Beaucoup a été dit sur le génocide rwandais de 1994, mais il faudra plus que des souvenirs pour éviter le prochain génocide. L’Afrique est le continent qui nécessite le plus de vigilance car l’idéologie qui a conduit au génocide au Rwanda n’y a pas disparu du fait du manque de réaction face aux exactions. La communauté internationale doit être mieux préparée à répondre à ces situations quand elles deviennent explosives.
Il faut avant tout combattre les idées reçues naturellement répandues dans un monde où tant de gens ont dû se battre contre le colonialisme, et rappeler que la souveraineté des États n’est pas un permis de tuer. Elle implique la responsabilité de protéger son peuple et si on renonce à cette responsabilité, elle revient à la communauté internationale. Il faut sortir de la controverse sur le « droit d’ingérence » pour adopter la problématique de la « responsabilité de protéger », concept développé par la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États. Il s’agit d’une idée qui fait son chemin.
Autre problème, les effectifs militaires disponibles de l’ONU sont insuffisants et les États n’assument pas leur part de responsabilité. Seuls des pays ou des coalitions compétentes peuvent faire respecter la paix. Une telle force manque à l’Afrique et les missions de maintien de la paix reviennent aux États-Unis et à l’Europe. Avec l’opération Artémis, la France a empêché un génocide et a démontré qu’une mission de paix était possible en dehors de l’OTAN. L’engagement français a cependant été trop court. Il faut résoudre le dilemme des interventions en Afrique subsaharienne où les grandes puissances ont les moyens, mais pas la volonté d’intervenir. C’est pourquoi il faut soutenir l’aide de l’Union européenne de 300 millions de dollars visant à financer cinq brigades régionales multinationales de maintien de la paix en Afrique.

Source
Le Monde (France)

« Après le génocide du Rwanda, la mémoire ne suffit pas », par Gareth Evans et Stephen Ellis, Le Monde, 23 avril 2004.