Un premier problème majeur se pose quant à l’organisation juridique des organisations sectaires. La très grande majorité d’entre elles sont organisées dans la forme juridique d’une association, généralement une association sans but lucratif. Le choix de cette structure s’explique par sa souplesse et sa facilité de constitution comme de dissolution. En cas de risque de poursuites judiciaires, une telle association peut en effet se dissoudre pour renaître sous une autre dénomination. Suivant une pratique devenue habituelle, certaines A.S.B.L. se contentent de publier uniquement l’identité de leurs membres, formant en quelque sorte le noyau directeur de l’association. Ainsi, il n’est pas rare de constater que l’on constitue une A.S.B.L. de quelques membres pour gérer, en prête nom, le patrimoine immobilier de la secte et recevoir les dons et les legs des membres faits à une association dont les pratiques restent par ailleurs largement confidentielles.

A cet égard, il est évident que les dispositions prises par la loi du 27 juin 1921 accordant la personnalité civile aux A.S.B.L. se révèlent insuffisantes.

La mission de surveillance et d’action que l’article 18 de cette loi confie au ministère public ne donne souvent lieu qu’à des vérifications trop sommaires que pour être efficaces. Ainsi, personne n’avait relevé que plusieurs fondateurs des A.S.B.L. constituées en Belgique par le groupe Ecoovie mentionnaient des noms d’emprunt.

Concernant les libertés individuelles des membres, d’importantes difficultés ont notamment été signalées en matière de droit familial.

Ainsi, il semble qu’un certain nombre d’associations sectaires invitent, voire obligent leurs adeptes à se marier avec une personne membre de leur propre mouvement. L’absence totale de consentement, qui, conformément à l’article 146 du Code civil pourrait être invoquée par chacune des deux parties et entraîner la nullité absolue du mariage, est toutefois difficile à prouver. Cependant, dans certains cas, les adeptes ont souvent perdu toute forme de libre arbitre et d’esprit critique suite aux techniques de manipulation utilisées par les dirigeants.

A l’inverse, il a à maintes reprises été constaté que l’adhésion à un mouvement sectaire entraîne une rupture de l’adepte avec son milieu familial. Il n’est pas rare que les dirigeants d’une secte obligent leurs membres à divorcer lorsque leur conjoint refuse d’adhérer à l’organisation en question.

Se pose alors bien souvent le problème de l’attribution du droit de garde des enfants (articles 1280 du Code judiciaire et 302 du Code civil). Trop souvent encore le pouvoir judiciaire (et les services chargés de l’enquête sociale) semblent minimiser les conséquences pour l’enfant de la dépendance sectaire de ses parents ou de l’un d’eux, voire même d’autres membres de son entourage immédiat.

Si le droit de garde est confié au parent membre d’une organisation sectaire, le mineur d’âge se verra soumis à une dépendance, tant matérielle que mentale, pouvant conduire à une transformation profonde de sa personnalité, d’autant plus facile à provoquer que celle-ci est encore loin d’être affirmée. Sans compter la rupture des liens familiaux et d’amitié, le repli sur soi, une éventuelle interruption de la formation scolaire, voire même des atteintes à la santé et à l’intégrité physiques de l’enfant (voir point D.) ci-dessous).

La dépendance sectaire des parents peut également conduire ceux-ci à se désintéresser de leur enfant, à ne pas entretenir avec lui les relations affectives nécessaires à son épanouissement, et ainsi à négliger gravement l’exercice de leur autorité parentale (article 370bis, § 2, du Code civil). Des mesures de protection des mineurs peuvent alors s’imposer (cf. article 29 et suivants de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse) et éventuellement conduire à une déchéance totale ou partielle de l’autorité parentale (articles 32 à 34 de ladite loi). Ainsi, il est arrivé à plusieurs reprises que le tribunal de la jeunesse retire provisoirement l’autorité parentale à une personne adepte des Témoins de Jéhovah, lorsque celle-ci refuse de faire procéder à une transfusion sanguine alors que son enfant en éprouve le besoin urgent.

En matière d’adoption (article 343 et suivants du Code civil), il semble que certaines organisations sectaires (cf. notamment Sierra 21) incitent leurs adeptes à adopter des enfants sans que cette adoption soit forcément fondée sur de " justes motifs " ou présente des " avantages pour l’enfant qui en fait l’objet " (article 343 du Code civil).

Dans certains cas, on tente d’abuser les services chargés de l’enquête sociale, notamment quant à l’environnement et l’entourage futurs de l’enfant.

L’adoption devient ainsi un moyen de recruter un nouvel adepte, une manière de lier, voire d’affaiblir émotionnellement certains membres du groupe (menaces de soustraire l’enfant adopté à leur garde s’ils ne se soumettent pas à la volonté du gourou) ou encore à permettre aux dirigeants de la secte de s’approprier à terme l’héritage de ses adeptes.

Précisément, pour ce qui est des dispositions légales en matière patrimoniale, la commission a notamment pu établir, au cours de ses travaux, que de nombreuses associations sectaires exigent de leurs adeptes de très importantes contributions financières, les obligeant même parfois à se départir de biens immobiliers au profit du mouvement. De nombreux témoignages ont également fait état de captation doleuse d’héritages.

Dans certains cas, les dons faits à l’organisation sectaire peuvent être d’une importance telle qu’ils constituent une violation du droit à la réserve héréditaire (article 913 et suivants du Code civil). Certes, une donation ou un legs excédant la quotité disponible sera réductible à cette quotité lors de l’ouverture de la succession (article 920 et suivants du Code civil) mais moyennant un procès long, coûteux et dont l’issue n’est souvent pas certaine.

Pour faire face aux exigences financières de la secte (cours à prix exorbitant, thérapies, contributions diverses, ...), les dirigeants incitent parfois certains adeptes à signer des reconnaissances de dettes ou des chèques en blanc, ou encore à recourir à l’emprunt. La question se pose de savoir si, dans pareils cas, il ne faudrait pas tenter d’appliquer plus souvent les dispositions légales en matière de vice de consentement (article 1109 et suivants du Code civil).

Enfin, le financement des cours et autres services offerts par certaines organisations sectaires s’effectuant souvent par anticipation, il n’est pas rare que des litiges d’ordre patrimonial naissent au moment où l’adepte revendique la restitution partielle ou totale des sommes versées, soit parce qu’il estime avoir été grugé, soit parce qu’il souhaite renoncer à son engagement après avoir pris connaissance du contenu ou de la réelle identité du mouvement.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be