17 personnes ont trouvé la mort après l’effondrement d’une tribune provisoire montée pour un match entre le SECB (Sporting étoile club de Bastia) et l’OM (olympique de Marseille) le 5 mai 1992 et plusieurs centaines d’autres subissent encore les séquelles de leurs blessures.

Alors que le réaménagement de ce lieu, douloureux à la mémoire de nombreuses familles, aurait mérité les études, la conception et la réalisation les plus sérieuses à un coût optimalisé, ce stade ARMAND CESARI de FURIANI reste inachevé, son coût final, impossible à déterminer précisément, est cependant très supérieur au prix prévu par le concours d’architectes. En outre, les marchés de travaux ont été attribués dans des conditions peu satisfaisantes pour la légalité, et pour les finances du district.

L’urgence liée à la force majeure a toujours été invoquée et a justifié les errements les plus regrettables. Il est pourtant difficile à la chambre régionale des comptes de se rallier à l’assimilation des résultats sportifs du club de football à la force majeure. Celle-ci doit en effet réunir les trois caractéristiques traditionnelles d’extériorité, d’irrésistibilité et d’imprévisibilité et il suffit que l’une des trois fasse défaut pour que la force majeure ne soit pas reconnue. Or, la notion d’imprévisibilité suppose l’absence de précédent : un succès sportif se répète à intervalles réguliers ; dès lors, le club ayant déjà évolué en Division I, le phénomène n’était pas imprévisible, chacun sachant qu’il pouvait y retourner.

Certes, dans cette affaire, le district a subi de multiples pressions venant d’horizons divers qu’ils soient politiques, sportifs ou économiques, d’essence nationale, régionale ou locale et de plus fortement interpénétrés. Ses marges de manœuvre ont été limitées pour la conduite de cette opération, pour longtemps marquée par la catastrophe de 1992 et toujours menée dans l’urgence. Sa maîtrise au milieu de menaces et d’avertissements de tous ordres n’a donc pas été, pour le district, très aisée.

Ce contexte tout à fait particulier, la chambre ne l’ignore pas et elle le prend en compte. Mais elle a, cependant, pu observer qu’il n’a pu tout justifier des errements constatés, comme elle s’efforcera de le démontrer ci-après.

1. POUR LE STADE DE FURIANI, LE DISTRICT EST UN MAITRE D’OUVRAGE QUI NE MAITRISE PAS LA DEFINITION DES PARAMETRES ESSENTIELS DE SON OUVRAGE

Le district s’est en effet soumis aux autorités sportives (Ligue Nationale de Football -LNF- via le SCB) et le déroulement des opérations montre qu’il n’a pas su résister à leur pression.

1.1. D’abord, le district a acheté le stade dans des conditions désavantageuses

Le district de Bastia a acheté le stade A. CESARI suite à la liquidation du SECB (Sporting Etoile Club de Bastia) pour 1 MF alors que la commune de Bastia, membre du district, disposait d’une hypothèque de premier rang sur le stade en garantie d’un emprunt accordé au SECB. Le district aurait donc pu acquérir ce bien à un prix moins élevé. S’étant par ailleurs dispensé de demander une estimation de la valeur du bien au service des domaines, cette somme de 1 MF n’est en tout état de cause pas fondée.

Dans sa réponse, le district se borne à indiquer que le bien était hypothéqué au delà de sa valeur, la somme versée pour son acquisition étant toujours consignée à la Caisse des dépôts et consignations.

1.2.Ensuite, le district s’est soumis aux injonctions du pouvoir sportif

Le district de Bastia met le stade à disposition du SCB en application d’une convention du 5 août 1994, conclue à titre gratuit pour un an renouvelable par tacite reconduction. Les charges d’entretien sont à la charge du SCB, les travaux à la charge du district. Les relations contractuelles ne sont en fait pas équilibrées.

Sur l’application de la convention, le district devrait limiter sa participation aux seuls investissements et ne pas supporter le moindre frais d’entretien fût-il symbolique. Or le district a pris en charge les frais d’entretien du parking (43 000 F par an) et les frais de location des terrains de l’ASPTT pour la section jeune du club (dépense de 120 000 F par an).

Par ailleurs, la chambre souhaite souligner l’absence totale de participation du SCB au financement d’un équipement dont le club retire des bénéfices, alors que le rythme, la quantité et la nature des investissements réalisés sur le stade Armand CESARI sont fixés par les exigences de la compétition sportive à laquelle participe le club. Cela pourrait justifier le paiement d’un loyer. Celui-ci pourrait être fixé à un montant correspondant aux règles d’amortissements décidées par le district de Bastia, 20 ans en linéaire, soit environ trois millions de francs. Un montant plus modeste mais révisable pourrait, cependant, être fixé, ce qui aurait le mérite de permettre aux acteurs de prendre conscience des coûts sinon réels de la mise à disposition et de l’utilisation des équipements.

Enfin, la chambre relève que la capacité et les équipements finals du stade sont déterminés par la Ligue Nationale de Football (LNF), dont les règles sont uniformes pour tous les stades de Division 1. Aujourd’hui, un club évoluant dans ce championnat doit ainsi disposer d’un système de vidéosurveillance, d’un stade de 20 000 places dont les deux tiers au moins doivent être assises, d’un éclairage de 1 000 lux (éclairage horizontal), d’un terrain de jeu homologué et d’un centre de formation agréé. Des dérogations peuvent être accordées aux clubs des villes ou agglomérations de moins de 100 000 habitants (réduction à 17 500 places en D1, cas de Bastia et 10 000 en D2).

