Les conflits dont a été le théâtre l’Amérique centrale depuis le début des années 1980, en particulier au Salvador, au Nicaragua (avec des prolongements au Honduras et au Costa Rica) et au Panama, ont très tôt conféré une dimension géopolitique au trafic des drogues dans la région. Les services secrets des Etats-Unis ont, soit fermé les yeux lorsque leurs alliés étaient impliqués, soit directement favorisé les trafics. La situation géographique de l’Amérique centrale, pont entre le principal pays producteur-exportateur (la Colombie) et le pays à partir duquel est investi le marché américain (le Mexique), en a fait tout naturellement une zone de trafic de transit intense, en particulier de cocaïne colombienne. Près de 20 tonnes de cette drogue ont été saisies en 1996 dans les 5 pays de la région, soit le double de l’année précédente. Elle est aussi devenue un espace servant d’entrepôt et de conditionnement des chargements de cocaïne à destination de l’Europe. Par exemple, 10 kilogrammes de cocaïne en provenance du Panama, dissimulés dans de boîtes de disques compacts, ont été saisis au Portugal, en octobre 1996. La drogue était destinée au marché anglais. Des expéditions pour l’Europe ont été également saisies au départ du Costa Rica. On peut noter aussi l’importance qu’a pris le trafic maritime, même si les voies terrestres et aériennes sont encore largement utilisées. Par exemple, l’arrestation au Panama en 1996 du Colombien José Castrillón Henao a permis, entre autre, le démantèlement d’un réseau de transport maritime de cocaïne du cartel de Cali ayant des connexions en Colombie, Equateur, Panama, Costa Rica et Mexique. Ce réseau utilisait des bateaux de pêche et des vedettes (32 embarcations saisies). Le transit de l’héroïne, bien qu’en progression (41,5 kg saisis dans la région en 1996), n’est pas encore très important. Parallèlement, l’Amérique centrale continue d’apparaître comme un haut lieu du blanchiment de l’argent sale. Enfin, les liens entre le monde politique, les militaires et les narcoactivités deviennent de plus en plus évidents. Au Panama, l’affaire Castrillón a été prolongée par un scandale impliquant le Parti révolutionnaire démocratique, au pouvoir, après les déclarations du Président Ernesto Pérez, sur le financement de sa campagne électorale en 1994, par José Castrillón. La criminalisation du politique dans la région inquiète plus d’un observateur, au point que l’on évoque à son sujet un processus de "colombianisation".