Cependant, même si, en matière judiciaire, les organisations sectaires semblent avoir opté pour l’offensive, certaines d’entre elles ont, alors même qu’elles prétendent le contraire, fait l’objet de condamnations sévères et définitives.

A cet égard, l’affaire la plus retentissante ces derniers temps a sans aucun doute été la condamnation de l’ancien président de l’Eglise de Scientologie de Lyon par le Tribunal de Grande Instance de Lyon statuant en premier ressort. Le 22 novembre 1996, il a, en effet, été condamné à trois ans de prison, dont dix-huit mois ferme et 500 000 francs français d’amende. Cette peine a été assortie de cinq années d’interdiction des droits civiques, civils et de famille et de cinq années d’exclusion des marchés publics.

Les magistrats ont constaté qu’il y avait " un lien de causalité directe " entre le suicide d’un adepte de la Scientologie en 1988 et le " comportement fautif " du condamné.

Quatorze autres scientologues ont également été condamnés à des peines de prison avec sursis allant de huit mois à deux ans, assorties d’amendes et de peines complémentaires pour escroquerie, complicité d’escroquerie ou abus de confiance. Huit relaxes totales ont encore été prononcées par le tribunal.

Les attendus du jugement précisent clairement que le propos du tribunal n’était pas de juger le " culte " en tant que tel mais les manoeuvres frauduleuses auxquelles il peut donner lieu :

" Il n’est pas de la compétence du Tribunal de se prononcer sur cette importante question de société mais de rechercher si les méthodes utilisées par la Scientologie sont susceptibles d’engendrer une éventuelle qualification pénale lors de leur mise en oeuvre et plus précisément de rechercher si les infractions reprochées à certains membres de l’Eglise de Scientologie sont constituées.

Il convient, tout d’abord, de rappeler que la liberté de croyance est un des éléments fondamentaux des libertés publiques françaises, que ce principe est inscrit dans l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme du 26 août 1789 et dans le préambule de la Constitution de 1946, auxquels se réfère le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ; que l’article 1 er de la Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l’Etat réaffirme encore ce principe, l’Etat garantissant le libre exercice des cultes.

Cette liberté toutefois a ses limites dans l’intérêt de l’ordre public.

Ainsi, des individus qui utilisent une doctrine philosophique ou religieuse, dont l’objet est licite, à des fins financières ou commerciales, pour tromper volontairement les tiers sont susceptibles d’être poursuivis pour le délit d’escroquerie.

L’exercice ou la pratique d’un culte peut d’ailleurs donner lieu à des manoeuvres frauduleuses de la part de certains membres de cette religion en vue de tromper des tiers de bonne foi.

L’appréciation de ces manoeuvres frauduleuses à travers une pratique religieuse revendiquée n’implique pas un jugement de valeur sur la doctrine professée par cette religion mais concerne seulement la licéité des moyens employés.

Les juridictions pénales ont toute latitude pour apprécier l’utilisation de ces moyens externes et de vérifier s’ils n’ont pas pour but de tromper volontairement les cocontractants. "

Dans les attendus de son jugement du 29 mars 1996, le tribunal de première instance de Nivelles insiste lui aussi sur le fait que la liberté d’opinion religieuse et philosophique ne saurait justifier des activités illégales :

" Attendu que pour le surplus c’est à bon droit que les défendeurs ont dénoncé les pratiques illégales organisées sous le couvert de l’Eglise de Scientologie et le danger d’y être entraîné insidieusement même par des adeptes ou sympathisants eux-mêmes de bonne foi, à l’occasion de contacts personnels noués dans des activités extérieures à ladite église

que le droit du public d’être informé de telles pratiques sournoises et manipulatrices est conforme à l’ordre public et ne porte fautivement atteinte ni au droit à la vie privée ni à la liberté d’opinion religieuse et philosophique qui ne peuvent justifier des activités illégales ;

qu’il ne peut être fait reproche aux journalistes d’avoir fait état des convictions religieuses et philosophiques des demandeurs et de la majorité des dirigeants de l’association dans la mesure où l’Eglise défendant ses convictions avait des pratiques interdites d’escroqueries et de manipulations psychologiques (...) "

Dans cette affaire, des administrateurs de l’A.S.B.L. " Episode ", dont certains membres faisaient partie de l’Eglise de Scientologie, poursuivaient sur pied de l’article 1382 du Code civil, Gérard Rogge et la RTBF solidairement d’une part, Thierry De Meulenaer et SA Le Vif Magazine solidairement d’autre part, à réparer le dommage qu’ils estimaient avoir subi en raison des fautes imputées aux premiers par la diffusion le 8 décembre 1985 de l’émis-sion télévisée " Au nom de la loi ", et aux seconds par la publication dans l’hebdomadaire " Le Vif " n o 104 du 14 février 1985 d’un article intitulé " Organisations au-dessus de tout soupçon " couvrant les pages 144 à 149.