Face à ces contraintes, le SCB n’a pas cessé, depuis 1992, de bénéficier de dérogations à l’application des règles fixées par le pouvoir sportif, voire même de dérogations aux dérogations. Mais il n’en est pas moins vrai que les objectifs de ce pouvoir n’ont jamais varié : atteindre au respect de ces règles et donc en imposer la réalisation au district. Le résultat est là : les investissements réalisés par le district pour le compte du SCB ont en 1994, 1996 et 1999 été " décidés " sous la menace réelle ou affichée d’une relégation du club en division inférieure, qui a pris le pas sur tout autre considération.

Dans sa réponse, le district conteste les observations de la chambre en mettant en avant une immixtion de la juridiction dans l’opportunité de ses décisions. Or ces observations tiennent à la gestion de l’équipement par le district et sur l’économie des moyens mis en œuvre pour réaliser le stade dans le cadre de sa mission de maître d’ouvrage dont il apparaît que des obligations ont été méconnues.

2. DANS LA RESTRUCTURATION DU STADE ARMAND CESARI, LE DISTRICT EST UN MAITRE D’OUVRAGE QUI A MECONNU SES OBLIGATIONS

Il appartient en effet normalement au maître d’ouvrage d’une opération " d’en déterminer la localisation, d’en définir le programme, d’en arrêter l’enveloppe prévisionnelle, d’en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l’ouvrage sera réalisé et de conclure avec les maîtres d’œuvre et entrepreneurs qu’il choisit les contrats ayant pour objet les études et l’exécution des travaux " (Article 2 de la loi 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.) Pour l’exercice de ces missions fondamentales, le district s’est montré défaillant à toutes les phases de l’opération examinée par la chambre : les acquisitions foncières, la phase de réhomologation et la phase actuelle de restructuration.

2.1. Il n’y a pas de vrai plan de financement faute de programme précis de travaux à réaliser

Pour les investissements qui ont eu lieu sur le stade ARMAND CESARI, une ou plusieurs délibérations auraient dû intervenir comportant, en application de l’article L 2311-2 du code général des collectivités territoriales, une " évaluation de la dépense globale (...), une répartition de cette dépense par exercice si la durée des travaux doit excéder une année et l’indication des ressources envisagées pour y faire face ". Le district n’a pas été en mesure de fournir un tel document en cours d’instruction. Le district n’a ainsi pas déterminé d’enveloppes prévisionnelles des travaux à réaliser.

Ainsi, pour la phase de réhomologation du stade en 1992-1993, le district a engagé les travaux sans savoir combien ceux-ci allaient coûter. De même, pour la phase de restructuration à partir de 1993-1994, le district a commencé les travaux mais n’a précisé son besoin de financement qu’au fur et à mesure.

Dans sa réponse, le district invoque l’important délai constaté entre la demande des aides financières et leur attribution effective pour justifier l’absence de phasage financier. Ce délai, certes dommageable pour la réalisation de l’ouvrage, est cependant sans incidence sur l’établissement d’un phasage financier qui peut être, par la suite, ajusté en fonction des financements réels obtenus.

En outre, le district précise qu’il a fallu qu’il s’adapte à une réglementation sportive et de sécurité évolutive, très contraignante du fait de ses exigences découlant de la catastrophe de 1992. En prenant acte de cette situation qu’elle a pu, naturellement, observer, la chambre ne peut considérer que ces modifications en cours de réalisation aient pu empêcher tout phasage et toute prévision financière.

2.2. Les acquisitions immobilières ne tiennent aucun compte des estimations domaniales

Les 54 760 m ? des parcelles appartenant aux consorts B... utilisées pour le parking et l’aire d’atterrissage de l’hélicoptère, ont été achetées au prix de 2 MF. Le service des domaines estimait ces terrains à 480 000 F. Le district a donc acquis ces terrains plus de 4 fois plus chers que l’estimation des domaines, bien que s’agissant de terrains situés en zone inondable.

De même, le district a réglé 0,350 et 0,300 MF l’acquisition de 873 m2 de terrains sis à FURIANI appartenant aux consorts E... (soit 400 F/ m ?) et à monsieur C... (2250 m ? soit 133 F/ m ?). Ces terrains étaient respectivement évalués par les domaines à 15 F et 25 F par m ? : le district les a ainsi payés respectivement 26 et 5 fois plus chers que l’estimation des services fiscaux.

Dans les deux cas, le district a considéré qu’il y avait urgence car il fallait pouvoir disposer avant le début de la prochaine saison sportive (juillet 1994) de 8 700 places assises pour les matches du SCB, de retour en première division, dans des conditions parfaites de sécurité. Ceci ne peut être contesté, mais l’urgence invoquée semble abusive car fondée sur les seules performances sportives du club et la conséquence de cette urgence est disproportionnée eu égard au surcoût des terrains.

Par ailleurs, le district propriétaire du stade depuis la fin de 1992 et en possession d’un projet architectural à la fin de 1993 s’est mis seul dans une situation délicate : celle d’acquérir en urgence des terrains à partir d’avril 1994 pour des travaux à achever à la fin de juillet 1994.

Dans sa réponse, le district invoque l’engagement de l’observation de la chambre sur le terrain de l’opportunité de ses décisions. Ici aussi, il ne s’agit que d’examiner la réalisation des décisions prises et non de porter un jugement sur la décision d’acquérir des terrains. Il n’en demeure pas moins que ces terrains inondables ont été acquis dans l’urgence et, ce faisant, à des prix excessifs.

