Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a clos, cet après-midi, les travaux de sa soixante-septième session, qui se tenait à Genève depuis le 2 août dernier, en présentant ses observations finales sur les rapports des huit pays qu’il a examinés au cours de ces trois semaines de session, à savoir : le Venezuela, la Géorgie, la Zambie, la Barbade, la Tanzanie, l’Islande, le Turkménistan et le Nigéria. Le Comité a par ailleurs examiné, au titre de sa procédure de bilan, les situations au Malawi, aux Seychelles, à Sainte-Lucie et au Mozambique.

Au cours de cette session, le Comité a par ailleurs examiné, au titre de la prévention de la discrimination raciale et des procédures d’alerte rapide et des mesures d’urgence, une décision sur la situation au Suriname dans laquelle il regrette de n’avoir reçu aucun commentaire relatif à l’élaboration d’un projet de loi de 2004 sur l’exploitation minière, au sujet duquel le Comité avait déjà exprimé sa préoccupation. Il exprime par ailleurs sa profonde préoccupation concernant les allégations selon lesquelles le Suriname allouerait des ressources supplémentaires et infrastructures à des projets qui font peser des menaces graves et irréparables sur les autochtones et les membres de tribus.

Le Comité a également adressé des lettres à l’Ukraine et aux États-Unis dans le cadre de sa procédure d’alerte rapide et de mesures d’urgence, indiquant à ces États parties qu’il avait entamé, à titre préliminaire, l’examen de demandes visant à ce qu’il adopte des mesures s’agissant, respectivement, du peuple autochtone tatar de Crimée et de la situation des Shoshone occidentaux.

Au cours de la présente session, le Comité a en outre adopté une recommandation générale relative à la prévention de la discrimination raciale dans le fonctionnement et l’administration de la justice pénale.

Il a par ailleurs adopté une décision qui s’inscrit dans le cadre de la procédure de suivi de la Déclaration sur la prévention du génocide, adoptée à sa précédente session, et qui concerne plus précisément les indicateurs de manifestations systématiques et massives de discrimination raciale.

À sa prochaine session, qui se tiendra au Palais des Nations à Genève du 20 février au 10 mars 2006, le Comité a prévu d’examiner les rapports des États parties suivants : Botswana, Ouzbékistan, Guatemala, El Salvador, Estonie, Etats-Unis, Guyana, Afrique du Sud et Lituanie.

Observations finales du Comité sur les rapports examinés au cours de la session

Le Comité a adopté des observations finales sur chacun des rapports examinés au cours de la session, présentés par les délégations des pays suivants (dans l’ordre des séances d’examen) : Venezuela, Géorgie, Zambie, Barbade, Tanzanie, Islande, Turkménistan et Nigéria.

Dans ses observations finales sur le rapport périodique du Venezuela, le Comité se félicite des droits et principes énoncés dans la Constitution de 1999, en particulier le préambule, qui établit le caractère multiethnique et pluriculturel de la société vénézuélienne. Il prend note de la création d’institutions spécialisées, notamment un comité présidentiel, visant à lutter contre la discrimination raciale. Le Comité note également avec satisfaction que les peuples autochtones sont représentés à l’Assemblée nationale. Le Comité note également avec intérêt l’existence d’une juridiction spéciale chargée de régler les conflits fondés sur les us et coutumes des peuples autochtones. Il prend aussi note du décret présidentiel de mai 2002 relatif à la protection des langues des peuples autochtones et note que les autochtones peuvent faire usage de leurs langues face aux autorités. Le Comité note avec satisfaction que l’un des objectifs de la Loi sur la responsabilité sociale de la radio et de la télévision (2004) est la promotion de la tolérance entre les peuples et les groupes ethniques.

