La vie économique de l’île est étroitement dépendante du système de liaisons extérieures, de sa fiabilité, de sa régularité, de son confort et de son coût. Plus que les habitants des régions continentales, les insulaires ont un sentiment profond de dépendance vis-à-vis des transports. L’efficacité de ceux-ci est un facteur important tant pour le tourisme que pour l’activité économique ou la satisfaction du simple besoin de déplacement.

( LA MISE EN PLACE DE LA CONTINUITE TERRITORIALE

Cette exigence a toujours été prise en considération par l’État avec des bonheurs divers. Dès la fin de la seconde guerre mondiale, un mécanisme particulier était mis en place en 1948. Ses insuffisances conduisirent à la mise en place du système actuel à partir de 1976.

( L’élaboration du mécanisme en 1976

La desserte des lignes d’intérêt national, dont faisaient partie les lignes entre la Corse et le continent, était confiée à la Compagnie générale transatlantique dans le cadre d’une convention assortie d’un cahier des charges conclue en décembre 1948.

Pour couvrir les charges spéciales afférentes à cette exploitation, l’État s’engageait à verser une subvention forfaitaire à la compagnie qui mettait en ligne des navires loués à l’État et devait assurer un certain nombre de rotations entre l’île et le continent. Ce dispositif a permis, entre 1948 et 1976, de faire face à la croissance significative du nombre de passagers transportés et à un développement constant des flux de marchandises.

Cependant, il est peu de dire que les critiques des usagers se sont faites progressivement de plus en plus virulentes. L’acheminement des passagers souffrait notamment d’une insuffisance chronique des capacités disponibles : même en période d’extrême pointe en été, la compagnie concessionnaire ne mettait en ligne que des unités à peine susceptibles d’absorber le trafic moyen de l’intersaison.

Ces critiques ont conduit à la réunion d’un comité interministériel en décembre 1975 qui a mis en place un dispositif bâti sur des principes nouveaux. Dans le cadre d’un monopole de pavillon, le service assuré devenait un véritable service public et non plus seulement un service d’intérêt général. En contrepartie de l’effort financier - sous la forme d’une dotation de continuité territoriale - que consentait la collectivité nationale, les compagnies concessionnaires devaient mettre en place une flotte capable d’absorber les pointes de trafic et de mettre en œuvre un large éventail de dessertes. Enfin, les tarifs proposés devaient rester alignés sur ceux de la SNCF.

Dans ce cadre, l’État a passé convention en mars 1976, pour une durée de 25 ans et 9 mois, avec la société nationale Corse Méditerranée (SNCM) et la compagnie méridionale de navigation (CMN) et, en juin 1978, avec la société Pittaluga pour le transport du ciment.

En 1979, le principe de la continuité territoriale a été étendu au transport aérien de bord à bord assuré par Air France et Air Inter.

( L’implication progressive des autorités régionales

Avant 1982, c’est à l’État qu’il appartenait d’organiser les modalités de desserte de la Corse. Puis, la loi du 30 juillet 1982 a prévu la conclusion d’une convention entre l’État et la région de Corse pour déterminer les liaisons de service public, les modalités de mise en œuvre du principe de continuité territoriale, notamment en matière de dessertes et de tarifs, et arrêté les critères de détermination de la dotation que l’État devait verser à l’office des transports de la région de Corse créé par cette même loi. Sur la base de cette convention conclue en janvier 1986, l’office, établissement public national à caractère industriel et commercial, concluait des conventions particulières quinquennales avec les compagnies concessionnaires.

La convention entre l’État et la région a reconduit comme compagnies concessionnaires et sur les mêmes dessertes, les cinq opérateurs qui bénéficiaient d’une convention avec l’État (SNCM, CMN, société Pittaluga, Air France et Air Inter).

Dans le cadre de cette convention, le principe de la continuité territoriale a été étendu à de nouvelles liaisons aériennes assurées par TAT (liaisons de bord à bord avec Figari à partir de 1986) et par Air Corse, remplacée par la société Kyrnair en 1990 (liaisons de bord à bord avec Toulon à partir de 1987). Par ailleurs, la convention avait arrêté le principe de la création d’une compagnie aérienne régionale, la compagnie Corse Méditerranée (CCM), pour se substituer progressivement aux compagnies nationales sur les liaisons de bord à bord. La compagnie a été effectivement créée en 19893 et reçut alors une autorisation provisoire de transport public et des droits de trafic sur les lignes de Nice. En mars 1993, les conventions avec Air France et Air Inter ont été résiliées au profit de la CCM

La loi du 13 mai 1991 a supprimé l’intervention de l’État dans l’organisation des transports, tout en laissant à sa charge l’octroi d’une dotation de continuité territoriale.

