Composition de la délégation : MM. Jean-Pierre Schosteck, président, Jean-Claude Carle, rapporteur, Jean-Jacques Hyest, vice-président et Bernard Plasait.

I. Présentation générale

La délégation a été accueillie à la direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse par le maire de Beauvais, le procureur de la République, le directeur de cabinet du préfet et le directeur départemental de la PJJ.

L’Oise comporte trois juridictions : Compiègne, Senlis et Beauvais. Toutefois, Compiègne n’a pas de juridiction pour enfants.

L’Oise est le deuxième département le plus jeune de France. Les mineurs correspondent à 1/3 des mises en cause.

Un Observatoire de la violence a été installé dans l’Oise par le biais de l’Education nationale qui a également développé une politique de signalement systématique des violences, notamment à l’intérieur des établissements scolaires.

Par ailleurs, un dispositif de lutte contre la délinquance dans les grandes surfaces a été mis en place.

L’Oise connaît d’importantes difficultés de recrutement d’éducateurs (elle fait en effet partie des deux régions sinistrées, à savoir l’Ile-de-France et la Picardie). En septembre 2001, 25 postes d’éducateurs étaient vacants. Aujourd’hui, 15 sont en formation car issus des concours exceptionnels et 9 sont des contractuels. Les concours exceptionnels ont conduit au recrutement de beaucoup de surveillants d’internat.

Le directeur régional de la PJJ a déclaré avoir espoir dans le recrutement sur titre et la troisième voie qui devraient permettre de recruter des gens ayant de l’expérience. La création des emplois jeunes conduit également à recruter des gens sur contrat qui peuvent ensuite réussir les concours. Avantage : ils ont acquis une expérience professionnelle et s’ils ont pris plaisir à travailler avec leurs collègues du département, ils resteront dans la région (dont ils sont souvent issus). En revanche, ils n’ont pas toujours les qualifications universitaires pour passer les concours : il faudrait donc assouplir les conditions de diplôme notamment par une prise en compte plus importante de l’expérience professionnelle acquise.

16 agents de justice travaillent dans le département.

II. Le foyer d’action éducative de Beauvais

1. Un foyer transformé en centre de placement immédiat

A l’origine, ce foyer public pouvait accueillir théoriquement 12 jeunes âgés de 13 à 21ans. La plupart devait faire l’objet d’un accueil préparé, même si le foyer acceptait de prendre certains jeunes en urgence. En réalité, la majorité des accueils se fait dans l’urgence.

Désormais, ce foyer est présenté par le ministère de la justice comme un centre de placement immédiat sans qu’il semble avoir subi aucune transformation, notamment en ce qui concerne la composition du personnel.

2. D’importants problèmes de personnels

En revanche, il est apparu que le foyer étant structurellement en sous-effectif, ses capacités ont été réduites en pratique à 8 jeunes dont 5 en accueil immédiat. En réalité, le foyer continue de recevoir essentiellement des jeunes en urgence. Ainsi, au 29 mars 2002, sur les 8 jeunes présents au foyer, un seul avait fait l’objet d’un accueil préparé.

Le personnel est très jeune et exerce depuis peu son activité dans le foyer : la directrice y est depuis septembre 2000, l’agent administratif depuis mai 2001, la psychologue et l’ouvrier d’entretien depuis septembre 2001.

Quant aux éducateurs, le foyer constitue leur premier poste : la plus « expérimentée » est issue du premier concours exceptionnel et a été titularisée en décembre 2000, la plus jeune est une éducatrice stagiaire affectée en janvier 2002.

Deux éducatrices sont stagiaires : poursuivant leur formation, elles ne travaillent au foyer qu’à mi-temps. Deux adjointes de justice sont également présentes.

En revanche, le foyer ne souffre pas d’une trop grande féminisation du corps des éducateurs puisque sur les 9 éducateurs qui y sont affectés, 5 sont des hommes.

Dans son rapport d’activité (01/07/2000 - 01/07/2001), la directrice avait constaté : « Les changements permanents en personnel nuisent à la pérennisation d’activités et de partenariat ainsi qu’à l’investissement des personnels dans une institution en manque de repères et d’histoire commune ».

3. La réunion avec le personnel du FAE

Les personnes rencontrées ont noté que le secteur habilité ne participe pas à l’accueil des mineurs issus du placement immédiat. Il rencontre les mêmes difficultés pour recruter des personnels compétents et expérimentés. Cela est notamment lié à l’absence d’institut régional de recrutement social dans la région Picardie.

