Les structures connues et contrôlées par les policiers sont donc en train d’éclater. Les tentatives pour supprimer "le modèle" d’Amsterdam contribuent à multiplier à l’infini les modalités des trafics, qui ont désormais pour cible des pays qui avaient, dès le début des années soixante - dix, essayé d’isoler un abcès de fixation considéré comme intolérable dans l’espace européen. Cela est d’autant moins possible aujourd’hui qu’après les Turcs, les Marocains ont pris une place importante dans le trafic international. Les accords passés entre les cartels colombiens et les mafias des pays de l’Est ont crée de nouvelles plaques tournantes, aussi bien en Afrique du Nord que dans les Balkans, visant à exploiter les infrastructures mises en place de longue date par les diasporas fixées depuis longtemps dans les pays de l’Europe du Nord. Cette situation comporte localement un danger supplémentaire pour les Pays-Bas. Loin de la permissivité pratiquée à Amsterdam, les petites villes du sud, catholiques et bien pensantes, face au phénomène de la drogue, ont des réactions sécuritaires et xénophobes similaires au phénomène "ultra" flamand du nord de la Belgique, dont les élections municipales d’Anvers ont en particulier témoigné. Plus que jamais, la division dans ce domaine, entre Amsterdam et le reste du pays, risque de poser de sérieux problèmes d’équilibre politique. "Tant que les pays voisins ne peuvent pas se faire au concept de légalisation, le prix politique à payer, pour toute décision qu’elle quelle soit, sera très lourd", conclut un haut fonctionnaire du ministère de la Santé. En dépit des appels à des politiques plus répressives, les initiatives prises ces dernières semaines vont plutôt dans le sens d’une libéralisation accrue. Le ministre des Affaires Etrangères, Hans van Mierlo, après son entrevue avec une mission française qui lui demandait s’il prévoyait un changement radical de la politique des drogues néerlandaise, a répondu, citant Edith Piaf : "Non, je ne regrette rien. " Les solutions proposées sont parfois originales. "Il faut se débarrasser des coffee shops et les remplacer par des kiosques sous contrôle de l’Etat en association avec les producteurs", a proposé le sociologue Raymond Dufour, dans un colloque organisé le 18 octobre par la police, qui réunissait des industriels, des avocats, et des responsables de la santé. Dans cet esprit, la municipalité d’Arnhem a prévu d’installer un coffee shop dans une station service désaffectée sur l’autoroute vers l’Allemagne, en vue de répondre à la demande des 800 narco-touristes allemands qui l’empruntent chaque semaine. On apprenait, par ailleurs, le 23 octobre, que le nouveau ministre de la Santé, Els Borst, a approuvé le plan visant à distribuer de l’héroïne à 100 parmi les 7 000 toxicomanes d’Amsterdam pour qui toutes les tentatives de sevrage ont échoué. Ces initiatives semblent répondre à la politique actuelle des autorités : intervenir sur le marché, casser les prix pour éviter l’arrivée de nouveaux dealers, coopérer avec les pays voisins pour limiter le développement du narco-tourisme et, surtout, saisir la drogue à la source. La coopération avec les douanes britanniques a permis, le 10 novembre, la saisie d’une demi tonne de cocaïne, en provenance de Curaçao, dans le port d’Amsterdam (Hoek van Holland) (envoyé spécial de l’OGD aux Pays-Bas).

(c) La Dépêche Internationale des Drogues n° 38