3. LES TRAVAUX EN VUE DE LA REHOMOLOGATION DU STADE (1992-1993), MARQUES PAR L’URGENCE, SONT ENTACHES DE NOMBREUSES IRREGULARITES

Le 24 juin 1992, au lendemain de la catastrophe du stade, la commission centrale des terrains et équipements de la FFF (Fédération Française de Football) retire l’homologation du stade ARMAND CESARI et fixe un " cahier des charges " pour réhabiliter ce stade. Dès lors, au cours des années 1992 et 1993, le SCB qui évolue en D2, joue, en début de saison, ses matchs dits à domicile, à l’extérieur sur le terrain de Mezzavia à l’entrée d’Ajaccio. Cette situation est en fait le seul motif de l’urgence avec l’espoir de l’accession prochaine du club en D1.

Ainsi pressé par " l’urgence ", le district a engagé les travaux avant de posséder le terrain. Même s’il disposait de l’autorisation des propriétaires de ce terrain, cette précipitation démontre l’impréparation certaine d’une opération extrêmement complexe qui exigeait, justement, sérieux et méthode pour voir s’éloigner le spectre d’un équipement ne répondant pas aux normes sportives et de sécurité

3.1. La définition du coût d’objectif du marché de maîtrise d’œuvre ne permet pas au district de connaître le coût total des travaux qu’il engage

Le district a conclu avec Olivier MARTIN architecte DPLG un marché de maîtrise d’œuvre des travaux préalables à la réhomologation du stade. La chambre observe que :

Le district ne connaît pas vraiment le montant total estimé des travaux qu’il engage, y compris la rémunération du maître d’œuvre. En effet, cette rémunération dont le marché dit qu’elle est calculée par référence à un coût d’objectif, n’est pas, en fait, la conséquence d’un véritable engagement du maître d’œuvre, puisque le cabinet est rémunéré en fonction du montant des travaux effectués et non du montant estimé comme le voudrait la référence à un réel coût d’objectif. Il en est résulté que, le 18 juin 1993 à la fin de travaux, la rémunération du cabinet MARTIN est supérieure de 39% au marché de novembre 1992 dans lequel il s’engageait pourtant sur un coût d’objectif .

le marché est négocié après une consultation réelle mais limitée à l’agglomération bastiaise comme cela est le cas en général pour le district et alors même que les travaux sur le stade auraient dû conduire le district à s’entourer de toutes les garanties, notamment celles de différents avis techniques obtenus d’une consultation étendue, au plan régional en particulier ;

le cabinet MARTIN a coordonné des travaux supplémentaires sans que des avenants ne les autorisent, conformément aux dispositions de l’article 255 bis du code des marchés publics.

Dans sa réponse relative à l’absence d’un véritable coût d’objectif relevé par la chambre, le district fait valoir que le marché avec le cabinet Martin contenait une estimation des travaux. Certes, mais cette seule estimation n’emportait pas l’engagement de l’architecte sur un coût d’objectif, sa rémunération étant, au final, supérieure de près de 40 % à celle qu’un tel coût aurait dû produire.

Par ailleurs, le district dénie à la juridiction financière la possibilité de se prononcer sur le caractère géographique restreint de l’appel d’offres en invoquant l’opportunité de ses décisions. Bien entendu, il ne s’agit pas là d’opportunité mais de l’appréciation de la qualité de la mise en concurrence dans un dossier extrêmement sensible.

3.2.En outre, les marchés en vue de cette réhomologation sont caractérisés par de nombreuses anomalies

Il s’agit de marchés représentant 2,6 MF TTC conclus avec CAPELEC (0,341 MF HT), SNC VENDASI (0,754 MF HT), VINCETTI (0,420 MF HT), FUSELLA (0,644 MF HT), COMEC (0,323 MF HT) et divers (0,085 MF). En réalité, au final, les travaux se sont élevés à 3,37 MF (+ 29 %), et les marchés se sont caractérisés par de nombreuses anomalies :

Les conditions de la mise en concurrence apparaissent faussées :

1) La société CAPELEC, retenue pour les travaux de réfection du réseau basse tension, a été choisie à la suite d’un marché négocié alors que le montant estimé est au-dessus du seuil pour lequel une procédure négociée est possible.

2) Pour les travaux de mise en conformité de la tribune Nord, l’entreprise Vincetti est retenue alors que 2 entreprises sur les 6 soumissionnaires font des offres plus intéressantes en prix. Le rapport du maître d’ouvrage présenté en application de l’article 312ter du CMP est laconique : " la SARL VINCETTI présentant l’offre la plus intéressante a été retenue ".

3) Le district a confié à la SNC VENDASI le marché de fournitures et de pose de la clôture du terrain de jeu et de la clôture Nord du stade à la suite d’un appel d’offres ouvert. C’est la solution de base de la société VENDASI qui a été retenue. La société PROMO CONSTRUCTION a été écartée en raison d’erreurs de calculs dans la solution variante, alors que son offre était de 20 % inférieure à celle de la SNC VENDASI. . Cette explication est peu satisfaisante dans la mesure où la SNC VENDASI a été retenue uniquement sur la solution de base et non pour ses performances dans les variantes. De plus, le règlement particulier de l’appel d’offres prévoyait de ne pas tenir rigueur des erreurs de calcul.

Le dépassement des délais sans pénalités de retard :

Les marchés avec CAPELEC, VINCETTI et la SNC VENDASI se sont achevés respectivement avec 15 jours, 4 semaines et 10 jours de retard. Aucune explication précise n’a pu cependant être apportée en cours d’instruction sur les sources de ces retards. Il est donc regrettable que le district ait renoncé au bénéfice des pénalités de retard qui se seraient élevées à 53 000 F HT pour ces trois marchés.

Des travaux supplémentaires sans avenant :

Les marché avec CAPELEC, VINCETTI et la SNC VENDASI ont été complétés par des travaux supplémentaires (pour un total de 431 000 F) réglés par facture, donc sans avenant, en méconnaissance de l’article 255 du CMP, le montant du marché étant atteint.

