Quand Simona Torretta est retournée à Bagdad en plein bombardements, ses amis irakiens lui ont dit qu’elle était folle et qu’elle devait retourner en Italie. Pourtant, elle est restée et elle a poursuivi son travail humanitaire, commencé en 1996 avec l’association anti-embargo « Un pont pour Bagdad ». Elle est encore restée quand les forces états-uniennes sont entrées dans Bagdad et quand les travailleurs humanitaires ont été visés.
Aujourd’hui, elle, une autre travailleuse humanitaire et deux Irakiens qui travaillaient avec elles, sont aux mains d’un groupe d’homme qui ne s’est pas manifesté depuis. Les partisans de la guerre utilisent cet enlèvement pour fustiger la naïveté des pacifistes ou de ceux qui soutiennent la résistance en Irak. Toutefois, un nombre croissant de dirigeants musulmans pense que cette attaque n’a pas été menée par des moudjahidines, mais par des agences de renseignement étrangères qui cherchent à discréditer la résistance irakienne. En effet, rien dans ce kidnapping ne ressemble aux autres enlèvements.
Les victimes ont été enlevées à leur domicile, pas sur une route de façon opportuniste, elles étaient donc personnellement visées. Les assaillants n’ont pas cherché à cacher leurs visages, contrairement aux résistants irakiens. Un des assaillants se faisait appeler « sir » par les autres. On s’en est pris à trois femmes, dont une voilée, ce qui est une transgression grave pour des assaillants musulmans. Les 20 hommes ne semblaient pas craindre d’être pris, bien que le quartier soit très protégé. Les hommes avaient du matériel très sophistiqué et, d’après certains témoins, ils portaient les uniformes des gardes d’Iyad Allaoui. Tout cela fait donc ressembler l’enlèvement davantage à une opération de police secrète ou à une « disparition » d’opposant, comme à l’époque de Saddam Hussein. La presse italienne a également relevé que la veille de leur disparition les deux Italiennes avaient été voir un dirigeant sunnite important en déclarant qu’elles étaient effrayées et qu’on les avait menacées.
Ces informations ne sont pas reprises par les médias anglo-saxons car les journalistes craignent d’être accusés d’être des théoriciens de la conspiration, mais il faut noter la forte présence des agents de la CIA à Bagdad, le passé d’Allaoui et le fait que « Un pont vers Bagdad » est une organisation gênante. Tous les groupes musulmans ont demandé leur libération, mais on a pas entendu sur ce sujet la Maison-Blanche et le gouvernement Allaoui.

Source
The Guardian (Royaume-Uni)

« Who seized Simona Torretta ? », par Jeremy Scahill et Naomi Klein, The Guardian, 16 septembre 2004.