La prohibition des drogues en général et celle du cannabis plus particulièrement constitue à plus d’un titre un grave danger pour les libertés individuelles et pour la démocratie.

L’usage des drogues, légales ou illégales, appartient à la sphère du privé : l’acte d’ingérer le produit de son choix afin d’éprouver des sensations est un acte de l’individu sur lui-même, et même à l’intérieur de lui-même. Tolérer une atteinte à ce principe, c’est déjà tolérer d’autres atteintes à d’autres libertés, souvent moins fondamentales que celle de disposer de son corps.

Toutes les lois protégeant la vie privée s’effacent devant celles qui concernent les produits interdits : liberté d’aller et venir entravée par moult contrôles policiers et douaniers ; véhicules et domiciles privés fouillés ; poches vidées ; correspondances et communications téléphoniques interceptées ; corps fouillé dans le moindre de ses orifices, etc. Au motif de la "lutte contre les drogues", le citoyen n’a plus de droits ! Ce qui nous donne aujourd’hui un arsenal juridique contraire, entre autres, aux articles 4 et 8 de la Déclaration des droits de l’homme.

Dans les faits, cette guerre aux drogues s’est traduite surtout par une aggravation de la situation, que cela concerne la santé des usagers (alors que c’est pour leur santé, paraît-il, que près de 100.000 fonctionnaires luttent contre les drogues illégales), ou leurs conditions sociales. Paradoxalement, la consommation explose. C’est un peu l’histoire du pompier pyromane.

De plus, la criminalisation de l’usage et, par voie de conséquence, de la détention, de l’achat et de la vente, a poussé à des conduites délinquantes. Elle a appris à des centaines de milliers de personnes (en France) les lois de la clandestinité, voire à se comporter en "vrai" criminel ! Loin de protéger l’ordre public, la prohibition est incontestablement facteur d’insécurité, bien plus que les drogues elles-mêmes. Même le patron d’Interpol le reconnaît.

Grâce au pourrissement de la situation, sciemment entretenu (quel fonds de commerce !), les effets pervers qui ont trait à la sécurité publique font aussi le lit d’un discours de plus en plus sécuritaire, jouant comme toujours des peurs et du bouc émissaire et appelant au passage à la lutte contre les décadences morales (ce n’est pas nouveau), présentées comme la cause première de l’usage. Bref, un discours d’extrême droite. Et c’est peut-être là un des plus grands dangers de la prohibition.

Devant tant d’inefficacité, le citoyen apeuré réclamera toujours plus de fermeté, comme si cela allait changer quelque chose sur le fond : le désir de prendre des drogues, que ce soit pour oublier ou à titre purement festif et récréatif, que ce soit pour répondre à un malaise ou que cela appartienne à une recherche du plaisir... Et qui, en France, incarne le plus cette démarche d’intolérance ? Gagné, c’est Le Pen et le Front national. Et ce n’est pas un hasard si ce parti remporte des scores alarmants dans certains quartiers dits sensibles, les quartiers où, justement, le trafic est le plus important et où les effets pervers de la prohibition sont particulièrement graves et visibles.

Au lieu d’assainir la situation en réconciliant quantité de personnes avec la loi et la police (elles ne seraient plus artificiellement délinquantes du fait d’une interdiction arbitraire : pourquoi le cannabis et pas l’alcool, le tabac ou le café ?), l’Etat préfère voir la situation dégénérer encore.

A qui profite ce crime contre les libertés ? Ni à la santé publique, ni à la sécurité publique, ni à la démocratie... Seulement à l’extrême droite !

Didier D.