Des travaux commencés avant même d’être autorisés :

Les Ordres de Service (OS) de commencer les travaux des marchés conclus avec CAPELEC, la SARL VINCETTI et la SA FUSELLA ont été donnés en janvier 1993, alors que le président du district n’a été autorisé à signer ces marchés qu’un mois plus tard, après une délibération du 22 février 1993.

Le marché conclu pour la réalisation de l’éclairage du stade n’est pas correctement défini :

Par un marché du 16 septembre 1993, le district a confié à l’entreprise LUCCHINI SA les travaux de réalisation de l’éclairage du stade ARMAND CESARI. Un avenant du 8 février 1994 prolonge le délai des travaux. La chambre considère que cet avenant est le fruit d’une insuffisante définition des besoins au départ : en effet, les travaux complémentaires résultent, selon le rapport de présentation du maître d’ouvrage, de la nécessité de ne pas utiliser la pelouse et permettre le déroulement des matches pendant la durée des travaux, nécessité qu’il eût été logique de prévoir dans un stade dédié à un championnat professionnel.

Sur tous ces points, soit le district confirme les observations de la chambre, soit il ne présente aucun commentaire.

4. POUR LA RESTRUCTURATION DU STADE POUR LA MONTEE DU SCB EN 1ERE DIVISION LE PROJET ARCHITECTURAL EST BOULEVERSE DES LE DEBUT POUR REPONDRE AUX EXIGENCES DU POUVOIR SPORTIF

Le Jury de concours retient le 8 novembre 1993 le cabinet NAVARI sur la base d’une esquisse pour un stade " d’une capacité maximale de 14 950 places et (pour une) réalisation en 4 phases successives et fonctionnelles(...) ". A ce moment-là, le SCB est encore en 2ème division et sa montée en D1 n’est pas encore évoquée. La réalisation du stade, dans de bonnes conditions, peut prendre le temps nécessaire.

En fait, le projet architectural, retenu en novembre 1993, est bouleversé dès le printemps 1994 au moment où se précise l’éventualité de la remontée du SCB en D1. En effet, les architectes avaient proposé de commencer par raser l’ancienne tribune Nord, où avait eu lieu la catastrophe de 1992, puis de la reconstruire :

 phase 1 démolition de la tribune NORD et construction de la tribune NORD sur 2 niveaux (22,5 MF HT) ;

 phases 2 et 3 démolition et réaménagement des tribunes est et ouest sur remblais (1,9 et 1,7 MF HT) ;

 phase 4 tribune sud (17,4 MF).

Les architectes proposent alors de faire soit 1+2+3 (8 700 places pour 26,1 MF) ou 1+2+3+couvertures (9 200 places à 33,1 MF) ou 1 + 2 +3 +partie 4 (41,1 MF) ou totalité (43,5 MF). L’architecte offre ainsi une certaine marge de manœuvre au district mais dans tous les cas il prévoit de commencer par la tribune NORD (la phase 1).

Or, quelque 5 mois après la signature de leur contrat de maîtrise d’œuvre, en avril 1994, les architectes sont obligés de proposer un tout autre découpage des travaux permettant au club de disposer d’un stade de 8 000 places au début de la nouvelle saison (1994 -1995), soit, selon eux, une " remise en cause fondamentale du phasage prévu ". En effet, à ce moment-là, le projet porte sur un stade de 8 360 places dont la construction est désormais décomposée en trois phases :

(1) démolition des tribunes est et ouest, consolidation des sols, construction des vestiaires provisoires ;

(2) mise en place de la colline est et de la colline ouest, gradins de la tribune est et ceux de la tribune ouest ;

(3) aménagement de la périphérie immédiate du stade.

C’est ce projet qui servira de base à l’enquête publique et à l’appel d’offres pour les travaux. Ainsi, le programme des travaux envisagé au printemps 1994 est bien différent de celui du concours d’architectes et du projet d’architectes retenu qui n’ont pourtant que ...... quelques mois d’ancienneté. Cela ne pourra avoir que des conséquences financières négatives.

Bien évidemment, dans ces conditions il est très difficile au district de connaître avec précision le montant des travaux à financer. Il ne disposait d’ailleurs pas d’un chiffrage précis de ceux-ci au moment où il a signé son marché de maîtrise d’œuvre avec les architectes. Les chiffres donnés par l’architecte sont variables et ne peuvent être tenus comme constituant une estimation prévisionnelle des travaux. Dans son mémoire de présentation au jury du concours, NAVARI estime les travaux à 43,5 MF, puis dans un pré-APS (avant projet sommaire) de décembre 1993, cette estimation est de 58,84 MF (les seules tribunes coûtent 47,5 MF et il faut rajouter, selon une estimation de janvier 1994, 11 MF de voirie) et son coût d’objectif provisoire dans l’acte d’engagement qu’il prépare est de 55 MF.

Dans sa réponse, le district indique qu’une estimation du coût à 82,2 MF, pour l’ensemble des travaux, a été présentée, en avril 1994, aux différentes collectivités susceptibles d’attribuer des subventions, aux instances sportives et à l’Etat. Mais il s’est avéré que les engagements pris n’ont pas été concrétisés, l’Etat revenant, notamment, sur son financement de l’ensemble de l’opération, annoncé au lendemain de la catastrophe. De plus, des demandes reconventionnelles de la part des autorités de sécurité et des autorités sportives ont modifié le volume des travaux, obligeant le district à d’incessantes adaptations.

Dès lors, faute d’avoir pu chiffrer avec précision des besoins dont il ne maîtrisait pas totalement la définition, le district sera conduit à retarder les travaux. Ainsi, ceux de la tribune OUEST du stade, pour lesquels les sommes prévues pour les réaliser ont été utilisées à l’aménagement de l’aire de stationnement et de la voirie, travaux non prévus dans ses demandes initiales de financement.

