La mise en place et la gestion de la continuité territoriale a atteint ses principaux objectifs, à savoir faire face aux besoins de transport dans des conditions de confort et de prix tout à fait convenables. C’était déjà la conclusion à laquelle aboutissait le rapport du Sénateur Oudin : " le système (...) a permis d’atteindre largement le but fixé, à savoir une desserte moderne et efficace des ports corses, répondant aux attentes de la clientèle tant insulaire qu’extérieure à l’île ".

Ce constat favorable porte à la fois sur la fréquence des liaisons, la qualité des navires mis en œuvre, les dessertes des différentes régions de l’île et les tarifs pratiqués.

( DES LIAISONS FREQUENTES

Les obligations de desserte imposées aux compagnies concessionnaires, variables selon les périodes de l’année, s’efforcent de répondre aux besoins des usagers et de faire face aux pointes de trafic prévisibles. Les programmes aériens, par exemple, sont organisés de façon à permettre au moins un aller-retour entre Paris et la Corse dans la journée, même si, la commission d’enquête a pu l’expérimenter par elle-même, les contraintes horaires restent fortes.

Il faut garder à l’esprit que ce sont ces obligations de services qui génèrent une grande part des surcoûts supportés par les compagnies et que s’attache à compenser la dotation de continuité territoriale. On l’a vu, le trafic passagers est pour l’essentiel marqué par une forte saisonnalité et une forte directionnalité. Dans les périodes creuses ou dans certains sens dans les périodes plus fréquentées, les navires ou les avions connaissent des taux de remplissage très faibles.

( DES TARIFS AVANTAGEUX

Au vu du poids des subventions dans le chiffre d’affaires des compagnies concessionnaires, il est clair que le versement de celles-ci permet de proposer des tarifs sensiblement plus bas qu’en l’absence de toute subvention. Cela ne saurait suffire évidemment à apprécier l’efficacité de la continuité territoriale.

Son succès en matière de tarifs peut s’apprécier de deux manières. D’une part, on peut comparer les tarifs proposés à ceux pratiqués ailleurs en Europe dans un contexte géographique comparable. Dans ce cas, le bilan est très favorable. D’autre part, on peut se livrer à une analyse nationale en tentant de comparer les tarifs sur la Corse avec ceux pratiqués sur d’autres liaisons, aériennes ou ferroviaires, en France.

( Une comparaison internationale favorable

Ce constat est confirmé par l’office des transports lui-même qui indiquait, dans un rapport de mars 1997, que " le coût relativement favorable des transports maritimes est méconnu dans l’île et il convient de mieux en informer le public. Pour ce qui est du fret et des navires rapides, ils sont sans équivalent en Europe. D’une manière générale, le coût du transport maritime continent-Corse supporte aisément la comparaison avec ce qui se pratique ailleurs dans des conditions voisines ". Rappelant les diverses mesures tarifaires mises en place au fil des années, ce rapport affirmait que " la thèse selon laquelle les tarifs maritimes auraient régulièrement augmenté plus que le niveau général des prix ne résiste pas à un examen sérieux et approfondi des réalités ".

Comme l’expliquaient devant la mission d’information sur la Corse les deux directeurs-adjoints de la SNCM, " en matière de fret, le coût du transport est près de deux fois inférieur à ce qu’il devrait être dans le cadre d’une exploitation commerciale privée concurrentielle. (...) En matière de fret, la subvention intervient donc fortement pour diminuer le coût du transport ". En effet, " la répercussion du coût du transport sur le coût des marchandises est extrêmement faible. Aujourd’hui, les tarifs fret sont très compétitifs ; le client paie la mise à bord, la manutention et le déchargement, mais il ne paie pratiquement pas le transport stricto sensu : c’est la subvention de la Collectivité territoriale qui couvre le coût du navire ". Cela a été réaffirmé par un autre responsable de la SNCM entendu par la commission d’enquête : " concernant le fret, nous sommes 50% moins chers qu’entre les Baléares et l’Espagne ".

( Une comparaison nationale délicate à effectuer

Il est difficile, chiffres en mains, de se livrer à une comparaison fine des tarifs supportés par un passager faisant le trajet Corse-continent et ceux acquittés par un passager effectuant un trajet analogue sur le continent.

D’une part, hormis les liaisons de bord à bord, les lignes aériennes entre la Corse et le continent représentent des distances plus longues que pour les autres lignes exploitées en France. D’autre part, le maquis que sont devenues les grilles tarifaires, notamment en matière aérienne, rend délicates ces comparaisons, le prix payé variant selon les caractéristiques du passager ou les modalités de son voyage et de son séjour.

A l’origine, la desserte maritime de la Corse se référait explicitement à la tarification de la SNCF. Ainsi en 1976, les tarifs étaient-ils fixés par référence au prix du kilomètre-ferroviaire et à la distance moyenne entre les ports corses et ceux du continent. Force cependant est de reconnaître que, depuis lors, la référence aux tarifs de la SNCF est devenue de plus en plus théorique. En matière de marchandises, la transposition des tarifs ferroviaires est devenue pratiquement impossible et les compagnies ont adopté un tarification essentiellement fondée sur la longueur des remorques. Pour les passagers, la référence à la SNCF est devenue de plus en plus ténue, ne serait-ce qu’en raison des évolutions propres de la tarification ferroviaire, notamment par l’abandon de la tarification kilométrique.

En prenant les tarifs de base, on peut constater :

 que les tarifs aériens entre Paris et la Corse sont moins élevées que sur d’autres lignes, rappelons-le forcément plus courtes : 1.028 francs pour Paris-Bastia, au lieu de 1.048 francs pour Paris-Bordeaux, 1.108 francs pour Paris-Marseille ou Paris-Toulouse et 1.753 francs sur Paris-Nice ; la comparaison avec des tarifs de lignes transversales est encore plus favorable : 1.537 francs pour Lille-Nice ou 1.888 francs pour Toulouse-Strasbourg

 

 que les tarifs de bord-à-bord supportent la comparaison : le tarif aérien entre Ajaccio et Nice atteint 508 francs et le trajet en NGV entre Bastia et Nice 302 francs, à comparer aux 304 francs payés par un passager d’un TGV entre Paris et Lyon, aux 269 francs payés sur Paris-Lille ou aux 337 francs entre Paris-Bordeaux90.

 

L’efficacité de la continuité territoriale est également parfois mise en doute lorsque sont comparés les tarifs proposés par les compagnies concessionnaires et ceux pratiqués par les sociétés non concessionnaires ou par les compagnies italiennes, c’est-à-dire par des compagnies non subventionnées.

Il n’y a pas lieu pourtant de s’en étonner. Comme l’expliquait M. François Piazza-Alessandrini, président de l’office des transports, devant la mission d’information sur la Corse : " Premièrement, les compagnies italiennes n’ont aucune obligation de service public et effectuent donc les dessertes qu’elles désirent, au moment où le trafic est intense. Or, ce qui alourdit considérablement les charges des compagnies qui gèrent le service public, c’est toute la basse saison pendant laquelle les bateaux sont vides91. Deuxièmement, ces compagnies desservent la Corse à partir de l’Italie sous pavillon panaméen ; vous savez ce que cela veut dire. Troisièmement, les charges que supporte la compagnie nationale, ses coûts d’exploitation ne sont en rien comparables à ceux d’une compagnie que l’on crée aujourd’hui. Par ailleurs, Livourne est à 120 kilomètres de Bastia, alors que Marseille est à 400 kilomètres ".


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr