Dans le sud de l’Albanie, à Delvina, les propriétaires d’un champ de 20 hectares de cannabis ont été arrêtés au début de l’été et leur production saisie, tandis que, à l’autre bout du pays, dans le nord, près de Puka, cinq hectares de chanvre indien étaient détruits. Pourtant, ces opérations n’apparaîtront pas sur les statistiques. Le procureur de Puka, Arben Dolafi, en a expliqué la raison à l’envoyé de l’OGD : "Il est formellement interdit de publier des affaires de drogues tant qu’elles n’ont pas abouti à une condamnation.. . et avant que cela se produise, il peut couler de l’eau sous les ponts. " Un jeune trafiquant le confirme : "Avec de l’argent et le bon contact, on ne reste jamais en prison plus de vingt-quatre heures. " Et quand on objecte que certains cas sont évoqués par les médias, il répond : "Ce sont ceux qui ont fait de la concurrence déloyale aux parrains, qui ne respectent pas la bessa. " La production de marijuana étant de plus en plus réprimée en Grèce sous la pression de la communauté internationale, on la cultive aujourd’hui dans toute la moitié sud de l’Albanie pour l’exporter dans le pays voisin. Depuis l’ouverture de la frontière entre les deux pays des relations se sont établies, fondées souvent sur des rapports de force, entre Grecs et Epirotes, d’une part, et Albanais, d’autre part. Ces derniers se procurent de faux passeports sous des noms grecs, payés entre 500 et 1 500 dollars, pour se mêler à la foule de 300 000 personnes qui franchissent chaque année légalement ou clandestinement la frontière. La distribution des tâches est la suivante : les semences viennent de Grèce, les passeurs sont Albanais, les distributeurs Epirotes. Plus la situation politique se tend entre l’Albanie et ses voisins (Monténégro, Kosovo, Macédoine, Grèce), plus les prix montent. C’est un mécanisme valable aussi bien pour le pétrole et les cigarettes que pour la marijuana ou l’héroïne (envoyé spécial de l’OGD en Albanie).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 35