La chambre doit ajouter que le district, qui ne dispose pas, en interne, de services techniques suffisants, ne s’est donné que bien tardivement les moyens de définir les relations contractuelles avec son maître d’œuvre. En effet, le district a conclu le 25 mai 1994 une convention de conseil et d’assistance au maître d’ouvrage pour la 1ère tranche de travaux de restructuration du stade avec le cabinet BLASINI pour 0,190 MF. Le cabinet BLASINI était chargé de préparer le marché de maître d’œuvre. Cette intention est louable sauf que le cabinet Blasini n’a pas fait cette préparation confiée, en fait, à NAVARI. Il pouvait d’ailleurs difficilement le faire dans la mesure où le marché qui le lie au district est du 25 mai 1994 alors que la district a signé avec NAVARI un marché de maîtrise d’œuvre exécutoire le 3 mai 1994.

Au total, des incertitudes ou des renoncements sur les engagements financiers des organismes pourvoyeurs d’aides, des travaux complémentaires ou modificatifs variant au fil du temps et, au delà de ces éléments d’appréciation, une insuffisante maîtrise de l’opération par le district, font naître une impression de flou dans la préparation des travaux du stade qui ne sera pas levée par le constat d’importantes anomalies dans la passation des marchés de construction des tribunes.

5. LES TRAVAUX DE RESTRUCTURATION DU STADE EN 1994 SONT CARACTERISES PAR DES ANOMALIES IMPORTANTES

5.1. Le marché des tribunes : les principes fondamentaux d’égalité des chances d’accès des entreprises à la commande publique et le libre exercice de la concurrence sont bafoués

Un appel d’offres ouvert est publié le 24 mai 1994. Il comporte une tranche ferme à réaliser en 8 semaines (tribunes est -2 128 places - aménagement de l’espace nord - 2 628 places - tunnel d’accès au vestiaire, aménagement du parking spécialisé et de la zone d’accès nord, clôtures) et une tranche conditionnelle à réaliser en 5 mois si la tranche est affermie dans les 6 mois du marché (tribune ouest 1 969 places et travaux divers connexes).

Une seule entreprise fait une offre lors de la commission réunie le 9 juin 1994 : la SNC VENDASI pour 18,3 MF HT en prix de base et 15,9 MF HT en variante. Cette offre se situe au-dessus de l’estimation du maître d’œuvre (11,8 MF HT) essentiellement pour une raison technique : la SNC VENDASI propose une préfabrication lourde importée pour faire face aux délais de réalisation alors que l’appel d’offres souhaite le recours au béton armé (BA) traditionnel et une préfabrication légère in situ par les entreprises locales. Cette solution préconisée par l’appel d’offres permet une économie de 2 MF HT sur la seule tribune est. Le surcoût conduit à déclarer l’appel d’offres infructueux et à lancer une procédure négociée.

Or, le projet soumis à la procédure négociée est différent de celui soumis à l’appel d’offres et un nouveau phasage est prévu. En elles-mêmes, ces modifications pourraient être justifiées pour ajuster la demande du maître d’ouvrage aux capacités des entreprises. Elles sont néanmoins gênantes car elles ont été décidées avant même le dépouillement des offres le 9 juin 1994. Elles sont le résultat d’une réunion où le district, la préfecture, le concepteur sont présents ainsi que .......François VENDASI, responsable de l’entreprise, présenté comme " l’entrepreneur pressenti " avant même les décisions de la commission d’appel d’offres.

Autre anomalie, la consultation des entreprises SNC VENDASI, Société Routière de HAUTE-CORSE (SRHC) et SARL P.A ANTONIOTTI en vue de conclure un marché négocié est lancée le 27 juin 1994 avec obligation de formuler des propositions pour le 29 juin à 16 heures au plus tard, soit un délai réduit à deux jours.

Compte tenu de la nature et de l’importance des travaux en cause, ce délai est notoirement insuffisant pour permettre aux entreprises, qui ne connaissent pas le dossier, d’étudier raisonnablement leur offre et répondre en temps voulu. De fait, l’entreprise SNC VENDASI, qui a soumissionné lors de l’appel d’offres, a bénéficié d’un avantage certain pour remettre sa proposition par rapport aux deux autres entreprises. De plus, deux des trois entreprises consultées (SRHC et P.A ANTONIOTTI) ne sont pas, a priori, en raison de leur spécialisation, des entreprises équipées ou structurées pour mener à bien, dans les délais impartis, les travaux de construction de telles tribunes.

Or, le code des marchés publics rappelle pourtant, dans son article 104, que la personne responsable du marché doit mettre en compétition des candidats susceptibles d’exécuter le marché. Au cas présent, la procédure employée et les candidats consultés ont donc limité la concurrence à la seule entreprise qui a présenté une offre : la SNC VENDASI.

La SNC VENDASI est finalement retenue le 13 juillet 1994 pour 15,69 MF.

Pour tout ce qui précède, le marché conclu entre le district de Bastia et la SNC VENDASI pour la construction de tribunes sur le Stade Armand CESARI de FURIANI, n’a pas été passé dans le respect des dispositions du code des marchés publics.

En procédant ainsi, le maître d’ouvrage a procuré à la SNC VENDASI un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives et réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics.

Le district n’a pas fait part de ses remarques concernant la passation de ce marché.