C’est donc aujourd’hui à la Collectivité territoriale de Corse qu’il revient de déterminer l’organisation des transports sur proposition de l’office des transports de Corse. C’est elle qui octroie les concessions aux compagnies dans le cadre d’une convention qui fixe les modalités du versement de la dotation de continuité territoriale. L’office des transports les met en œuvre en concluant des conventions particulières quinquennales avec les compagnies concessionnaires, qui définissent les tarifs, les conditions d’exécution, la qualité du service ainsi que les modalités de contrôle.

( LA SITUATION ACTUELLE

Les concessions et conventions de service public ne reconnaissent pas à leurs signataires un quelconque monopole. L’initiative privée peut s’exercer librement mais ne peut prétendre à être subventionnée par la Collectivité territoriale.

( L’organisation de la desserte maritime

En matière maritime, les concessions de service public conclues par l’État avec la SNCM et la C.M.M. restent en vigueur jusqu’à leur expiration le 31 décembre 2001, la Collectivité territoriale de Corse étant simplement substituée à l’État. Les conventions quinquennales particulières ont été renouvelées en même temps, en juin 1996, pour couvrir la période 1996-2001, c’est-à-dire jusqu’à l’expiration des concessions.

La convention particulière avec la SNCM couvre à la fois un service de marchandises et un service de passagers et de véhicules accompagnés. Le service de marchandises est effectué par cargos rouliers - et éventuellement par paquebots transbordeurs - et concerne les liaisons au départ de Marseille et à destination de Bastia (3 allers-retours par semaine), d’Ajaccio (3 allers-retours par semaine), de Porto-Vecchio (3 allers-retours par semaine) et de la Balagne (Calvi ou l’Ile-Rousse) ou de Propriano (5 allers-retours par semaine).

Le service de passagers est organisé selon trois périodes : la période hivernale (avec 7 liaisons hebdomadaires par paquebot transbordeur entre Marseille ou Nice et la Corse, pouvant être renforcées pendant les vacances scolaires en fonction de la demande prévisionnelle), la période intermédiaire d’automne et de printemps (6 liaisons hebdomadaires par paquebot transbordeur au départ de Marseille et 7 liaisons hebdomadaires par navire à grande vitesse au départ de Nice avec renforcement pendant les vacances scolaires, les week-ends prolongés et les périodes précédant ou suivant immédiatement l’été en fonction de la demande prévisionnelle) et la période estivale (15 liaisons hebdomadaires - pouvant être portées à 18 - par paquebot transbordeur au départ de Marseille et 20 liaisons hebdomadaires - pouvant être portées à 25 - par navire à grande vitesse au départ de Nice).

La convention particulière avec la CMN définit les modalités d’exécution par la compagnie d’un service de transport de marchandises à partir de Marseille par cargos rouliers, lesquels devront également offrir un service passagers et de voitures accompagnées effectué en concertation avec la SNCM Elle couvre l’exploitation des lignes Marseille-Bastia (3 allers-retours par semaine) et Marseille-Ajaccio (3 allers-retours par semaine) sur lesquelles les services sont alternés avec ceux assurés par la SNCM et les lignes entre Marseille et les ports départementaux (3 allers-retours par semaine, dont 2 pour Propriano) que la CMN assure seule.

La desserte de la Corse en ciment en vrac est assurée par le service commun continent-Corse, constitué par les deux société Pittaluga et Someca Transport, dans le cadre d’une convention passée avec l’office des transports en septembre 1991. Cette convention avait été accordée à titre précaire à la suite d’un premier appel d’offres international infructueux et en prévision d’un nouvel appel d’offres qui n’a pas été engagé afin de ne pas lier les mains des nouvelles autorités territoriales qui allaient être mises en place en application de la loi du 13 mai 1991. D’abord prorogée pour un an, cette convention a été à nouveau prorogée, à partir du 1er janvier 1993, par la Collectivité territoriale pour une durée indéterminée avec faculté de dénonciation moyennant préavis de 6 mois. Cette faculté de dénonciation a été utilisée par l’Assemblée de Corse en décembre 1997 : la convention a donc expiré le 30 juin 1998.

( L’organisation de la desserte aérienne

En matière aérienne, les conventions actuelles ont été conclues dans les conditions prévues par le règlement communautaire du 23 juillet 1992 concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intra-communautaires4.

Dans ce cadre, l’office des transports a déterminé, en accord avec l’État, des obligations de service public sur chacune des liaisons faisant l’objet de la continuité territoriale, portant sur la qualité de la desserte, les fréquences, l’adaptation des capacités à l’importance des flux et sur les tarifs. Ces obligations ont été publiées au Journal officiel des Communautés européennes. Aucune compagnie ne s’étant manifestée pour exploiter ces liaisons sans demander de subvention, une procédure d’appel d’offres ouverte à toutes les compagnies européennes a été lancée en août 1995.

Cinq compagnies seulement, toutes françaises, ont déposé des offres. Air Inter était candidate pour l’ensemble des lignes entre Paris et la Corse, en concurrence avec TAT et Air Liberté pour certaines d’entre elles. La CCM était seule candidate pour les liaisons Marseille ou Nice/Ajaccio ou Bastia et était en concurrence avec TAT et Kyrnair sur les liaisons avec Calvi et Figari, Kyrnair étant, par ailleurs, seule candidate aux liaisons de bord à bord entre Toulon et la Corse.

Conformément à la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, l’Assemblée de Corse s’est prononcée sur le choix des compagnies retenues en décembre 1995.

Comme le reconnaissait le directeur des transports aériens au ministère de l’Equipement, des transports et du logement devant la mission d’information sur la Corse, " ce processus concurrentiel n’a pas bouleversé le paysage des entreprises qui exploitaient auparavant ces lignes. On a quasiment retrouvé les mêmes ". Les liaisons aériennes sont donc assurées dans le cadre de conventions couvrant la période 1996-1998 conclues en décembre 1995 avec Air Inter - à laquelle s’est substituée Air France après la fusion des deux compagnies - pour les liaisons entre Paris et Ajaccio, Bastia et Calvi, avec TAT - à laquelle s’est substituée Air Liberté après que celle-ci eût repris la première en location gérance en 1997 - pour les liaisons entre Figari et Paris, Marseille et Nice, avec la CCM pour les liaisons entre Marseille et Nice et Ajaccio, Bastia et Calvi et, enfin, avec Kyrnair pour les liaisons entre Toulon et Ajaccio et Bastia.

( LA DOTATION DE CONTINUITE TERRITORIALE REPRESENTE UN EFFORT FINANCIER IMPORTANT DE L’ETAT

Globalement, la dotation de subvention territoriale s’est élevée en 1998 à 950 millions de francs (au lieu de 937,1 million de francs en 1997, soit une augmentation de 1,4 %), inscrits au budget du ministère de l’Intérieur. Son montant évolue chaque année au même rythme que la dotation globale de fonctionnement5. Elle ne fait que transiter dans le budget de la Collectivité territoriale qui la reverse intégralement à l’office des transports de Corse, lequel est chargé de la répartir entre les compagnies concessionnaires dans les conditions prévues par leurs conventions respectives. Outre 5 millions de francs (0,5 % de la dotation) prélevés pour assurer le fonctionnement de l’office, la répartition de la dotation pour 1998 est la suivante :

 les dotations aux compagnies maritimes s’élèvent à 688,5 millions de francs (soit 72,5 % de la dotation de continuité territoriale), répartis entre la SNCM (532,9 millions de francs), la CMN (147,8 millions de francs) et les sociétés Pittaluga-Someca (7,8 millions de francs pour le seul premier semestre en raison de la dénonciation de la convention) ; en outre, le budget de l’office prévoit 12,5 millions de francs au titre de diverses actions économiques en faveur des exportations, essentiellement de produits agricoles, ou de l’évacuation des déchets, ainsi qu’une enveloppe de 5 millions de francs destinée à des opérations à caractère exceptionnel décidées en cours d’année soit pour l’application de nouvelles mesures tarifaires, soit pour faire face à des besoins particuliers6 (soit au total 1,8 % de la dotation de continuité territoriale) ;

 les dotations aux compagnies aériennes s’élèvent à 239 millions de francs (soit 25,1 % de la dotation de continuité territoriale), répartis entre la CCM (172,4 millions de francs), Air Inter (29,3 millions de francs), TAT (31,4 millions de francs) et Kyrnair (5,9 millions de francs).