Le Comité note néanmoins avec préoccupation qu’il n’existe pas au Venezuela de données statistiques ventilées concernant les Afro-descendants. Le Comité demande par ailleurs au pays de veiller à ce que la carte d’identité octroyée aux autochtones conformément à la loi se fonde sur une auto-identification des personnes concernées. Il réitère sa préoccupation face à la persistance d’inégalités socioéconomiques profondes et structurelles qui se reflètent dans la jouissance des droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, et qui affectent les Afro-descendants et les peuples autochtones. Le Comité note avec une profonde préoccupation qu’entre 1995 et 2003, 61 personnes, en majorité autochtones ou afro-descendantes, auraient été assassinées par des groupes armés privés en raison de conflits liés à la terre, ce problème s’étant aggravé à partir de 2001. Il est demandé au Venezuela de prendre des mesures effectives et urgentes pour mettre un terme à ce problème de violence qui affecte principalement les peuples autochtones et les Afro-descendants. Le Comité note en outre avec préoccupation que, selon le rapport du Venezuela, les peuples autochtones du Haut Oricono et des bassins du Casiquiare et du Guanía-Río Negro rencontrent des problèmes de divers ordres, en particulier avec les centres d’exploitation illégale de l’or ; il est recommandé au pays de prendre des mesures urgentes pour mettre fin à cette situation.

Le Comité note avec satisfaction que la Géorgie poursuit son œuvre de réforme des lois et se félicite que, ce faisant, elle tienne compte de certaines de ses précédentes recommandations. Le Comité note également avec satisfaction que la Géorgie a fait la déclaration reconnaissant la compétence du Comité pour connaître des communications individuelles. Le Comité souhaite que le public soit dûment tenu informé de cette possibilité. Le Comité relève par ailleurs avec satisfaction les mesures prises par la Géorgie pour renforcer la participation des minorités ethniques aux institutions publiques. Le Comité demande à la Géorgie de lui fournir des informations détaillées sur les résultats du plan d’action 2003-2005 visant à protéger les droits et les libertés des divers groupes qui composent sa population et l’invite à adopter une législation spécifique de protection des minorités. Il lui recommande par ailleurs de se doter des mesures permettant d’assurer une mise en œuvre complète et appropriée de l’article 4 de la Convention (interdiction de la propagande raciste). Il lui recommande d’adopter une législation sur le statut des langues et de prendre des mesures efficaces destinées à renforcer la connaissance de la langue géorgienne par les minorités et à promouvoir l’utilisation des langues minoritaires dans l’administration. Le Comité recommande à la Géorgie d’inclure dans son prochain rapport des informations détaillées sur la situation de toutes les minorités, notamment les plus vulnérables d’entre elles et plus particulièrement les Roms. Il lui recommande d’adopter des mesures concrètes pour permettre la représentation des minorités dans l’administration et les institutions publiques et pour accroître leur participation à la vie publique. Le Comité recommande à la Géorgie de fournir dans son prochain rapport périodique des informations détaillées concernant la situation des meskhètes, tout en prenant les mesures nécessaires pour faciliter leur intégration et l’acquisition de la nationalité géorgienne.

La Géorgie devrait fournir au Comité des informations détaillées sur la situation des réfugiés et des demandeurs d’asile, sur la protection juridique dont ils bénéficient, y compris leurs droits à bénéficier de l’assistance juridique et de recourir en justice contre des mesures d’expulsion, ainsi que des informations sur la législation relative à l’expulsion. Le Comité encourage la Géorgie à ratifier la Convention relative au statut des apatrides ainsi que la Convention sur la réduction des cas d’apatridie. Il lui recommande par ailleurs d’adopter une législation relative à la liberté de conscience et de religion afin de protéger les minorités ethniques et religieuses contre la discrimination et, plus particulièrement, contre les actes de violence. Il lui recommande de prendre les mesures appropriées afin de supprimer toutes formes de mauvais traitements infligés par des responsables de l’application des lois particulièrement lorsque les victimes appartiennent à des minorités ethniques ou sont des non-ressortissants. Le Comité recommande à la Géorgie de présenter dans son prochain rapport des informations détaillées concernant l’indépendance et les compétences de l’Ombudsman, ainsi que les résultats de ses activités. Le Comité exhorte enfin la Géorgie à faire en sorte que sa législation interne contienne des dispositions permettant de protéger les doits garantis par la Convention et d’obtenir réparation en cas de violation de ces droits. La Géorgie devrait diffuser le plus largement possible l’information relative aux voies de recours contre de telles violations.