Le budget de fonctionnement du FAE s’élève à 800.000 francs par an, soit un prix de journée de 800 francs par jeune et par jour (salaires inclus).

Actuellement, deux jeunes de 14 ans sont accueillis mais, dans l’ensemble, sont essentiellement placés dans le FAE des jeunes de 16-18 ans. Le foyer est mixte et accueille régulièrement une fille. La majorité des jeunes est placée dans le cadre pénal. Lorsque le placement se termine, une mesure de milieu ouvert est généralement sollicitée. L’implication des parents est variable.

Les éducateurs ont soulevé le problème des jeunes relevant de l’éducation spécialisée : dans la mesure où ils ont commis un délit, ils relèvent de la justice. Pour autant, ils ont besoin d’un suivi psychologique.

A l’issue de cette visite, la délégation a pu constater les dysfonctionnements suivants :

 les mesures de liberté surveillée préjudicielle ainsi que les sursis avec mise à l’épreuve ne sont jamais exécutés ;

 les placements en urgence se heurtent à la difficulté de trouver un foyer ;

 les actions éducatives en milieu ouvert (AEMO) sont mal exécutées en raison d’un nombre insuffisant d’éducateurs compétents. Ainsi, 90 mesures avaient été budgétisées par le conseil général, mais le personnel n’a pas pu être recruté.

III. Le centre d’action éducative

1. Présentation générale

Il exerce trois activités :

 centre de jour (bureautique, restauration, cheval, classe) ;

 permanence éducative auprès du tribunal ;

 fonctions milieu ouvert.

Le CAE exécute prioritairement les mesures avant jugement.

En ce qui concerne le personnel, 4 éducateurs titulaires sont présents au CAE et 2 éducateurs stagiaires y effectuent leur stage. En 2001, le CAE a reçu 18 stagiaires, ce qui a perturbé son fonctionnement.

Par ailleurs, la directrice a écrit dans son rapport d’activité 2001 : « environ deux fois par an, l’équipe d’éducateurs se renouvelle partiellement, il est donc difficile dans ces conditions de créer une dynamique de groupe et de mettre en place des projets à long terme. Une impression d’usure et de répétitions se fait parfois sentir ».

2. Les actions dans le cadre du milieu ouvert

Un éducateur s’occupe de 22 à 25 mineurs. 120 sont suivis annuellement.

Outre leurs activités traditionnelles, les éducateurs effectuent une permanence à la maison de la justice et du droit. Ils présentent également l’exposition 13-18 ans sur la justice. 600 jeunes ont été concernés en 2001.

Le CAE travaille également avec des familles d’accueil depuis 1987 qui sont bénévoles et indemnisées.

Les éducateurs s’efforcent de restaurer les liens avec la famille, de construire un projet éducatif et de favoriser la réinsertion des jeunes. Ils rendent compte de leur travail régulièrement au magistrat.

Le personnel du CAE a évoqué le cas d’un magistrat qui ne prend aucune décision dans le cadre pénal.

3. Le centre de jour

Il a une capacité d’accueil théorique de 22 jeunes. Ces derniers sont soit en foyer, soit en famille d’accueil. Les familles sont cependant associées au projet éducatif, puis les jeunes sont orientés soit dans les activités de découverte, soit dans les activités de préformation. Les activités sont proposées de début septembre à fin juillet.

Les jeunes ont le statut de stagiaire de la formation professionnelle pour les plus de 16 ans (CNASEA Etat ou Région).

L’atelier restauration a été perturbé en 2001 lorsque l’indemnité région a été supprimée (1800 francs par mois) suite à une suspension de la convention de labellisation, ce qui a démotivé les jeunes. Par ailleurs, il a souffert de sous-effectifs au niveau du personnel encadrant qui ont entravé son activité.

L’atelier cheval a été un temps sous-utilisé. En outre, cette activité peut être difficilement proposée aux jeunes éloignés géographiquement.

L’atelier classe reste également structurellement sous-utilisé. Initialement conçu comme un atelier transversal aux autres ateliers, il reste trop tributaire de l’organisation des autres ateliers. Il a donc été décidé de l’ouvrir à l’accueil d’autres jeunes.

Les demandes pour les moins de 16 ans tendent à augmenter.

4. L’Unité éducative auprès du tribunal (UEAT)

C’est un service en pleine évolution suite à la réforme des services éducatifs auprès des tribunaux engagée par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse en 2001.

