanche, l’ouverture d’une ligne sur Tripoli était un non sens. Ils nous promettaient 12 000 passagers par an ; or les rares rotations qui ont été effectuées l’ont été avec deux ou trois passagers. Tripoli n’est pas une destination touristique, il n’y avait donc pas matière à ouvrir cette ligne.

Il a été dit en comité d’entreprise, mais cela n’apparaît pas dans le compte rendu, qu’éventuellement des investisseurs libyens seraient susceptibles de s’intéresser à notre Compagnie. D’où la raison de l’ouverture de cette ligne. C’est pour cette raison aussi que le fils de M. Kadhafi a affrété un MD83 de chez nous pour revenir de Paris.

M. le Président : Je suis allé à Tripoli il y a 15 jours et j’ai posé des questions aux personnes de l’ambassade, notamment au conseiller du commerce extérieur. Il m’a indiqué qu’il était impossible, à Tripoli, de trouver des billets pour la ligne Air Lib, sauf au comptoir au moment du vol, car aucun système de commercialisation n’existait.

M. Jean-Christophe BANDLER : J’ai en effet entendu parler d’un groupe d’une quarantaine de personnes qui voulaient y aller et qui ne pouvaient pas avoir de billets !

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Il y a deux façons de se rendre à Tripoli, par Air Italia et par Lufthansa. Mais le problème est récurrent, notamment sur l’Algérie. Avant que l’on ait une agence commerciale capable de vendre des billets Air Lib en Algérie, il a fallu quelques mois, alors que la ligne était déjà ouverte. Nous vendions des allers-retours au départ de Paris, mais au départ d’Alger, il a fallu attendre quelques mois.

M. le Président : Vous êtes en train de nous expliquer comment, dans ce secteur particulier, ça ne marchait pas.

M. Jean-Christophe BANDLER : Nous sommes toujours en période de conciliation judiciaire et les membres du comité de direction nous confirment, au comité d’entreprise - évidemment je n’en ai pas retrouvé la trace dans les comptes rendus - avoir reçu des sommes, dont la rumeur disait qu’elles pouvaient être importantes.

M. le Président : Pouvez-vous préciser vos propos ?

M. Jean-Christophe BANDLER : Des rumeurs - nous ne retrouverons pas cela dans les comptes rendus du comité d’entreprise - disaient que 5 ou 6 personnes de la compagnie auraient touché des sommes d’environ 250 000 francs, pendant la période de conciliation judiciaire. M. Bruno Calderini nous a répondu, sans préciser la somme, qu’il avait à son grand regret bien tardivement reçu une telle somme, ainsi que d’autres membres du comité exécutif.

M. le Président : Pour quel motif cet argent leur a-t-il été remis ?

M. Jean-Christophe BANDLER : Je pense que c’était pour la bonne gestion de l’entreprise !

M. le Président : Il s’agissait d’une prime ?

M. Hugues LAFOSSE-MARTIN : Les 5 membres du comité exécutif ont reçu une prime de 30 000 euros pour le zèle avec lequel ils ont développé le low-cost.

Il est difficile d’obtenir des preuves, mais lorsque la liquidation a été prononcée, la direction a demandé au responsable des paies de rouvrir la paie de janvier pour intégrer ces primes et les faire apparaître comme un élément comptable, chose qui n’avait pas été faite avant. Je tiens cette information de la personne qui s’est chargée, le 15 février, d’accomplir cet exercice. Il s’agit d’une information que vous pourrez obtenir auprès des liquidateurs.

M. Jean-Christophe BANDLER : Vous n’êtes pas sans savoir que M. Corbet avait trouvé une source très intelligente d’économies : le personnel navigant faisait le ménage dans les avions à la place des entreprises habituelles et en échange, il avait l’autorisation de vendre les boissons et sandwiches au noir et de garder ces revenus. Je vous cite un extrait du comité d’entreprise du 12 juin 2002 : nous posons la question au DRH de l’entreprise : "Comment M. Corbet a-t-il pu prendre le risque de laisser ses salariés percevoir de l’argent au noir. Que risquent ces derniers, que risque l’entreprise ?". Il nous a répondu : "Notre entreprise court le risque, comme son personnel, de faire l’objet de redressements fiscaux et sociaux. Mais ce sujet sera traité le plus rapidement possible dans les meilleures configurations possibles pour l’entreprise".