( LES FLUX DE TRANSPORT ET LEURS CARACTERISTIQUES

Les années récentes ont connu un recul du trafic passagers, tandis que le transport de marchandises stagnait. 1997 et l’année en cours pourraient marquer le début d’une période de progression.

( Le transport de marchandises

Plus de 95 % du tonnage net de marchandises diverses (hors ciment et produits pétroliers) transportées par voie maritime à partir du continent français relèvent de la technique dite roll et sont acheminés par des camions ou ensembles accompagnés. Les trafics réalisés par voie aérienne ou depuis l’Italie par navires sont très faibles et ne représentent que 5 % du total. Le trafic roll, du fait de l’organisation logistique à terre du transport, est concentré à Marseille (qui représente 99 % de l’ensemble). Le recul de Nice devrait se poursuivre en raison de sa spécialisation sur le créneau des navires à grande vitesse, du moins tant que ceux-ci ne seront pas en mesure d’embarquer du fret lourd.

De 1985 à 1990, le trafic roulier à partir de Marseille a progressé, en mètres linéaires, en moyenne de 5 % chaque année. Depuis 1991, il stagne aux alentours de 1,1 million de mètres linéaires. Cette stagnation est la conséquence de la situation économique générale de l’île. En ce qui concerne la répartition entre les ports insulaires, Bastia est la principale destination (51,7 % du trafic en 1997), devant Ajaccio (33,9 %) et les quatre ports départementaux qui ne représentent que 14,3 % du trafic. Contrairement au trafic passagers, le trafic de marchandises est relativement stable tout au long de l’année avec une saisonnalité inférieure à 20 %7.

S’agissant des compagnies, le trafic à partir de Marseille se répartit entre la SNCM (environ 53 %) et la CMN (environ 47 %).

( Le trafic passagers

Le trafic passagers a connu une croissance presque linéaire jusqu’en 1992. Après un premier recul de 6,4% entre 1992 et 1993, il a fortement diminué entre 1992 et 1996, affichant une perte de 590.000 passagers sur cette période (soit -12,6%). Ce recul est surtout imputable au transport maritime sur les lignes italiennes, puisque la diminution du nombre de passagers entre 1992 et 1997 est de 219.000, alors que le trafic sur les lignes maritimes françaises a dépassé en 1997 son niveau de 1992 (+ 26.000 passagers).

Même si le trafic global n’a pas encore retrouvé son niveau de 1992, l’optimisme semble de retour à l’observation des chiffres de 1997, qui ont marqué une croissance de 8,9 % par rapport à l’année précédente, et des prévisions relatives à la période estivale de cette année.

La part des touristes dans le trafic global de passagers atteint environ 80 %, cette proportion atteignant plus de 85 % dans le trafic maritime et 70 % dans le transport aérien. Le solde, 20 %, concerne les résidents.

L’évolution du nombre des séjours touristiques est donc étroitement liée à celle des passagers. Dès lors, la saisonnalité très marquée du trafic traduit surtout le faible étalement de la fréquentation touristique. Depuis 1992, la baisse du trafic passagers s’est accompagnée d’une accentuation de la concentration estivale puisque les deux tiers des passagers perdus l’ont été entre mai et septembre.

A la différence du fret, le trafic passagers est très saisonnalisé. En ce qui concerne le trafic entre la Corse et le continent en 1997, il a dépassé 350.000 passagers en août et 250.000 en juillet, alors qu’il ne dépasse pas 50.000 de novembre à mars.

Sur la période estivale, la part entre lignes maritimes régulières françaises et italiennes évolue peu. Les lignes italiennes assurent plus de la moitié du trafic passagers. Par contre, les liaisons aériennes entre la Corse et l’étranger ne représentent que 10 % du trafic aérien estival. La croissance du nombre de passagers transportés par avion est alimentée à hauteur de 60 % par les vols charters français, dont le trafic a doublé en une dizaine d’années et représente plus d’un quart du trafic aérien.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr