Ma demande de cessez-le-feu est un geste de bonne volonté pour montrer notre désir de paix et ramener le gouvernement russe à la raison. Le processus en cours dans le Caucase amène mon peuple, mais aussi la population de Russie et du Caucase, à la catastrophe. Je pense que la volonté politique des présidents de Russie et d’Ichkérie [1] est à même de mettre un terme à cette guerre sanglante. C’est pour cela que mon appel s’adresse avant tout au président Vladimir Poutine mais aussi à tous ceux dont la conscience n’est pas définitivement dégradée. Ce cessez-le-feu n’a rien à voir avec l’enlèvement de membres de ma famille ; beaucoup de gens ont été tués et enlevés depuis 6 ans, mon sens de la famille ne doit pas prévaloir sur le sens du devoir envers mon peuple.
Cette proposition de paix émane de plusieurs instituts et autorités politiques. J’ai d’abord refusé car aucune organisation indépendante n’est présente en Tchétchénie, puis nous avons décidé de suivre cette voie car c’est une nouvelle invitation à la table des négociations. Après avoir déclaré une trêve pour toutes les activités militaires, j’ai formé une délégation pour prendre contact avec les Russes. Oumar Khambïev, le ministre de la santé d’Ichkérie qui est aussi mon représentant général à l’étranger, est à sa tête.
Depuis " Nord-Ost ", Chamil Bassaïev ne fait plus partie de la structure des forces armées. Nos divergences de vues ne sont un secret pour personne, notamment en ce qui concerne ses méthodes de guerre inadmissibles. Après la tragédie de Beslan, j’ai signifié au monde entier qu’après la guerre, nous remettrons à un tribunal international, toute personne impliquée dans les prises d’otages de la Doubrovka et de Beslan. Je ne crains pas les accusations personnelles concernant Beslan que le procureur général de Russie m’a adressées.
Je me demande souvent si j’aurais pu éviter l’assassinat cynique et de sang froid d’enfants innocents, mis à mort par l’ambition d’inhumains, si je m’étais rendu dans cette école sans attendre une réponse des autorités russes ? Je ne trouve pas de réponse.

Source
Kommersant (Russie)

« Аслан Масхадов : мой призыв обращен к президенту России », par Aslan Maskhadov, Kommersant, 7 Février 2005. Ce texte est adapté d’une interview.

[1Nom donné à la Tchétchénie par les séparatistes