M. le Rapporteur : En tant que pilotes, avez-vous constaté de telles pratiques ?

M. Laurent DUHAYER : Je suis chef du personnel navigant commercial, je suis rentré à Air Liberté le 21 mars 1988, à la création de l’entreprise, et j’ai suivi les différents bouleversements de cette société jusqu’au dépôt de bilan, puisque j’ai été licencié hier.

J’ai pris, depuis un an et demi, mes distances avec la société Air Lib, puisque M. Corbet, dès son arrivé aux affaires, a cru bon me mettre dans un placard. J’avoue devant vous avoir été rémunéré depuis un an et demi à ne rien faire. Des actions ont été intentées aux prud’hommes, mais la justice est longue et sereine, et l’affaire va certainement trouver son épilogue avec le dépôt de bilan de la société.

En tant qu’ancien responsable du personnel navigant commercial, je peux évidemment attester et témoigner que depuis le lancement d’Air Lib Express, M. Corbet a donné la recette de ce que l’on appelle les ventes à bord au personnel navigant. Les produits étaient achetés par Air Lib et la recette était gardée et partagée par le personnel. Cela s’appelle du paiement au noir sur lequel la société ne paie pas de charges sociales. Pendant huit mois, cette pratique a donc eu lieu sur le secteur moyen courrier, et une partie du personnel a été rémunérée au noir ; les pilotes ne faisaient pas partie de ce trafic.

Cela peut faire sourire, mais sachez tout de même que chaque personne concernée percevait au noir entre 4 000 et 6 000 francs par mois ; 300 ou 400 personnes touchant entre 4 000 et 6 000 francs par mois pendant huit ou neuf mois, voyez combien cela peut faire !

M. Jean-Marc ROUBAUD : Je voudrais revenir sur la déclaration de M. Lafosse-Marin concernant M. Paris. Vous parlez de son omniprésence, de ses conseils et vous pensez qu’il était en mission commandée pour couler Air Lib.

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Non, absolument pas. Je dis simplement qu’il y avait deux acteurs : d’un côté M. Corbet qui a hérité de la deuxième compagnie française, par une décision du tribunal de commerce, et de l’autre son meilleur ami, ami d’enfance, de l’ENAC comme lui, joueur de rugby comme lui, porte-parole du syndicat national des pilotes de ligne d’Air France et membre du conseil d’administration d’Air France. Deux acteurs majeurs qui sont capables de nuire à Air France comme de lui apporter beaucoup. Je fais partie de ceux qui pensent qu’Air France avait plus à perdre avec la disparition d’Air Lib. Et je crois savoir qu’au sein même d’Air France, il y avait les pro et les anti-Air Lib ; a priori les anti-Air Lib ont eu le dernier mot.

Je sais simplement qu’une personne d’Air France qui avait de grandes responsabilités syndicales, un pouvoir de nuisance tout à fait particulier, avec la puissance du SNPL au sein de la compagnie nationale, était souvent à Air Lib lorsqu’il y avait des problèmes.

M. le Rapporteur : Aviez-vous pris position sur les trois projets de reprise ? Et quelle était celle de la CFTC ?

M. Jean-Christophe BANDLER : Je connaissais le projet de Rochet et de Corbet. Si mes souvenirs sont bons, j’avais clairement exprimé ma position en faveur de Rochet.

M. Laurent DUHAYER : La CFTC avait pris position pour le projet de Marc Rochet, projet financé avec des actionnaires crédibles qui se proposaient de reprendre cette société.

Ce projet avait le défaut d’être moins attractif quant au volume de personnels repris, mais posait clairement le problème de la refonte de tous les accords d’entreprise pour repartir sur des bases que l’on qualifiera de saines. Alors que le projet Corbet était de reprendre le plus de monde possible afin d’avoir plus de poids auprès du tribunal et d’obtenir le soutien des syndicats.

M. Jean-Christophe BANDLER : Je peux reprendre une de mes déclarations, citée par une dépêche AFP du 26 juillet 2001. Il s’agit d’une prise de position franche de ma part : "L’accord proposé par M. Rochet dans le cadre de son projet de reprise est indispensable pour la survie de l’entreprise car il homogénéise les conditions de travail des salariés issus des compagnies AOM et Air Liberté. Le syndicat ne souscrira en revanche jamais au projet Corbet qu’il qualifie d’ignominie".