S’agissant du rapport de la Zambie, le Comité accueille avec satisfaction la création d’une Commission nationale des droits de l’homme et d’une Autorité chargée de traiter les plaintes portées contre la police. Le Comité se félicite particulièrement de la présence, au sein de la délégation zambienne, de représentants de la Commission des droits de l’homme, attestant de la volonté de la Zambie de nouer un dialogue sincère et constructif avec le Comité. Le Comité se félicite en outre des efforts déployés par la Zambie afin de promouvoir l’accès des réfugiés à la justice et il se réjouit plus particulièrement de la création de tribunaux spéciaux itinérants et d’unités de police opérant dans les camps de réfugiés. Le Comité recommande à la Zambie de faciliter le processus de révision de la Constitution afin d’assurer la pleine mis en œuvre des dispositions relatives à l’interdiction de la discrimination. Le Comité invite la Zambie à transcrire la Convention dans sa législation interne, et lui recommande de garantir le droit de chacun à jouir de ses droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, sans discrimination. La Zambie devrait fournir davantage d’informations détaillées sur la mise en œuvre concrète de sa législation. Le Comité recommande par ailleurs au pays de réviser la disposition constitutionnelle exigeant de tout candidat à l’élection présidentielle qu’il soit un zambien de deuxième génération.

Le Comité rappelle à la Zambie qu’aux termes de la Convention, un traitement différencié fondé sur la citoyenneté est discriminatoire s’il repose sur un critère ne poursuivant pas un objectif légitime et n’est pas proportionnée au but à atteindre. Le Comité recommande à la Zambie de respecter la liberté d’expression sans discrimination fondée sur la citoyenneté. Préoccupé par le sort de milliers de réfugiés qui ne peuvent pas entrer dans leur pays d’origine, en particulier des angolais, le Comité recommande à la Zambie de réviser sa politique en matière de réfugiés afin de renforcer les chances d’intégration de ceux qui se trouvent depuis longtemps sur son territoire. Préoccupé par des cas de discrimination raciale impliquant quotidiennement des acteurs non étatiques, le Comité exhorte la Zambie à se saisir de ce phénomène en élaborant des stratégies en partenariat avec la Commission nationale des droits de l’homme. Le Comité recommande par ailleurs à la Zambie d’ériger en infraction punissable la participation à des organisations de promotion et d’incitation à la haine raciale. Le Comité recommande à la Zambie d’inclure dans son prochain rapport des informations sur les plaintes pour faits de discrimination raciale portées devant la Commission zambienne des droits de l’homme et sur les suites qui y ont été données. Le Comité recommande également à la Zambie de prêter toute l’attention nécessaire à l’existence possible de cas de discriminations indirectes, interdites par la Convention. La Zambie devrait en outre renforcer ses efforts afin de faire connaître ses droits à la population, d’informer les victimes des voies de recours dont elles disposent, de faciliter leur accès à la justice. Le Comité recommande enfin à la Zambie de redoubler d’efforts visant pour renforcer l’efficacité de la Commission nationale des droits de l’homme.

Le Comité note avec satisfaction la création, par la Barbade, d’une Commission nationale pour la réconciliation. Il apprécie par ailleurs que la délégation ait fourni des données statistiques pertinentes concernant la composition de la population. Le Comité se félicite de l’adoption par la Barbade d’un Plan National sur la justice, la paix et la sécurité, étape importante vers l’obtention d’un droit à réparation pour les victimes de crimes violents. Le Comité se réjouit par ailleurs de l’organisation par le centre Régional de formation de la police de plusieurs programmes de formation aux droits de l’homme. Le Comité recommande à la Barbade d’adopter une définition de la discrimination raciale reprenant les éléments de l’article 1er de la Convention. Il lui recommande par ailleurs d’instituer une commission nationale des droits de l’homme conforme aux exigences des Principes de Paris. La Barbade devrait en outre s’efforcer de créer un environnement favorable aux organisations s’attachant à promouvoir l’intégration multiraciale. Le Comité encourage en outre la Barbade à poursuivre le dialogue avec les organisations de la société civile. Le Comité encourage la Barbade à surveiller les tendances susceptibles de générer des pratiques ségrégationnistes et de décrire toutes conséquences négatives en découlant dans son prochain rapport périodique.

