L’utilisation, par les cartels colombiens, du Venezuela comme base arrière s’appuie notamment sur l’infiltration déjà ancienne d’un système financier aux relais internationaux puissants, développé pendant le boom pétrolier des années 70, ainsi que sur l’utilisation des ports vénézuéliens de la côte caraïbe - Maracaïbo, Puerto Cabello, Puerto La Cruz - pour l’exportation massive de cocaïne vers l’Europe, le Canada et les Etats-Unis. Selon la DEA, une centaine de tonnes de cette drogue transite par le Venezuela chaque année. En Europe, 600 kilos de cocaïne ont été saisis à Naples en août et 700 kilos à Alicante, le mois suivant, en provenance de ports vénézuéliens. Le 29 novembre, 230 kilos étaient encore saisis sur un chalutier vénézuélien à proximité de l’île de Saint Martin. Les sommes blanchies dans les banques vénézuéliennes représenteraient annuellement plusieurs milliards de dollars. Or, le Venezuela traverse une crise économique et financière qui le place au bord de la banqueroute. Le 12 décembre la monnaie a été dévaluée de 42 %. Dans une telle situation, ces capitaux, par essence "volatils", pourraient, en se retirant, comme lors de la récente crise mexicaine, porter le coup de grâce au pays. On est d’autant plus surpris de certaines décisions prises en la matière par le gouvernement vénézuélien. Il a récemment nommé comme principal conseiller de Guillermo Romero Lizarraga, président de la Commission nationale contre l’usage illicite des drogues (CONACUID), un citoyen des Etats-Unis d’origine cubaine à Diego Argullo. Ce personnage controversé est chargé officiellement d’aider la CONACUID à mettre en place un système de prévention du blanchiment de l’argent de la drogue et de formation du personnel de cette commission nationale. Pour cela, il a l’appui du Département d’Etat américain. Diego Argullo, sous la m : me étiquette d’expert en lutte contre le blanchiment, a travaillé à la Banque du Venezuela aux côtés de Pedro Tinoco, l’un des responsables présumés de l’évasion massive de capitaux (4 milliards de dollars) qu’a connu le pays en l994. Après la Banque centrale, Argullo a également exercé au Banco Latino que contrôlait le m : me Pedro Tinoco. En l994, la banqueroute frauduleuse du Banco Latino a entraîné celle de 19 autres banques dont nombre de responsables ou de clients sont apparus liés à des opérations de blanchiment. Argullo travaillait parallèlement avec des sociétés de sécurité vénézuéliennes. Des sources policières rencontrées par l’envoyé spécial de l’OGD l’accusent d’avoir joué un double jeu rémunérateur à conseiller au niveau national en matière de sécurité, il utilisait ce poste pour recueillir des renseignements en particulier pour le compte de la CIA et pour placer les équipements d’une société dont il était l’agent commercial (envoyé spécial de l’OGD au Venezuela).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 51