M. le Président : Les pilotes étaient partagés, car M. Jean Immediato, délégué des pilotes SNPL, avait l’air assez favorable au projet Corbet.

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : J’étais à l’époque secrétaire du comité d’entreprise et les deux projets qui se faisaient concurrence étaient ceux de MM. Corbet et Rochet. M. Corbet a toujours affirmé que M. Immédiato était venu le chercher en faisant valoir leurs accointances au sein du SNPL.

Comme le disait M. Duhayer, ce que tout le monde voulait entendre a été dit par M. Corbet ; il affirmait qu’il allait reprendre le maximum de personnes et que tout allait bien se passer. M. Rochet, lui, taillait dans le vif en disant que les pilotes et le personnel navigant commercial étaient trop payés et que 30 % du personnel ne serait pas repris. Les représentants syndicaux ont eu un choix à faire entre la peste et le choléra.

M. Jean-Pierre GORGES : M. Paris était-il déjà omniprésent ?

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Absolument pas. L’équipe de M. Corbet était constituée de lui-même, de M. Immediato, de Me Léonzi, de M. Lagarde et de la fameuse CIBC.

M. le Président : Comment jugez-vous le rôle de cette banque qui a perçu des honoraires extrêmement élevés ? Elle devait amener des investisseurs, mais à notre connaissance il n’y en a eu aucun.

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Pour les avoir rencontrés à différentes occasions - ils n’étaient jamais plus de quatre à Paris -, ils se sont toujours présentés non pas comme des investisseurs mais comme une banque d’affaires chargée de ramener des investisseurs. Investisseurs que l’on n’a jamais vus. La banque a facturé - vous trouverez ces informations dans le rapport Mazars, dans le chapitre "analyse des flux de la trésorerie versés par Swissair " - 9,135 millions d’euros pour un petit mois de travail. A l’issue de la reprise de la compagnie par Holco et Corbet, nous ne les avons plus vus.

M. Jean-Christophe BANDLER : Je vais compléter ces propos, mais vous aurez le détail demain avec M. Bonan. Un avocat du cabinet Léonzi nous a produit une facture de la CIBC qui, paraît-il, n’était pas valable fiscalement, et qui était de l’ordre de 7 millions d’euros.

M. le Rapporteur : Je pose deux questions à toutes les organisations syndicales, mais vous avez répondu à la première qui était : à partir de quand avez-vous eu des doutes sur la capacité de gestion ? Vous, c’était d’entrée de jeu, avant même que le tribunal ne se prononce.

Ma seconde question est la suivante : les fonds publics, selon vous, ont-ils été bien utilisés soit au total, environ, 130 millions ?

M. Jean-Christophe BANDLER : Un milliard de francs ont été dépensés pour que 3 500 personnes se retrouvent au chômage. Je pourrais faire l’avocat du diable en vous expliquant que, dans le cadre du moratoire, telle somme a été dépensée de telle manière, que le prêt FDES a bien été utilisé, etc.

Nous avons entendu M. Corbet dire, dans certaines émissions, qu’il lui restait encore 5 millions d’euros à Holco Lux. Que fait cet argent au Luxembourg ? Il a également dit qu’il allait rapatrier les 14 millions d’euros de Mermoz Hollande, qui depuis a été revendue sans qu’il le sache à une société anonyme ? J’ai évoqué de petites sommes, certes 400 000 francs par ci, 400 000 francs par là, pour favoriser tel ou tel camarade.

Non, les fonds publics ont été dépensés sans aucune mesure et sans aucune gestion.

M. Hugues LAFOSSE-MARIN : Quand vous donnez 130 millions à un chef d’entreprise, le personnel est en droit d’attendre des mesures drastiques pour restructurer l’entreprise. Or les organisations syndicales sont montées au créneau pour tenter de limiter les dégâts ; alors qu’il s’agissait de la logique d’une gestion d’entreprise. Nous n’avons pas vu ces 130 millions, rien n’a été fait, le mal n’a pas été pris à la racine.

Le cabinet Secafi Alpha nous a même dit qu’il fallait non pas restructurer, mais structurer. Des décisions ont été prises dans tous les sens, mais rien n’a été fait. Non, ces fonds publics n’ont pas été bien utilisés.

M. le Président : Messieurs, je vous remercie.


Source : Assemblée nationale (France)