Les Tunisiens sont descendus dans la rue en février pour protester contre la visite programmée d’Ariel Sharon en Tunisie, en novembre 2005, à l’invitation du président Ben Ali. Cette invitation est une décision non démocratique du pouvoir tunisien, prise contre la volonté du peuple. En la prenant, Ben Ali espérait réduire les pressions des États-Unis après l’élection d’octobre 2004 qui l’a vu réélu avec 95 % des voix par le président sortant grâce à des amendements constitutionnels et à des mesures de sécurité draconiennes. Les Égyptiens, Marocains, Jordaniens, Omanais et Mauritaniens manifestent fréquemment, eux aussi, pour contester la normalisation des relations de leur pays avec Israël afin d’apaiser les États-Unis.
Malgré ces mouvements, l’administration Bush refuse de lier la démocratisation du monde arabe et le règlement de la question israélo-palestiniennne, affirmant qu’il s’agit de deux questions séparées. Pourtant, pour beaucoup d’Arabes, la démocratisation ne pourra advenir qu’après le règlement de la question palestinienne. Tant que cette question ne sera pas réglée, la « démocratisation » sera perçue comme une politique hypocrite. Les raisons de ce scepticisme arabe sont à aller chercher dans les paradoxes de la politique américaine : les États-Unis veulent des gouvernements démocratiques, mais comment réagiraient-ils à un gouvernement islamiste issu des urnes ? Ils soutiennent les médias libres dans le monde arabe, mais ils tentent de censurer Al Jazeera. Enfin, ils soutiennent l’occupation israélienne alors qu’une occupation est par essence antidémocratique.
Les régimes arabes ont bien compris pour leur part qu’en normalisant les relations avec Israël, ils pouvaient résister aux pressions états-uniennes et instaurer des régimes à la jordanienne ou à la marocaine, c’est à dire des régimes adoptant des réformes cosmétiques pour emballer des règles autoritaires.

Source
Daily Star (Liban)

« Abandoning Palestine and focusing on Arab reform is hypocritical », par Khaled Hroub, Daily Star, 3 mai 2005.