Il n’est pas inutile de rappeler que la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS) (MILS) se compose de six permanents de niveau supérieur, agents contractuels ou fonctionnaires mis à disposition par l’administration ou l’organisme dont ils relèvent statutairement, un fonctionnaire spécialisé étant plus particulièrement chargé de la documentation.

Leurs tâches respectives sont coordonnées par le secrétaire général, sous l’autorité du président qui exerce cette fonction à titre bénévole.

Le secrétariat et la dactylographie sont assurés en l’état par un agent à temps partiel travaillant à 80 % (trois postes pleins sont normalement prévus).

Un septième agent de niveau supérieur assure la coordination matérielle, le suivi du traitement des affaires, et organise le classement général[1].

Le décret du 7 octobre 1998 instituant la MILS, prévoit en outre deux instances, l’une dite "d’orientation" sous la forme d’un conseil de 19 membres, l’autre plus axée sur la mise en oeuvre (groupe opérationnel) regroupant[2] les principales administrations concernées par le phénomène sectaire

Le conseil d’orientation doit aux termes du décret précité, se réunir au moins deux fois l’an. Il a été convoqué en 1999 à cinq reprises avec un ordre du jour précis auquel pouvaient s’ajouter des questions diverses. Les avis souvent divergents de ses membres sur les questions inscrites à l’ordre du jour, ont fait l’objet de procès-verbaux dont la Mission s’est directement inspirée tout au long de l’année pour ses travaux, et notamment pour l’élaboration de ce premier rapport.

Il sera consulté sur les thèmes de travail soumis pour la présente année civile, dès sa séance de février 2000, sur la base de propositions portées à la connaissance de chacun de ses membres présents lors de la séance du 18 décembre 1999.

Le groupe opérationnel fonctionne, soit en assemblée plénière, soit en formation restreinte, en fonction de l’ordre du jour. Composé de hauts fonctionnaires désignés par les ministres dont ils relèvent, ce groupe, dans l’intervalle de ses réunions, constitue un réseau de correspondants permanents de la Mission.

Le groupe opérationnel s’est réuni trois fois en 1999. Chaque haut fonctionnaire a par ailleurs été sollicité ponctuellement par le secrétaire général ou ses collaborateurs lorsque sa sphère de compétence était concernée par une affaire soumise à l’attention de la Mission.

Au terme de sa première année d’activité, la Mission ressent le besoin d’un cadrage de ses orientations, qui ne peut être défini que par le Premier ministre dont elle relève directement.

Afin de faciliter les prises de décision, il est apparu nécessaire d’évoquer sommairement les difficultés que rencontre la MILS, de suggérer des solutions et d’évoquer quelques perspectives stratégiques constituant l’horizon du souhaitable.

Les difficultés de la Mission ne sont pas indiscernables. Elles ressortissent essentiellement aux points suivants :

 le risque d’enlisement de son quotidien, en raison du nombre croissant de saisines dont elle est l’objet. Les problèmes qui lui sont soumis concernent des sujets excessivement dispersés, et parfois n’ont qu’un lien ténu avec le sectarisme proprement dit.

A notre sens, la MILS n’a pas pour vocation prioritaire d’approfondir l’étude d’une multitude d’affaires mineures, ne concernant pas au premier chef les libertés fondamentales et souvent individualisées à l’excès, au détriment de sollicitations plus graves et affectant des groupes humains entiers. Il n’empêche qu’elle se doit de transmettre les éléments d’information dont elle dispose et d’ouvrir des dossiers chaque fois qu’elle est sollicitée. Non seulement par devoir mais aussi par prudence : les grands mouvements sectaires ont tous commencé par constituer des groupements aux effectifs modestes, quasi indécelables à leur origine. La lourdeur de ces tâches nécessitera, à terme, un renforcement des effectifs de la Mission.

 la nécessité d’une information fiable : ceci implique l’utilisation d’une grille d’analyse aujourd’hui commune à tous les observateurs impartiaux. Cette grille doit permettre de caractériser les dérives sectaires de certaines associations, qu’elles soient de fait ou déclarées.

Elle autorise également la MILS à récuser toute demande d’implication dans des affaires d’ordre privé, notamment lorsqu’elle est saisie de contentieux de divorce ou de différends économiques qu’une des parties dénonce abusivement comme d’origine sectaire.

En revanche, la MILS se doit de porter une particulière attention aux affaires qui mettent en cause des personnes, mineures ou majeures, susceptibles d’être victimes d’abus de faiblesse, même lorsque la législation répressive n’est pas a priori applicable (protection de l’enfance et des incapables majeurs, dol en matière contractuelle, etc..).

 l’immensité du champ d’intervention de la Mission dans le domaine de la formation et de la prévention :

S’agissant de la formation et de l’information des personnels de la fonction publique d’État, la Mission s’est fortement engagée dès sa création. Un long chemin reste en revanche à parcourir en ce qui concerne la fonction publique hospitalière et le secteur très sensible de l’action sanitaire et sociale.

S’agissant des élus locaux et de la fonction publique territoriale, en raison des compétences partagées entre l’État et les collectivités territoriales, la sensibilisation des conseillers généraux a fait l’objet d’un premier test en Seine-et-Marne, avec le concours du président de l’assemblée départementale (par ailleurs président de la Commission des lois du Sénat) et de l’Union départementale des maires. Les hauts fonctionnaires départementaux ont été associés à cette initiative dont le succès pose désormais la question de son extension à l’ensemble des collectivités territoriales en commençant, dans un premier temps, par les départements les plus touchés par le phénomène sectaire. En l’état, la MILS n’est pas en mesure de planifier une "formation-information" pour l’ensemble des départements métropolitains et d’outre-mer. Elle répond aux sollicitations des élus locaux et des collectivités territoriales lorsque cela paraît opportun. A cet égard, l’initiative prise par un parlementaire, président de l’Union des maires du Loiret, en novembre 1999, peut être considérée comme exemplaire.

 l’étendue territoriale et les spécificités locales des tâches incombant à la Mission.

Il est évident qu’on ne saurait aborder les problèmes sectaires sous le même angle dans les départements métropolitains, en Alsace-Moselle, dans les DOM, dans les TOM (dont le statut évolue) ou dans une collectivité comme Mayotte où cohabitent le droit républicain et le droit islamique dans un contexte politique assez éloigné de l’esprit de la loi de séparation.

 le retard pris, dans le domaine international comme dans le cadre européen, en matière de prévention contre le sectarisme :

L’Observatoire qui a précédé la Mission n’était pas habilité à se préoccuper des réflexions conduites dans les instances internationales auxquelles la France participe : Union européenne, Conseil de l’Europe, Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe et institutions pertinentes des Nations Unies.

Par ailleurs, peu d’attention avait été portée à l’attitude adoptée par les États-Unis, gouvernement et Congrès réunis, en matière de sectarisme. Or, la confusion entretenue outre-atlantique entre les libertés religieuses, que toutes les nations démocratiques garantissent, et la prévention, voire la répression des débordements sectaires justiciables de sanction, ne facilite pas un dialogue parfois non dénué d’arrières-pensées.

De ce point de vue, l’indifférence ou la frilosité, un comportement parfois révérenciel ne peuvent engager que dans de coûteuses impasses et, au moment où la notion de laïcité gagne du terrain dans l’ensemble des démocraties, donner l’impression fausse que la France renoncerait à des principes qui ont fait sa force et témoignent de la part la moins contestable de sa contribution aux avancées de la conscience universelle.

 la législation interne :

La Mission tient pour pertinente la position adoptée depuis 1983 par les rapporteurs des diverses missions et commissions d’enquête de l’Assemblée nationale : une législation spécifique ne se justifie pas.

En revanche, et à chaque fois que cela se révèle nécessaire, il convient d’adapter nos lois et nos règlements aux problèmes nouvellement posés et, si possible, de prévenir des difficultés ultérieures en travaillant en étroite collaboration avec le législateur, de telle sorte que les textes à venir n’ouvrent pas d’imprévus boulevards au sectarisme.

Ainsi, la préparation de la loi du 18 décembre 1998, tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire a constitué une sorte de modèle de ce que peut une action déterminée et réfléchie, menée dans un esprit de consensus. De même l’élaboration de l’article intéressant les associations de défense contre le sectarisme, inclus dans la loi sur le renforcement de la présomption d’innocence, est aussi un exemple remarquable de méthodes de travail analogues.

L’amélioration d’autres dispositions législatives peut et doit être poursuivie, sans précipitation mais avec la ferme volonté de les faire aboutir dans des délais déterminés.

Simultanément, il paraît à la Mission qu’une meilleure connaissance des dispositions législatives qui concernent ce domaine délicat pourrait être encouragée. Ce voeu rencontre celui des grandes associations nationales comme l’Union nationale des associations pour la défense des familles et de l’individu ou le Centre de documentation d’éducation et d’action contre les manipulations mentales (Centre Roger Ikor) qui a publié, avec le concours financier du ministère de la jeunesse et des sports, un petit guide dont le titre résume l’objet : *La loi vous protège, servez-vous de la loi+. Reste que, s’ils sont essentiels pour le contenir, ni la loi ni le règlement ne suffisent à faire régresser le sectarisme. Aussi la Mission souhaite-t-elle que le gouvernement approfondisse et fixe les lignes directrices d’une stratégie efficace à l’égard du sectarisme, au plan intérieur, et engage dans les enceintes internationales, une action déterminée d’explication et de lucidité face au confusionnisme qui y règne trop souvent.


[1] Il convient d’ajouter à cette liste les personnels de sécurité relevant du ministère de l’intérieur.

[2] Le nombre des membres du groupe opérationnel vient d’être porté à 15 (JO du 24 décembre 1999)