Toutefois, dans ses conclusions, le Tribunal a estimé quant au fond " qu’en suscitant chez le téléspectateur ou le lecteur normalement attentif une analyse sans nuance entre, d’une part, les demandeurs (A.S.B.L. " Episode ") et, d’autre part, les activités frauduleuses et dangereuses prouvées présidant l’Eglise de Scientologie, les défendeurs ont inutilement porté atteinte à leur réputation ". Il a ordonné la diffusion/publication du jugement.

Ailleurs en Europe, l’Eglise de Scientologie a également fait l’objet de condamnations, voire d’interdictions.

C’est ainsi qu’en janvier de cette année, la cour d’appel de Milan a condamné 29 adeptes de l’Eglise de Scientologie italienne à des peines allant de neuf mois à près de deux ans de prison pour " association de malfaiteurs ".

A cette même époque, des juges grecs ordonnaient la dissolution du Kephe, branche grecque de l’Eglise de Scientologie.

Un jugement prononcé le 9 juin 1994 par le tribunal de commerce de Paris a ordonné, à la demande de l’administration fiscale, une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de l’Eglise de Scientologie, estimant que ses activités n’étaient pas celles d’une association sans but lucratif mais relevaient bien d’activités commerciales justifiant le paiement de l’impôt sur la TVA et de l’impôt sur les bénéfices

D’autres organisations sectaires ont également fait l’objet de condamnations de par le monde. En voici, à titre exemplatif, un aperçu succinct :

KRISHNA

17 juni 1983 (USA) : Un jury d’Orange County (Californie) condamne l’organisation à payer 32,5 millions de dollars à une mère et à sa fille pour séquestration de mineure, diffamation envers les parents et leur fille, détresse morale et la mort du père, à la suite des efforts épuisants consentis pour retrouver sa fille.

Ce montant fut ensuite réduit à plusieurs reprises, dans la mesure où la fille n’aurait pas été emmenée par les adeptes de Krishna contre son gré et que selon une nouvelle loi appliquée rétroactivement, il appartiendrait désormais aux plaignants de fournir la preuve que les amendes et dommages ne ruineraient pas entièrement les condamnés ...

MOON

16 juillet 1982 (USA) : Un tribunal de New-York reconnaît M. Moon et son comptable coupables de " conspiration " (association en vue de délits, fraude fiscale, falsification de pièces comptables, parjure). M. Moon est condamné à 18 mois de prison ferme et 25 000 dollars d’amende, son adjoint à une peine plus légère. La cour d’appel maintiendra les condamnations et la cour suprême refusera le pourvoi.

21 avril 1986 (France) : La 11 e chambre correctionnelle de Paris condamne le Président de l’Association pour l’Unification du Christianisme Mondial à dix-huit mois de prison avec sursis et 100 000 francs d’amende pour non-déclaration de revenus et fraude fiscale, et son frère, vice-président de l’association, à quatre mois de prison avec sursis et 10 000 francs d’amende pour les mêmes faits.

En appel, les condamnations seront maintenues mais les amendes diminuées. La Cour de Cassation rejettera les pourvois.

SAHAYA YOGA

16 juillet 1992 (France) : Suite à une action menée par les grands-parents, le tribunal correctionnel de Rennes condamne les parents du petit Yoann à trois mois de prison avec sursis pour abandon de famille. L’enfant avait été envoyé à l’âge de huit ans à Dharamsala (Inde) pour y suivre les cours dans l’école du mouvement.

Le jugement sera confirmé en appel en février 1993.

D’autres jugements rendus par des juges français et allemands vont également dans ce sens.

Il faut toutefois signaler qu’en Autriche, un jugement rendu le 19 juillet 1995 par le tribunal de district de Sankt Pölten a certes obligé une mère à retirer son enfant de l’école de Dharamsala pour le remettre dans une école autrichienne mais l’a autorisée à continuer à l’éduquer dans l’esprit de Sahaja Yoga.

En appel, ce premier jugement a été confirmé par le Haut Tribunal de la République autrichienne à Vienne le 30 janvier 1996, accompagné de remarques concernant le libre choix de l’école.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be