Le Comité recommande par ailleurs à la Barbade d’envisager de retirer sa réserve afin de donner plein effet à l’article 4 de la Convention et d’octroyer aux victimes de discrimination raciale des voies de recours efficaces, conformément à l’article 6. Le Comité recommande à la Barbade de rechercher les raisons de l’absence de plaintes officielles concernant des actes de discrimination raciale. Il lui demande de fournir, dans son prochain rapport, des informations statistiques sur les plaintes déposées par les victimes, les poursuites qui s’en sont suivies, et le résultat des affaires relatives à des actes de discrimination raciale. Le Comité recommande par ailleurs à la Barbade d’assurer à chacun la jouissance des droits économiques et sociaux, y compris du droit à l’éducation, dans des conditions d’égalité. Préoccupé par la fermeture du Centre d’études multiethniques de l’université de la Barbade, le Comité recommande à l’État partie d’envisager sa réouverture. Le Comité recommande enfin fermement à la Barbade de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles et de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés.

Le Comité note que la Tanzanie est un État multiethnique, comptant plus de 120 ethnies et minorités, et reconnaît les efforts qu’il déploie en vue de permettre l’harmonie entre tous ces groupes. Le Comité se félicite de la création d’une Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance, compétente pour mener des enquêtes relatives à des allégations de violations de droits de l’homme et chargée par ailleurs de diffuser l’information relative aux droits de l’homme. Il lui demande à cet égard de fournir des informations détaillées relatives à l’indépendance, les compétences et les résultats de l’activité de la Commission et lui recommande de renforcer cette institution, dans le respect des Principes de Paris relatifs au statut des institutions nationales et la dotant des ressources appropriées. Le Comité recommande à la Tanzanie d’adopter une législation spécifique afin de mettre en œuvre les dispositions de la Convention, en se dotant notamment d’une définition de la discrimination raciale conforme à l’article premier la Convention. Le Comité recommande fermement à la Tanzanie d’envisager l’incorporation de la Convention à son ordre juridique interne. Il lui recommande en outre d’adopter une législation permettant la mise en œuvre complète et appropriée de l’article 4 de la Convention dans son système juridique (interdiction de la propagande raciste). Le Comité recommande à la Tanzanie de renforcer les mesures qu’elle a adoptées en vue de supprimer la pratique persistante des mutilations génitales féminines, notamment au moyen de campagnes de sensibilisation.

Le Comité demande à la Tanzanie de lui fournir des informations détaillées sur l’expropriation foncière de certains groupes ethniques, sur les compensations prévues à cet effet ainsi que des informations concernant la situation de ces groupes ethniques à la suite de leur déplacement. Il lui demande aussi de fournir une évaluation, tout au moins approximative, de la composition ethnique et linguistique de sa population, y compris les non-ressortissants. Elle devrait également fournir des informations détaillées s’agissant de la situation des non-ressortissants, des immigrants et des demandeurs d’asile ainsi que sur les résidents étrangers qui séjournent depuis longtemps dans le pays et les possibilités qui leur sont offertes d’acquérir la citoyenneté tanzanienne. Le Comité recommande par ailleurs à la Tanzanie de le tenir informé des mesures spéciales visant à permettre aux groupes ethniques et semi-ethniques de jouir pleinement de leurs droits au titre de la Convention. Il lui recommande aussi de prendre les mesures appropriées afin de supprimer toutes formes de mauvais traitements imputables aux responsables de l’application des lois relatives aux réfugiés, et de le tenir informé de la situation des réfugiés et des règles relatives à leur expulsion.. Le Comité recommande à la Tanzanie de prendre les mesures nécessaires pour établir les mécanismes permettant de renforcer la capacité et l’efficacité du système judiciaire, afin de permettre l’accès de tous à la justice sans discrimination. La Tanzanie devrait également créer des mécanismes permettant de fournir une assistance juridique à tous les membres des groupes vulnérables. Le Comité rappelle à la Tanzanie que l’absence de décisions de justice relatives à des actes de discrimination raciale peut être due à un manque d’information des victimes. Il lui recommande de s’assurer que sa législation interne prévoit des dispositions appropriées permettant de protéger les droits garantis par la Convention et permettent aux victimes de recourir contre des violations de la Convention.

Le Comité se félicite de la ratification par l’Islande de nombre d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris celle des deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, depuis l’examen de son précédent rapport en 2001. Le Comité note par ailleurs avec satisfaction l’adoption de nouvelles législations relatives au droit des étrangers, en matière d’emploi ou de droit de vote aux élections municipales. Il se félicite que le pays soit en train de mettre en place une commission pour les réfugiés et les demandeurs d’asile et un conseil de l’immigration. Il se réjouit que la Cour suprême ait confirmé par une décision d’avril 2002 la condamnation, sur la base de l’article 233 du Code pénal, d’un individu qui avait agressé un groupe de personnes au motif de leur nationalité, de leur couleur et de leur race. Le Comité se félicite en outre de la création d’un bureau au sein de la police de Reykjavik chargé de faire le lien entre la police et les personnes d’origine étrangère.

