Detlev Mehlis, chef de la Commission de l’ONU sur l’assassinat de Rafic Hariri, a déclaré au magazine Der Stern qu’il savait que son rapport facilitait la campagne contre la Syrie et qu’il comprenait ce qu’avait dû ressentir Hans Blix. Pourtant, contrairement à M. Blix, qui a admis avoir subi des pressions, Detlev Mehlis déclare avoir eu les mains libres.
Analysons ce rapport pour juger de son impartialité.
Dans le paragraphe 8 du résumé du rapport, il déclare qu’il y a des éléments convergents pointant la responsabilité des dirigeants libanais et syriens dans une action qualifiée de terroriste. Cette remarque est intéressante à deux niveaux. Premièrement, les dirigeants états-uniens et britanniques ont toujours évité d’impliquer les Libanais. Deuxièmement, John Bolton s’est toujours opposé à ce qu’une action d’un État puisse être présentée comme « terroriste ». Le paragraphe 9 demande une poursuite de l’enquête tandis que Condoleezza Rice et Jack Straw veulent des sanctions immédiates. Le rapport n’exclut pas non plus que Rafic Hariri ait pu être tué pour des raisons mafieuses.
Mehlis a également eu une action admirable en refusant que les noms des suspects soient révélés. Toutefois, les fuites diffusant les noms de ces suspects dans la presse sont beaucoup moins admirables. La conséquence est que les témoins restent anonymes, mais pas les accusés. Comme c’est commode ! Le rapport affirme que les Syriens savaient toujours où se trouvait Hariri. Mais dans ce cas, pourquoi commettre un attentat à la bombe laissant plein d’éléments à charge, mais couvrant une zone suffisante pour toucher quelqu’un qu’on situe difficilement, plutôt que d’utiliser un sniper ? Ce dernier mode opératoire est beaucoup plus discret, laisse moins de trace et aurait été beaucoup plus avantageux pour une Syrie qui se savait menacée par les États-Unis.
Après les mensonges sur l’Irak et compte tenu de la place de la Syrie dans la liste des cibles des néo-conservateurs, il faut être extrêmement méfiant. Surtout qu’on peut s’interroger sur les raisons de cette enquête internationale. Il n’y en a pas eu pour la mort d’Arafat, de Sadate, de Nasser, d’Allende ou même sur l’empoisonnement de Yushchenko. Pourquoi ? Parce que ces enquêtes ne favorisaient pas les intérêts occidentaux. Ne nous laissons pas entraîner dans ce jeu politique suspect.

Source
Gulf News (Émirats arabes unis)
Gulf News est le principal quotidien consacré à l’ensemble du Golfe arabo-persique, diffusé à plus de 90 000 exemplaires. Rédigé à Dubaï en langue anglaise, il est principalement lu par la trés importante communauté étrangère vivant dans la région.

« Has Syria been ’blixed’ ? », par Linda S. Heard, Gulf News, 21 octobre 2005.