Il assure trois grands types de missions :

 conformément à l’article 12 de l’ordonnance de 1945, l’UEAT assiste les magistrats, notamment en dressant le bilan de la personnalité du jeune versé au dossier ;

 en cas de convocation par un officier de la police judiciaire, le parquet doit pouvoir faire rencontrer le jeune par un éducateur dans la semaine qui suit l’effraction ;

 l’UEAT assure également le suivi des jeunes en détention : l’éducateur doit ainsi présenter un projet de sortie de prison au magistrat.

L’UEAT partage aussi d’autres missions avec le CAE : peines de TIG, mesures de réparation, contrôles judiciaires socio-éducatifs, sursis avec mise à l’épreuve.

IV. L’école de la nouvelle chance

1. Les objectifs de l’école de la nouvelle chance

Le contrat local de sécurité signé le 18 juin 1998 prévoit la création de l’école de la nouvelle chance, qui devait constituer un internat scolaire géré par la protection judiciaire de la jeunesse et destiné aux élèves les plus engagés dans la voie de la déscolarisation et de la rupture scolaire, placés dans cette école par décision judiciaire.

La ville de Beauvais fut maître d’oeuvre, puis une convention de mise à disposition des locaux fut signée avec le ministère de la justice qui en devenait gestionnaire.

A l’origine, il était prévu que cette école accueille une douzaine de mineurs en hébergement pour une durée comprise entre 4 mois et un an.

Le personnel prévu devait se composer de :

Pour l’Education nationale :

2 postes d’instituteur ou de professeur des écoles spécialisé

1 psychologue (à temps partiel)

1 conseiller d’orientation (à temps partiel)

1 assistant social (1/4 temps)

2 aides-éducateurs

Pour la PJJ :

1 directeur

1 secrétaire

1 psychologue

2 agents techniques d’éducation (veilleurs de nuit)

2 ouvriers professionnels (cuisine)

2 agents de justice

6 éducateurs

2. Un résultat plus que mitigé

La délégation a pu visiter les très beaux locaux de l’école, qui constituent un outil moderne et fonctionnel mais coûteux.

En pratique, cette école, après avoir été inaugurée par Mme Marylise Lebranchu, alors garde des Sceaux, n’a pas encore pu fonctionner correctement en raison de fortes carences en personnels : non seulement les postes n’ont pas été pourvus, mais en outre l’école a souffert d’une grande mobilité au niveau du personnel.

Ainsi, en mars 2002, sur 3 éducateurs titulaires, 2 sont en congé de maternité. Un éducateur est stagiaire et trois sont contractuels (mais l’un a dû être renvoyé). Le directeur a été opéré récemment et est donc également absent.

En avril 2002, 7 jeunes seulement étaient accueillis, tous n’étant pas hébergés à l’école.

Le prix de journée s’élève entre 1800 et 2000 francs (hors salaires). Le coût de la construction du bâtiment s’est élevé à 10 millions de francs au moins.

La PJJ comme le parquet estiment que cette école doit être maintenue car elle élargit la palette des solutions pour lutter contre la délinquance des mineurs. Il pourrait notamment être envisagé d’accueillir des jeunes à la journée.

Ils font remarquer que dans le département, il y a 52 places d’hébergement théoriques et que seulement 40 sont disponibles faute de personnels en nombre suffisant. Les problèmes rencontrés par l’école de la nouvelle chance ne sont donc pas spécifiques à cette dernière. Il manquerait également un CER et un quartier des mineurs dans les centres de détention.

En réalité, la lutte contre la délinquance se heurte moins à un manque de moyens financiers (qui ont été débloqués) qu’à une insuffisance de personnels. Les intervenants ont rappelé que la formation d’un éducateur spécialisé dure 3 ans. Ils ont prôné une déconcentration de la gestion du personnel et proposé des réformes :

 possibilité de recruter des gens au niveau bac en tenant compte de leur expérience professionnelle (notamment en tant qu’adjoint de sécurité). A cet égard, il a été fait remarquer que la création des postes d’adjoint de sécurité permet de faire le tri entre les jeunes réellement motivés pour ce métier et les autres. Ensuite, des concours spécifiques sont organisés qui permettent de compenser l’absence de diplôme requis par l’expérience acquise ;

 développer le recrutement sur dossier ;

 développer les concours au niveau régional.

A la fin de sa visite, la délégation a pu s’entretenir avec les participants au contrat local de sécurité de Beauvais.


Source : Sénat français