Le Comité encourage l’Islande à envisager l’incorporation à sa législation interne de dispositions importantes de la Convention, afin de permettre une protection globale contre la discrimination. Le Comité rappelle à l’Islande que la notion de prévention est inhérente à nombre de dispositions de la Convention et encourage l’Islande à adopter des mesures de prévention de la discrimination raciale dans toutes les sphères de la vie. À cet égard, l’Islande devrait réfléchir à l’adoption d’une législation globale de lutte contre la discrimination. Le Comité invite par ailleurs le pays à maintenir sa coopération avec les organisations non gouvernementales qui luttent contre la discrimination raciale, en s’assurant qu’elles disposent du financement et de l’indépendance nécessaires. Il l’encourage à intensifier ses efforts en matière de formation systématique de ses garde-frontières, pour leur permettre de mieux connaître tous les aspects de la protection des réfugiés ainsi que la situation dans les pays dont sont originaires les demandeurs d’asile. Il lui recommande de renforcer les garanties de protection légales contre les discriminations à l’encontre des non-ressortissants. Le Comité rappelle à l’Islande le droit pour chaque individu de pénétrer à l’intérieur de lieux publics, tels que les discothèques ou les bars, et lui recommande de réglementer la charge de la preuve dans le cadre de procédures civiles relatives au refus d’accès à des lieux publics fondés sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique. Une fois établie l’existence d’éléments suffisants permettant de penser qu’un tel refus est intervenu, il devrait incomber à la défense d’apporter la preuve que le refus était fondé sur un élément objectif et raisonnable qui justifier un traitement différent. Par ailleurs, le Comité recommande à l’Islande d’envisager l’examen, par une instance judiciaire indépendante, de la légalité des décisions de rejet par la Direction de l’immigration en matière de demande d’asile. Le Comité recommande enfin à l’Islande d’envisager la création d’une institution nationale relative aux droits de l’homme répondant aux exigences des Principes de Paris sur le statut des institutions nationales.

Relevant que le rapport périodique du Turkménistan a été soumis avec neuf ans de retard, le Comité invite le pays à respecter les délais pour la présentation de ses futurs rapports. Le Comité note avec satisfaction que, depuis son indépendance, le Turkménistan a ratifié la plupart des principaux traités des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme. Le Comité apprécie en outre l’adoption en mars dernier d’une règle concernant la détermination du statut de réfugié ainsi que l’accueil généreux, sur simple présomption, de plus de dix mille réfugiés provenant du Tadjikistan. Il note toutefois avec une profonde préoccupation les contradictions majeures qui existent entre, d’une part, les informations cohérentes en provenance de sources intergouvernementales et non gouvernementales faisant état de graves violations de la Convention dans le pays et, de l’autre, les dénégations parfois catégoriques du Turkménistan. Le Comité note en outre avec préoccupation le manque de données cohérentes concernant la composition ethnique de la population. Il note que la proportion de minorités nationales et ethniques au Turkménistan semble avoir sensiblement diminué entre 1995 et 2005 ; il lui semble difficile d’interpréter ces chiffres qui peuvent à la fois résulter d’une politique d’assimilation menée par le pays, de l’émigration de nombreux membres des groupes minoritaires et de prétendues manipulations des statistiques par le pays afin de diminuer l’importance des minorités sur le territoire. Le Comité rappelle que les politiques d’assimilation forcée équivalent à de la discrimination raciale. Il se dit en outre profondément préoccupé par les cas rapportés de discours de haine à l’encontre des minorités nationales et ethniques, incluant des déclarations attribuées à des responsables gouvernementaux de haut rang et à des personnalités publiques, faisant état d’une « pureté ethnique turkmène ».

Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par certaines informations selon lesquelles les minorités nationales et ethniques voient leur participation sur le marché du travail gravement restreinte, s’agissant en particulier de l’emploi dans le secteur public. Le Comité note en outre avec une profonde préoccupation l’information selon laquelle il y aurait au Turkménistan des populations déplacées par la force, au niveau interne, et envoyées dans des régions inhospitalières du pays, les personnes d’origine ouzbèke étant à cet égard particulièrement visées. Sont également jugées préoccupantes les informations faisant état de restrictions à la liberté de mouvement imposées par le biais de permis spéciaux pour voyager vers les régions frontalières à l’intérieur du pays, ces restrictions ayant un impact particulier sur les personnes appartenant à des minorités nationales et ethniques. Recommandant au pays de respecter pleinement les droits culturels des personnes appartenant à de telles minorités, le Comité estime que le Turkménistan devrait envisager de rouvrir les écoles dispensant un enseignement dans les langues ouzbèke, russe, kazakhe et arménienne. Relevant que l’accord bilatéral passé avec la Fédération de Russie en matière de double nationalité avait été abrogé en 2003, le Comité note avec préoccupation qu’il aurait alors été exigé des personnes ayant choisi la nationalité russe qu’elles quittent le pays rapidement. Il se dit par ailleurs profondément préoccupé par les informations selon lesquelles le Turkménistan aurait pris des mesures limitant considérablement l’accès à la culture et aux arts étrangers, aux médias étrangers et à l’Internet.

Le Comité se félicite de la création par le Nigéria d’une Commission nationale des droits de l’homme. Il se réjouit en outre de l’adoption en 2004 d’un Plan national de promotion et de protection des droits de l’homme. Il se félicite également de la création d’un Conseil national inter-religions et d’un Institut sur les conflits et la paix, tous deux chargés de promouvoir l’harmonie entre les groupes ethniques et les religions. Le Comité se réjouit par ailleurs de la création d’un système national de répartition des revenus dont l’objet est d’assurer une juste distribution des ressources à travers les différents États du pays. Il se félicite de la mise en place de bureaux des droits de l’homme dans les commissariats. Le Comité recommande par ailleurs au Nigéria de mener à son terme le recensement de sa population et de produire des données ventilées par ethnicité, religion et sexe, ce qui permettra au Comité d’identifier les groupes visés à l’article premier de la Convention. Le Comité recommande par ailleurs au Nigéria de demander à la Commission conjointe du Parlement chargée de faire des propositions d’amendement à la Constitution d’envisager l’adoption d’une définition de la discrimination qui reprenne les éléments de l’article premier de la Convention. Le Comité invite le Nigéria à étendre aux non-ressortissants le champ d’application de la législation de lutte contre la discrimination qu’il est en train d’élaborer. Le Comité invite en outre le Nigéria à prendre toutes les mesures nécessaires pour transcrire dans son droit interne les dispositions importantes de la Convention, afin de se doter d’une législation globale de protection contre la discrimination raciale. Le Comité encourage le Nigéria à continuer de surveiller toutes initiatives et tendances susceptibles de donner lieu à des comportements racistes et xénophobes. Il recommande au Nigéria de mener des études afin de prendre la mesure des faits de discrimination raciale.

Le Comité invite par ailleurs l’État partie à lui fournir dans son prochain rapport une réponse détaillée sur la question de la discrimination fondée sur l’ascendance. Il recommande fermement au Nigéria d’élaborer, en partenariat avec les organisations non gouvernementales, des programmes efficaces de prévention, d’interdiction et d’abolition de toutes pratiques de nature ségrégationniste émanant de personnes privées ou publiques. Le Comité recommande par ailleurs au Nigéria de mettre un terme aux mauvais traitements, à l’usage excessif de la force par la police et aux exécutions extrajudiciaires. Il demande au Nigéria de lui fournir dans son prochain rapport des informations concernant le nombre de personnes ayant trouvé la mort dans le cadre de ces pratiques, ainsi que sur leur origine ethnique. Par ailleurs, le Comité recommande au Nigéria d’introduire dans sa législation pénale une disposition faisant de l’intention raciste une circonstance aggravante. Le Comité exhorte le pays à prendre, à brève échéance, des mesures destinées à lutter contre le racisme environnemental. À cet égard, il recommande au Nigéria d’abroger la loi de 1978 sur l’exploitation de la terre et du décret de 1969 sur le pétrole et d’adopter une législation qui établisse clairement les principes directeurs de l’exploitation de la terre, oblige au respect de règles strictes de protection de l’environnement et à une juste répartition des revenus. Le Comité recommande par ailleurs au Nigéria de présenter dans son prochain rapport des informations concernant la traite es êtres humains et qu’il continue à adopter des mesures pour prévenir et combattre ce phénomène. Le Comité recommande enfin au Nigéria de prévoir les dispositions permettant d’exercer des recours contre des actes de discrimination raciale et d’informer la population sur leur existence.

Autres mesures prises par le Comité concernant des États parties à la Convention

Au cours de la présente session, le Comité a par ailleurs examiné, au titre de la procédure de bilan applicable aux États parties dont le rapport accuse un retard trop important, les situations au Malawi, aux Seychelles, à Sainte-Lucie et au Mozambique.

S’agissant du Malawi et des Seychelles, le Comité a décidé d’adresser une liste de questions à ces États parties leur demandant de fournir des réponses avant la fin de l’année, faute de quoi le Comité procéderait à l’adoption d’observations finales sur la situation dans ces pays au regard de la Convention.

En ce qui concerne le Mozambique, également en retard dans la présentation de son rapport, le Comité a pris note que les représentants de ce pays ont indiqué que le rapport dû avait été préparé et serait envoyé dès que possible avant la fin de l’année. Aussi, le Comité a-t-il décidé de reporter une fois de plus l’examen de la situation au Mozambique au titre de sa procédure de bilan et d’attendre la présentation du rapport susmentionné jusqu’au 31 décembre 2005, faute de quoi le Comité examinerait la situation au Mozambique et procèderait à l’adoption d’observations finales.

S’agissant de Sainte-Lucie, le Comité note que cet État partie n’a toujours pas donné d’indication concernant l’état de préparation de ses rapports et lui demande de lui indiquer s’il souhaitait se prévaloir de la possibilité de recourir aux services consultatifs du Haut Commissariat aux droits de l’homme pour l’assister dans la préparation de ses rapports.

Au titre de la prévention de la discrimination raciale et des procédures d’alerte rapide et de mesures d’urgence, le Comité a adopté une décision sur la situation au Suriname rappellant sa décision du 9 mars 2005 dans laquelle il exprimait sa profonde préoccupation s’agissant d’un projet de loi révisé relatif à l’exploitation minière, adopté par le Conseil des Ministres fin 2004, pourrait ne pas être conforme aux recommandations adoptées par le Comité en mars 2004 à la suite de l’examen des premier à dixième rapports périodiques du Suriname. Il regrette de n’avoir reçu aucun commentaire relatif à l’élaboration de ce projet de loi. Le Comité exprime par ailleurs sa profonde préoccupation concernant les allégations selon lesquelles le Suriname continuerait de ne pas tenir compte des recommandations du Comité en allouant des ressources supplémentaires et infrastructures à des projets qui font peser des menaces graves et irréparables sur les autochtones et les membres de tribus.

Aussi, le Comité exhorte-t-il le Suriname d’assurer la conformité de sa législation relative à l’exploitation minière avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le Comité recommande une fois encore au Suriname d’élaborer une loi cadre relative aux droits des autochtones et des peuples tribaux et qu’il s’appuie à cet effet sur les services consultatifs et le Programme d’assistance technique du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme. Le Comité recommande en outre au Suriname d’inviter le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones à se rendre dans le pays. Il exhorte par ailleurs le Secrétaire général des Nations Unies à attirer l’attention des instances compétentes des Nations unies sur la situation particulièrement alarmante des populations autochtones du Suriname et de leur demander de prendre toutes mesures appropriées à cet égard.

Le Comité a également adressé des lettres à l’Ukraine et aux Etats-Unis dans le cadre de sa procédure d’alerte rapide et de mesures d’urgence. Le Comité indique dans sa lettre à l’Ukraine qu’il a commencé, à titre préliminaire, l’examen d’une demande adressée au Comité pour qu’il adopte des mesures s’agissant de la situation du peuple autochtone tatar de Crimée. Il indique aussi sa volonté de poursuivre son dialogue constructif avec l’Ukraine à cet égard et en ce qui concerne ses dix-septième et dix-huitième rapports, qui auraient dû déjà lui être soumis. S’agissant des Etats-Unis, le Comité indique à cet État partie qu’il a entamé, à titre préliminaire, l’examen d’une demande d’intervenir au sujet de la situation des Shoshone occidentaux aux Etats-Unis.

Décision sur la question du génocide

Le Comité a par ailleurs adopté une décision qui s’inscrit dans le cadre de la procédure de suivi de la Déclaration sur la prévention du génocide, adoptée à sa précédente session, et qui concerne plus précisément les indicateurs de manifestations systématique et massive de discrimination raciale. Tenant compte du fait que la discrimination, le mépris ou l’exclusion systématiques se trouvent souvent à l’origine d’un conflit, cette décision vise à renforcer la capacité du Comité à détecter et à prévenir le plus tôt possible les manifestations de discrimination raciale qui sont susceptibles d’évoluer vers un conflit violent et vers un génocide.

Si l’un ou plusieurs des indicateurs identifiés dans la présente décision s’avèrent applicables à une situation donnée, alors cela devrait être clairement dit dans les observations finales ou dans une décision et le Comité devrait recommander à l’État partie concerné de faire rapport, au titre de la procédure de suivi et dans un délai prescrit, sur ce qu’il entend faire pour améliorer la situation. Parmi les quinze indicateurs identifiés dans la présente décision, figurent : le manque de cadre législatif et d’institutions visant à prévenir la discrimination raciale et à assurer une voie de recours aux victimes de discrimination ; le déni officiel systématique de l’existence de groupes (raciaux, ethniques et religieux) distincts particuliers ; l’exclusion systématique de groupes, en droit ou dans les faits, des postes de pouvoir, des emplois publics et des professions clefs telles que celles d’enseignant, de juge et de policier ; l’identification obligatoire des membres de groupes particuliers ; ou encore la présentation dans les manuels scolaires de versions grossièrement tendancieuses des événements historiques. Étant donné que ces indicateurs peuvent s’avérer applicables dans des États qui ne s’orientent pas vers la violence ou le génocide, l’évaluation de leur signification sous l’angle d’un éventuel objectif prémédité de génocide ou de violence à l’encontre d’un groupe identifiable devrait se faire en ayant recours à un sous-groupe de quatre indicateurs devant être examinés et parmi lesquels figurent une histoire antérieure de génocide ou de violence contre un groupe, ou encore une politique ou une pratique d’impunité.

S’ils reçoivent, entre les sessions du Comité, des informations faisant état de graves incidents de discrimination raciale impliquant un ou plusieurs des indicateurs pertinents, alors le Président du Groupe de travail sur les mesures d’urgence et d’alerte précoce et le Président du Comité peuvent demander des informations complémentaires à l’État partie concerné ; transmettre l’information au Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide ; préparer une décision devant être soumise au Comité pour adoption à sa prochaine session ; et adopter une décision durant la session, à la lumière des événements les plus récents et des mesures prises par d’autres organisations internationales.

Recommandation générale sur la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement de la justice pénale

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a adopté, le 17 août, une recommandation générale sur la prévention de la discrimination raciale dans l’administration et le fonctionnement de la justice pénale, dans laquelle il demande notamment aux États parties d’éliminer les lois ayant un effet discriminatoire au plan racial, en particulier celles qui visent indirectement certains groupes en pénalisant des actes qui ne peuvent être commis que par des personnes appartenant à ces groupes ou celles qui ne s’appliquent qu’aux non-ressortissants, sans motif légitime ou sans respecter le principe de proportionnalité. Les États parties devraient veiller au respect et à la reconnaissance des systèmes traditionnels de justice des peuples autochtones, en conformité avec le droit international des droits de l’homme. S’agissant des personnes poursuivies en justice, les États parties devraient veiller à ce que soit respecté le principe général de proportionnalité et de stricte nécessité, notamment s’agissant du recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. En outre, les États parties devraient veiller à ce que la simple appartenance raciale ou ethnique ne soit pas une raison suffisante, de jure ou de facto, pour placer une personne en détention provisoire avant son jugement. Les États devraient veiller à ce que ne soient pas appliquées des peines plus sévères pour la seule raison de l’appartenance du prévenu à un groupe racial ou ethnique déterminé. Une attention particulière devrait être portée à la peine capitale dans les pays qui ne l’ont pas encore abolie, eu égard aux informations faisant apparaître que cette peine est plus souvent prononcée et exécutée à l’encontre de personnes appartenant à des groupes raciaux ou ethniques déterminés.