John Kerry se dirige vers l’élection avec une base électorale davantage construite contre George W. Bush que marquée par la fidélité à sa candidature, mais lors de l’année écoulée nous avons découvert que M. Kerry était plus qu’une alternative au statu quo. Il a les qualités pour faire un grand chef de l’exécutif. Nous avons été impressionnés par ses connaissances étendues et sa façon de penser clair. C’est quelqu’un qui réévalue ses décisions quand les conditions l’exigent et dont la vie été dédiée au service public.
Toutefois, on ne peut nier que cette élection est avant tout centrée sur le bilan désastreux de M. Bush. Le manque de légitimité de l’élection de Bush aurait dû le conduire à mener une politique au centre, mais au lieu de cela, sa présidence a été celle de la droite la plus radicale : installation de John Ashcroft et politiques contre les libertés civiles, politiques fiscales diminuant les impôts au détriment des aides sociales en plaine récession et laissant les programmes scolaires sans financement, affaiblissement des systèmes de sauvegarde de l’environnement. Ce président, qui a perdu le vote populaire, a reçu un vrai mandat le 11 septembre 2001. Il avait tout le pays derrière lui, mais il s’en est servi pour demander une nouvelle réduction d’impôt et la guerre contre l’Irak. Cela démontre qu’il est incapable de changer de priorités dans de nouvelles circonstances. Il a ainsi préféré garantir les baisses d’impôts plutôt que d’assurer notre sécurité (90 % des cargaisons arrivant par nos ports ne sont pas inspectées).
La politique intérieure antiterroriste n’était pas normale, elle a été marquée par l’obsession nixonienne du secret, le non respect des libertés civiles et une gestion inepte. Le département de la Justice a méprisé les lois internationales et les traités interdisant les traitements brutaux. Cette attitude et les traitements de prisonniers à Guantanamo et Abu Ghraib ont choqué l’opinion publique mondiale.
M. Bush a également été obsédé par Saddam Hussein et il a vendu au Congrès une guerre sur la foi de fausses allégations. Les réactions internationales négatives concernant l’invasion de l’Irak s’accompagnent désormais d’un mépris pour l’incompétence dans l’effort de reconstruction. L’Iran et la Corée du Nord ont estimé que désormais leur meilleure défense contre une attaque était l’acquisition d’armes nucléaires. Nous sommes inquiets concernant un nouveau mandat Bush, surtout vu la composition de la Cour suprême. Désormais, s’il est réélu, les marchés sauront que le déficit continuera de s’accroître. Avec l’administration Bush, nous avons le pire de la droite américaine sans avoir les avantages : la bonne gestion.
Kerry a la capacité de faire bien mieux : il défend les libertés civiles, il comprend la loi de séparation des Églises et de l’État, nous apprécions son plan pour la santé, son projet de réduction de la dépendance au pétrole et il défend de longue date la diminution des déficits.

Source
New York Times (États-Unis)
Le New York Times ambitionne d’être le premier quotidien global au travers de ses éditions étrangères.

« John Kerry for President », New York Times, 17 octobre 2004. Ce texte est l’éditorial annonçant le soutien du quotidien à John Kerry. Non signé, il engage toute la rédaction.