5.2. La réalisation d’un vestiaire provisoire : une offre irrégulière a été retenue

La SNC VENDASI et l’entreprise ALGECO ont été retenues le 11 juillet 1994 pour la réalisation de vestiaires provisoires. La société KLS avait également fait une offre. Cette offre, dans ses deux variantes, était inférieure à celle de la SNC VENDASI/ALGECO (il est vrai que ces dernières tenaient compte du raccordement au réseau, ce que ne faisait pas KLS, alors que la notice explicative de l’architecte à défaut de CCTP demandait de prévoir le raccordement aux réseaux. Seul problème : cette notice descriptive jointe aux paiements est datée du 29 JUIN 1994 soit après la consultation donc elle est difficilement opposable aux candidats.). Circonstance aggravante dans la décision d’écarter KLS : dans une des variantes, KLS était la seule dans l’enveloppe du maître d’œuvre. Il faut noter également que SNC VENDASI/ALGECO ont été retenues parce que la SNC VENDASI effectuait déjà des travaux sur le site, considération qui aurait dû être étrangère au choix du titulaire. Enfin, l’acte d’engagement des entreprises retenues est signé du 27 juin 1994, c’est à dire après l’examen par la commission d’appel d’offres réunie le 25 mai 1994.

La chambre constate que la concurrence n’a pas, une nouvelle fois, véritablement joué pour ce marché et que le district, dans sa réponse, ne présente pas d’observation.

5.3.Les travaux d’augmentation de la capacité de la tribune SUD : un marché de maîtrise d’œuvre commencé avant d’être notifié et dissocié sans raison des travaux de construction des tribunes

Ces marchés, ainsi que celui des vestiaires provisoires, sont caractéristiques des bouleversements du projet architectural original puisque, sous la pression de l’environnement sportif et faute de respecter le phasage prévu, du provisoire doit être mis en œuvre. De plus, un maître d’œuvre est engagé alors même qu’il en existe un pour l’ensemble de la restructuration du stade.

Le cabinet MARTIN est choisi dans la précipitation pour assurer la maîtrise d’œuvre de ce projet. Son devis est accepté par le président du district le 7 juillet 1994, deux mois après avoir réalisé une partie de sa mission. En effet, le cabinet MARTIN a produit les documents de consultation des entreprises pour les travaux dès mai 1994.

C’est la SARL COMEC qui a été retenue pour effectuer ces travaux, pour un montant de 0,698 MF.

Il est, cependant, peu aisé de déterminer pourquoi les travaux d’augmentation de la capacité de la tribune sud ont été dissociés de ceux de la reconstruction du stade.

Dans sa réponse, le district avance que, la tribune sud existant, il n’était pas nécessaire de l’inclure dans le projet total. Or la chambre note que le projet de maîtrise d’œuvre avec le cabinet NAVARI incluait les opérations à réaliser sur la tribune sud, cet architecte proposant de construire un stade complet.

Dès lors, il apparaît bien que le bouleversement des travaux a conduit le district à traiter séparément les travaux de la tribune sud contrairement ce qui était initialement prévu.

5.4.Les travaux de consolidation des sols : le candidat retenu n’aurait même pas dû voir son offre examinée

Pour ces travaux, la SNC VENDASI et la Sté DTP Terrassement ont été retenues le 11 juillet 1994. Or, l’offre de la SNC VENDASI n’aurait même pas dû être examinée. En effet, alors que des variantes obligatoires devaient être proposées en application du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), la SNC vendasi et ses associés ont été retenus pour leur proposition de variante libre sans avoir fait de proposition intégralement chiffrée de variante obligatoire.

L’offre VENDASI est la moins disante mais il est difficile de savoir à quel moment elle l’est devenue puisqu’elle signe son acte d’engagement le 8 juillet 1994, deux mois après la réunion de la commission d’appel d’offres, en méconnaissance des dispositions de l’article 300 du CMP relatives à l’intangibilité des offres.

En procédant ainsi, le maître d’ouvrage a procuré à la SNC VENDASI un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives et réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics.

Le district n’apporte pas, dans sa réponse, de précisions sur ce marché.

5.5. Les travaux de voirie et de réseaux

Par un marché de 3,36 MF la SRHC (société routière de Haute Corse) a été chargée par le district de travaux de voirie. Encore une fois, en méconnaissance de l’article 250 du code des marchés publics, ce marché a commencé avant d’être notifié : les travaux ont été commencés le 13 juin 1994 par le maître d’œuvre alors que ce marché n’est exécutoire que le 21 juin 1994.

Cette anomalie se répète avec le BET CAPOROSSI qui assure la maîtrise d’œuvre des travaux du réseau secondaire à la suite d’une lettre de commande du 20 juin 1994. La mission a commencé avant d’être formellement prescrite puisque le BET CAPOROSSl a réalisé le dossier de consultation des entreprises (DCE) dès le 20 mai 1994.

Ici encore, le district abuse de la procédure d’urgence - Le district a considéré que " lors de la reconstruction du stade, il a fallu reconstruire rapidement des voies d’accès (condition rendue nécessaire par la commission de sécurité) ". Certes, mais il n’est pas concevable que ni le maître d’ouvrage ni son maître d’œuvre aient purement et simplement oublié que des travaux de voirie seraient nécessaires. Bien entendu, le contenu exact de ceux-ci pouvait être défini en concertation avec les commissions compétentes. Mais, une fois celles-ci réunies et ayant donné leurs indications, rien ne motive en particulier l’urgence (les comptes-rendus des commissions de sécurité ou autres (17 mai 1994 réunion sur les voies de desserte du stade et commission ERP présidée par le préfet Goudard le 16 juin 1994) ne justifient pas l’urgence des marchés de travaux à passer mais démontrent le caractère incomplet des plans et prévisions du maître d’ouvrage et du maître d’oeuvre en vue de lancer les travaux de la phase intermédiaire de juin 1994. L’urgence prétendument invoquée est liée à la volonté de démarrer les travaux coûte que coûte après la signature du permise de construire le 20 juin 1994 et de la nécessité de déposer la demande d’homologation du stade avant le 18 juillet 1994).

