Le dernier chapitre du rapport du Sénateur Oudin avait été opportunément intitulé " de l’obsession de la continuité territoriale à la primauté du développement économique ". C’était souligner que le développement de l’île exigeait aussi une réflexion globale sur l’organisation des transports, tous modes confondus, qui dépasse le seul problème des liaisons entre la Corse et le continent.

Seule une telle approche permettrait aujourd’hui d’unifier la Corse et de mieux l’insérer dans son environnement géographique naturel, qui intègre aussi la Toscane et la Sardaigne. A cet égard, l’amélioration des liaisons entre Bastia et Ajaccio (éventuellement par le percement d’un tunnel) et la mise en place d’un axe nord-sud dans la plaine orientale sont quelques unes des grandes infrastructures suggérées, en attendant peut-être un pont entre la Corse et la Sardaigne séparées par seulement une dizaine de kilomètres343.

Comme le soulignait le rapport du Sénateur Oudin, " multimodalité et dispersion des structures sont antinomiques ". L’organisation et la coordination des flux de transports n’est, en effet, possible que si ceux-ci atteignent une certaine importance, qui ne peut être atteinte que par leur concentration, dans une île aussi petite et aussi peu peuplée, sur une ou deux plates-formes ou un ou deux axes seulement.

Rien n’empêchait les responsables insulaires d’engager cette réflexion multimodale. La lenteur d’exécution du schéma directeur des routes nationales de Corse et le tabou observé sur la multiplicité des ports et aéroports montrent que cette réflexion n’a jamais été ébauchée.

Les orientations prévues par le projet de loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire constituent une opportunité à saisir. En effet, ce projet de loi assigne à chaque région, et donc à la Corse, le soin d’élaborer un " schéma régional des transports " qui devra avoir " pour objectif prioritaire d’optimiser l’utilisation des réseaux et équipements existants et de favoriser la complémentarité entre les modes de transport et la coopération entre les opérateurs en prévoyant, lorsque nécessaire, la réalisation d’infrastructures nouvelles ".

Cet encouragement à la réflexion multimodale ne doit pas pourtant être l’occasion de revenir sur l’une des revendications récurrentes de la Collectivité territoriale, à savoir la " déspécialisation " de la dotation de continuité territoriale. Cette revendication consiste, en effet, à faire de cette dotation une ressource ordinaire de la Collectivité et d’élargir son affectation à tous les modes de transport - sont notamment visés les investissements routiers - ou toute opération à caractère économique.

Sauf à ce que l’État accepte d’augmenter la dotation de continuité territoriale, on imagine mal comment un élargissement de son objet ne se traduirait pas par une diminution des subventions versées aux compagnies concessionnaires. Dès lors, cette diminution risquerait d’entraîner une détérioration de leur situation financière, puisque les contraintes nées du service public seraient moins bien compensées, à charge pour leurs actionnaires de les recapitaliser un jour ou l’autre. Au contraire, si les compagnies parviennent grâce à leurs efforts de productivité à supporter cette diminution, cela signifierait que la Collectivité territoriale de Corse serait la bénéficiaire exclusive d’efforts auxquels elle n’aurait pris aucune part.

Les moyens financiers qui pourraient être rendus nécessaires par le futur schéma multimodal trouveraient, au contraire, tout naturellement leur place dans le futur contrat de plan ou la prochaine programmation communautaire.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr