Les États-Unis veulent se venger de tous ceux qui ont la témérité de s’opposer à eux. L’Amérique oublie rarement une insulte et ne passe jamais totalement l’éponge sur une défaite ou une humiliation tant que le responsable n’a pas été écrasé. L’« Axe du Mal » relie entre eux des États qui n’ont rien à voir les uns avec les autres et cet amalgame ne peut s’expliquer que par la rancune que les États-Unis éprouvent vis-à-vis de chacun des États qui en font partie : la Corée du Nord a tenu en échec les États-Unis il y a 50 ans, l’Iran a renversé le Shah et humilié les États-Unis et l’Irak continuait à résister à Washington.
L’instinct de revanche des États-Unis est bien plus développé que dans les autres pays et il explique l’attitude qui prévaut vis-à-vis du Vietnam, de Cuba et du Nicaragua. Les États-Unis ne se satisfont que d’une victoire totale et cette tendance est en train d’être testée en Irak. Dans ce pays, le programme prévu par les États-Unis ne semble pas applicable et on devrait bientôt se demander qui a perdu la guerre. À droite, y compris dans l’aile droite du parti démocrate, on regrettera que les États-Unis n’aient pas utilisé leur pleine puissance dans ce pays tandis qu’à gauche, y compris chez les républicains réalistes, on estimera que l’échec est imputable à des objectifs irréaliste qui servaient une cause moralement douteuse.
Dans l’actuelle campagne présidentielle, l’importance de la Guerre du Vietnam ne réside pas dans les états de service de George W. Bush et John Kerry, mais dans ce que cette guerre représente pour leurs partisans. Pour ceux de Bush, le Vietnam représente un échec de la politique des États-Unis et le début d’une politique d’apaisement haïe tandis que pour ceux de Kerry, c’est une défaite liée à un anticommunisme jusqu’au-boutiste. Ce débat fait aujourd’hui écho avec la situation en Irak.

Source
The Age (Australie)

« America, land of the vengeful », par Martin Woollacott, The Age, 6 mars 2004.