Dans sa réponse, le district n’apporte pas de précision sur le point évoqué.

5.6. L’aire de stationnement principal et la voirie d’accès

Ce marché de 6,1 MF avec le groupement SNC VENDASI/SRHC s’est achevé le 26 juillet 1995 avec 7 mois de retard. Cela aurait pu conduire, en application du CCAP, à une pénalité d’environ 1,4 MF si des problèmes techniques et fonciers n’avaient " justifié ", selon le district, l’allongement des délais des travaux.

Les deux cabinets BLASINI et CAPOROSSI, retenus pour la maîtrise d’œuvre, ont commencé leur mission le 11 juillet avant que le marché ne soit exécutoire le 29 juillet 1994.

Dans le choix de SNC VENDASI/SRHC, les autres offres n’ont pas été examinées car non conformes (après avis de la DDCCRF selon le rapport 312 ter). Il est surprenant que 3 entreprises sur les 4 aient déposé une offre avec un dossier administratif non conforme. S’agissant d’entreprises soumissionnant habituellement aux marchés publics et faute d’explication précise dans le rapport du maître d’ouvrage, cela ne permet pas de croire que la concurrence se soit déroulée dans des conditions optimales.

Au final, le résultat (parking et aire d’hélicoptère) paraît difficilement justifier le montant de 6 MF. Avec le prix des terrains, l’aménagement de ce parking a coûté 8 MF. Cela paraît très élevé, vu le caractère très limité des aménagements et la façon dont s’effectue le stationnement les soirs de match, puisque la RN 193, de l’autre côté du chemin de fer par rapport au stade, continue à avoir les faveurs de nombreux spectateurs.

Par ailleurs, il est étonnant de constater que, les leçons de la catastrophe de 1992, portant notamment sur les difficultés d’accès au stade, n’ont pas été totalement tirées ici, afin d’éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets dans l’avenir.

A l’issue de cette première phase, la construction de la tribune OUEST est différée et le stade a une capacité de 7 774 places. La tribune OUEST est différée car le district ne peut mobiliser les financements : le financement de la 1ère phase des travaux a été bouleversé car les travaux eux-mêmes ont été bouleversés. Les partenaires du district s’étaient engagés à financer la 1ère phase telle qu’elle était prévue. Cela n’a pas eu lieu ; les financements ne peuvent plus être mobilisés.

Dans sa réponse, le district explique le coût du parking par des exigences techniques, notamment par la réalisation du parking en surélévation pour le mettre hors d’eau. On observe ici les effets directs de l’implantation du stade sur un terrain inondable.

Le district relève, par ailleurs, que " le parking et les voies d’accès font partie des exigences abusives de l’administration et du pouvoir sportif ".

6. APRES 1996, LA PHASE II SE CARACTERISE PAR LA CONSTRUCTION IRREGULIERE ET INACHEVEE DE LA TRIBUNE NORD

6.1. Le permis de construire est délivré par l’entrepreneur

Le permis de construire, pour cette opération, a été délivré par le maire de FURIANI qui se trouve également être à la tête de l’entreprise qui réalisera les travaux en cause : ainsi, l’entrepreneur délivre le permis de construire de travaux qu’il réalise.

Le dossier de permis de construire a certes été déposé à la mairie de FURIANI le 21 avril 1995 c’est à dire avant l’élection du nouveau maire le 17 juin 1995. Toutefois, le dossier de demande est assez précis pour permettre à un entrepreneur qui en aurait connaissance quelques mois avant d’éventuels autres candidats de préparer son offre. Les informations ne sont pas privilégiées (un autre entrepreneur pourrait y avoir accès) mais le délai de préparation de l’entrepreneur qui délivre le permis de construire est plus long.

Dans sa réponse, M. François Vendasi estime qu’il n’a pas bénéficié d’informations particulières. Devenu maire le 17 juin 1995, il dit n’avoir eu connaissance du permis de construire que le 9 novembre suivant.

6.2. Le marché conclu avec la SNC VENDASI est marqué encore une fois par les conditions anormales du jeu de la concurrence

Ce marché qui se soldera finalement, après une transaction, à 36,2 MF, a eu pour objet de porter la capacité totale du stade à 10 311 places. Ce sont les conditions de la mise en concurrence qui appellent les critiques les plus fermes de la chambre.

D’une part, le district a renoncé à une publicité de niveau européen. En droit, le district y était tenu comme l’a confirmé le tribunal administratif de Bastia le 10 avril 1997 lorsqu’il a annulé le marché passé entre le district et la SNC VENDASI pour défaut de publicité européenne. Au-delà du respect de la régularité, il eût été de bonne gestion, pour le district, de procéder à la plus large consultation possible compte tenu de l’importance du marché, du caractère limité de la concurrence locale et des réticences des entreprises continentales à soumissionner. Une telle attitude aurait garanti une meilleure utilisation des fonds publics et aurait permis le cas échéant de justifier, autrement que par défaut, le choix de l’entrepreneur retenu.

D’autre part, l’offre de la SNC VENDASI retenue est également irrégulière juridiquement et, de plus, inacceptable économiquement.

En effet, le cahier des clauses techniques particulières précise que "tout entrepreneur pourra proposer des variantes par rapport au projet établi par le maître d’œuvre, après avoir répondu obligatoirement sur la solution de base ". Il ressort du rapport d’analyse des offres, établi le 4 janvier 1996 par le maître d’œuvre pour éclairer la commission d’ouverture des plis, que la société VENDASI n’a pas répondu de façon satisfaisante sur la solution de base, puisqu’elle a proposé pour le lot gros-œuvre une préfabrication des éléments en usine, ce qui constitue une variante par rapport à la construction traditionnelle prévue par le maître d’œuvre dans la solution de base. C’est exactement la même solution qu’avait proposée SNC VENDASI pour la 1ère tranche en s’écartant de la même façon du CCTP (voir ci-avant).

