Gary Schmitt, directeur du think tank électoral de George W. Bush, n’est pas ébranlé par les déclarations de David Kay indiquant que l’Irak n’avait plus de programme effectif d’« armes de destruction massive » depuis 1991. En effet, écrit-il dans le Los Angeles Times, une guerre préventive vise à résoudre un problème avant qu’il ne soit trop tard, or selon lui, Saddam Hussein avait l’intention de construire ces armes quant il le pourrait, donc peu importe qu’il n’ait pas eu le temps de le faire.
Également auto-satisfait, l’ambassadeur des États-Unis en France, Howard H. Leach, assure dans Le Figaro que les relations entre les deux pays sont en voie de réchauffement. Il réussit à s’en convaincre en affirmant qu’ils sont contraints de s’unir pour faire face aux mêmes menaces. Reste évidemment à démontrer que les attentats du 11 septembre ont été commis par des islamistes qui menacent Paris comme New York.

Autre tonalité : le général Anthony C. Zinni, adversaire résolu des néo-conservateurs, dénonce dans le Los Angeles Times leur politique en Irak. La dissolution de l’armée irakienne et la « déba’asification » de l’administration ont privé le pays de ses cadres les plus compétents et l’ont fait sombrer dans un chaos durable. Il est encore temps de changer d’attitude, écrit-il, suggérant implicitement qu’il faut « dé-néoconservatiser » à Washington.

George Perkovich, coauteur d’un rapport remarqué sur l’absence d’armes de destruction massive en Irak, souhaite éviter une dérive politicienne de la polémique. S’exprimant dans le très conservateur Washington Times, cet expert démocrate invite à se poser des questions constructives sur la réforme des services de renseignement plutôt que de se renvoyer la responsabilité des erreurs passées.
De même, le stratège Zbigniew Brzezinski s’inquiète du discrédit des États-Unis et de la faillite de ses services de renseignement dans la justification de l’attaque de l’Irak. Aspirant à l’évidence à revenir au pouvoir et à y trouver une administration assainie, il demande dans le Washington Post la création d’une Commission indépendante chargée de concevoir une réforme des services. Une démarche qui illustre, une fois de plus, que l’opposition entre démocrates et républicains à propos de la méthode Bush ne doit pas cacher le consensus bipartisan sur la volonté de domination globale.

Nir Boms et Reza Bulorchi, deux experts proches des néo-conservateurs, s’efforcent dans le Jerusalem Post de discréditer les « réformateurs » iraniens qu’ils accusent d’être solidaires du régime des mollahs et de soutenir, eux aussi, le terrorisme et le fondamentalisme. Ils préconisent de soutenir les forces intérieures capables d’organiser un renversement du régime, incluant les « réformateurs ». Le lecteur observera avec intérêt qu’après avoir schématisé la vie politique iranienne en deux camps et les avoirs affublés des qualificatifs de « conservateurs » et de « réformateurs », les analystes occidentaux sont forcés de se contredire pour rendre compte de leurs nouveaux objectifs. Après avoir tenté de jouer le président Khatami contre le Guide suprême Khamenei, en idéalisant le premier et en stigmatisant le second, ils veulent aujourd’hui renverser le régime en les décrivant comme les deux faces d’une même réalité. Voilà donc que nos experts évoquent de mystérieuses forces intérieures à l’Iran, mais extérieure au régime, sans préciser lesquelles. Or, contrairement à ce qu’ils écrivent, la particularité du régime actuel est d’avoir mis fin à la période thermidorienne de la révolution khomeyniste en organisant une cohabitation entre toutes les forces politiques du pays ; cohabitation qui a permis d’établir un consensus national tout en conduisant à la paralysie politique et bureaucratique actuelle qui ne donne satisfaction à personne.
Philip W. Yun, qui participa aux négociations de l’administration Clinton avec la Corée du Nord, témoigne dans le Los Angeles Times. D’origine coréenne, il croyait tout savoir sur ce sujet, mais a découvert à l’usage que ses a priori était faux : la Corée du Nord n’est pas agressive, mais défensive ; sa population n’aspire pas à changer de régime ; un coup d’État ne ferait qu’aggraver les problèmes ; et la Chine ne peut guère influer sur le régime.

Enfin, le travailliste David Clark, ancien conseiller du ministre démissionnaire Robin Cook, s’en prend à son tour à Tony Blair dans le Guardian. Le quotidien de la gauche britannique mène en effet une campagne de longue haleine contre le Premier ministre et, en définitive, contre la tendance qu’il incarne, le New Labour. Clark explique en substance que les conclusions du rapport Hutton ne trompent personne. Il ne sert à rien de savoir si Tony Blair a menti ou s’il s’est auto-intoxiqué, dans tous les cas, il n’est pas digne de rester Premier ministre.