De plus, pour ce qui concerne la tranche conditionnelle du marché, l’entreprise VENDASI a été admise à substituer une offre variante à son offre initiale, qui correspondait à la solution de base. Cette démarche ne constitue pas une "mise au point" au sens de l’article 298 du code des marchés publics mais porte atteinte à l’égalité des concurrents puisque l’offre retenue pour la tranche conditionnelle du marché a été remise après l’ouverture des plis. La mise au point du marché, ayant ainsi abouti à une réduction de 6,6 % du prix initialement fixé par l’entreprise pour l’ensemble du marché constitué d’une tranche ferme et d’une tranche conditionnelle, doit être considérée comme abusive.

Enfin, comme lors de l’appel d’offres de juin 1994 pour la 1ère tranche des travaux de restructuration, le coût du lot gros-œuvre -terrassement de l’offre de la SNC VENDASI est supérieur de 40 % à l’estimation des concepteurs : 20,8 MF au lieu de 14,8 MF. Ce surcoût est induit par un choix technique différent (préfabrication) de celui préconisé dans la solution de base (construction traditionnelle). Le seul avantage attaché à cette solution, une éventuelle réduction des délais imposés par le règlement d’appel d’offres, ne permet pas d’en justifier le montant.

En retenant malgré tout l’entreprise, le maître d’ouvrage a procuré à la SNC VENDASI un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives et réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics.

Dans sa réponse, le district n’apporte pas d’information complémentaire sur les conditions d’attribution de ce marché.

7. LES ERREMENTS RELEVES PAR LA CHAMBRE ONT CONDUIT AU DERAPAGE DU COUT DU STADE DANS DES PROPORTIONS QU’IL N’EST TOUJOURS PAS POSSIBLE DE CHIFFRER AUJOURD’HUI, FAUTE DE DISPOSER D’UN EQUIPEMENT ACHEVE

Les travaux sur le stade de 1992 à 1997 ont coûté quelque 87 MF. Le tableau n°13 en annexe indique les grandes masses de dépenses ; ce tableau a été établi à partir des factures et marchés produits par le comptable à l’appui de ses comptes de gestion et représente donc ce qui a été effectivement payé. Cette évaluation reste donc encore éloignée de celle du district qui l’arrête à 82,2 MF dans sa réponse, en la justifiant par l’exclusion des coûts : de construction du stade des travaux de re-homologation diurne et nocturne et des exigences réglementaires récentes.

Ce stade, en 1994, devait coûter (avec 15 000 places dont 5 300 couvertes) 2 900 F la place dans le mémoire de présentation des architectes, mais 5 918 F la place selon le pré-APS (avant-projet sommaire) qui a servi de base à la demande de subvention à l’Etat en 1994 (sur la base de 88 MF TTC qui comprend les travaux, les honoraires divers, les ouvrages et acquisitions hors marché). Inachevé, il " coûte ", en définitive, 8 582 F la place, soit une dérive de 196 % par rapport à la présentation des architectes (en ne retenant que les opérations menées à compter de 1994 soit 86,509 MF). Fondamentalement, deux raisons expliquent la dérive des coûts : le projet initial retenu par le jury de concours a été complètement bouleversé et le maître d’ouvrage s’est montré défaillant dans la conduite de l’opération.

S’agissant de la concurrence, la chambre note que sur les 35 marchés passés pour le stade de Furiani depuis 1992, 21 l’ont été en la forme négociée et que la SNC VENDASI a été titulaire de 48 % des marchés concernant le stade depuis la réhomologation de 1993 et titulaire de 74 % des marchés de la restructuration du stade après 1994, le tout dans des conditions de forme et de fonds qui ont appelé sa critique.

Enfin la chambre doit constater qu’en octobre 2000, les nouvelles tribunes OUEST et SUD restent à réaliser et qu’il manque à ce stade la couverture de la tribune nord, la vidéosurveillance (obligatoire, il est vrai, depuis seulement deux ans) et un nombre de places très significatif (7 000) pour répondre aux demandes actuelles du pouvoir sportif (nécessité d’un stade de 17 500 places).

Certes, la totalité des dérives ne peut être imputée au seul district. Soumis à des pressions constantes de tous ordres, il a tenté de s’adapter aux exigences des uns et des autres dans une enveloppe financière dont les aides n’ont jamais atteint les montants annoncés.

La chambre prend acte des conditions dans lesquelles les travaux du stade ont été conduits. Elle ne peut omettre, cependant, qu’une grande part des dérives de tous ordres constatées a pour origine l’urgence, voire la précipitation sous laquelle cette opération a été placée. Or cette urgence ne relevait, en fait, que de l’exigence du club sportif de disposer très rapidement d’un équipement correspondant à sa toute fraîche accession en D1, ce qui aurait dû la relativiser face aux nécessités de disposer d’un équipement sûr et effectué dans l’intérêt social et financier du district.

Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter, le club sportif mettant en avant le risque d’une relégation en D2 pour obtenir la construction de la tribune ouest.

La chambre ne peut donc que constater que, après la dramatique catastrophe de 1992 laissant une population très traumatisée et un équipement en piteux état, si la priorité de disposer d’un stade complet et sûr avait prévalu sur celle de coller, au plus près, aux aléas des fortunes sportives du SCB, la conduite de l’opération aurait été plus sereine et les errements observés auraient été très fortement limités.


Source : Chambre régionale des comptes de Corse : http://www.ccomptes.fr/crc