Présidence de M. Alain Tourret, Président

M. Séguéla est introduit.

M. le président lui rappelle que les dispositions relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du président, M. Séguéla prête serment.

M. Matthieu SÉGUÉLA : Mesdames, messieurs les députés, le passé que je pourrais évoquer concernant la MNEF, dont j’ai été administrateur et trésorier, est relativement récent. En effet, j’ai assisté à mon premier conseil d’administration en tant que trésorier le 17 décembre 1996 et mon dernier conseil, toujours en qualité de trésorier a eu lieu le 2 juillet 1998. J’ai été coopté au bureau national en tant que trésorier et au conseil d’administration en tant qu’administrateur le 24 septembre 1996, ce qui correspond à un mandat d’un peu plus d’un an et demi au poste de trésorier national et au conseil d’administration de la MNEF. J’ai remplacé à ce poste Laurent Dornic, qui était trésorier depuis environ six ans.

Mon parcours à la MNEF est plus ancien. J’ai été président de la section locale Montpellier-Nîmes dans les années 90 et je suis devenu délégué national à l’action humanitaire, aux solidarités et aux étudiants étrangers, de manière permanente, au siège de la MNEF de septembre 1995 à septembre 1996.C’est à ce moment-là que j’ai perçu une première rémunération de la MNEF en qualité de salarié de la mutuelle. J’avais signé un contrat à durée déterminée correspondant à 4 000 francs nets par mois. Précédemment, mes activités de président de section étaient bénévoles. Lorsque j’étais délégué national de la MNEF aux fonctions citées, je n’étais pas membre du conseil d’administration, puisque j’étais salarié et qu’un salarié ne peut être membre du conseil d’administration. Je n’étais pas rattaché à ce conseil d’administration ; en tant que salarié, je dépendais du directeur général, Olivier Spithakis.

Le rôle d’un délégué national est comparable à celui d’un élu national, d’un administrateur, sauf que j’étais salarié. Nous étions cinq délégués nationaux, coordonnés par une déléguée générale, elle-même étudiante et salariée, Anne Danière, mais nous n’entretenions aucun contact avec le conseil d’administration, si ce n’est avec le secrétaire général, Éric Martinez.

Nous entreprenions des actions de prévention-santé sur les campus et irriguions le réseau des six cents élus locaux de la mutuelle d’informations et de formations, mais nous n’étions pas directement concernés par la gestion de la mutuelle. Cette différence est importante, car l’on trouvait, d’un côté, des élus de section - 600 répartis dans une trentaine de sections locales - et, de l’autre, une assemblée générale nationale de la MNEF, composée de très peu d’élus locaux ; peu d’élus mutualistes intégraient en fait le conseil d’administration, lequel n’était pas, à ce titre, représentatif des forces vives de la mutuelle étudiante, c’est-à-dire des mutualistes du terrain.

En septembre 1996, j’ai signé un nouveau contrat à durée déterminée de six mois pour poursuivre mon travail de délégué à l’action humanitaire. Il me fut alors proposé par le secrétaire général et par le directeur général de remplacer Laurent Dornic, trésorier, qui démissionna pour des raisons non expliquées à ce moment-là et restées inexpliquées jusqu’à ce jour.

Je l’ai donc remplacé pour un intérim qui devait durer quelques mois avant la nomination d’une autre trésorière, Laurence Pedinielli, qui, dès le mois de septembre, fut nommée trésorière adjointe.

Cette nouvelle de la démission du trésorier m’étonna. La proposition qui me fut faite de prendre ce poste m’étonna aussi. Ma formation universitaire n’est pas du tout celle d’un économiste, encore moins celle d’un financier. Je l’acceptais toutefois, parce que je me trouvais à l’époque plus dans un rapport de salariat avec le directeur général - j’étais toujours salarié de la MNEF - et parce que l’accès aux fonctions d’administrateur de la MNEF représentait quelque chose d’important pour un élu de terrain comme moi. J’avais envie d’accéder à ce poste, en espérant pouvoir faire plus et mieux dans le cadre de mes activités.

Les fonctions de trésorier me furent alors expliquées. Elles consistaient à présenter le rapport financier 1995-1996 de mon prédécesseur, devant le conseil d’administration, à présenter en avril 1997 un budget prévisionnel. Lors des réunions du bureau national, il s’agissait de voter des décisions présentées par la présidente ou le directeur général qui allaient ensuite être ratifiées par le conseil d’administration et par l’assemblée générale nationale. Il s’agissait donc d’un travail de trésorier du conseil d’administration, extrêmement limité. Je voyais très bien, de l’intérieur, que la réalité du pouvoir était concentrée dans les mains de ce que j’appelais "la technostructure", autrement dit la direction générale, le directeur général. Et encore n’avais-je pas tout perçu de cette mainmise sur le conseil d’administration !

Je suis donc entré au bureau national, où j’ai retrouvé Marie-Dominique Linale, alors présidente depuis trois ans, Éric Martinez, secrétaire général depuis neuf ans, Laurence Pedinielli, trésorière adjointe, et Sylvie Andrieux, à l’époque vice-présidente de la MNEF.

La présentation que j’ai faite du rôle du trésorier peut vous paraître minimale, mais c’est celle qui me fut présentée. Dans la réalité, elle était plus minime encore ! Les délégations de signature avaient été faites par mon prédécesseur au directeur général et au directeur administratif et financier : nous étions là dans un abandon de la gestion à la technostructure.

Le conseil d’administration se réunissait relativement peu, en moyenne une fois tous les trois mois, tout comme le bureau national. Un organisme, la commission permanente, tenait lieu de bureau national. Elle se réunissait tous les mardis. Elle était composée, suivant les textes, pour moitié d’élus étudiants, pour l’autre moitié de salariés, selon un accord entre le directeur général et la présidente. Lorsque je suis entré à la commission permanente, j’ai découvert qu’il n’y avait que deux étudiants - la déléguée générale, certes étudiante, mais salariée, le secrétaire général n’était plus étudiant, mais personnalité qualifiée, les autres personnes étant essentiellement des salariés, des cadres, des attachés de la direction générale, autrement dit des personnes que l’on peut considérer comme proches du directeur général. C’est dans ce cadre que l’ensemble des décisions étaient prises - et ce toujours dans le sens voulu par le directeur général, puisqu’il avait une majorité écrasante. Et encore ne s’agissait-il pas de rapports de force élus, étudiants contre direction générale : il était seul à mener le débat, la présidente n’assistant même pas aux réunions de la commission permanente ! J’étais le seul élu étudiant parmi quinze personnes.

La commission décidait de tout ce qui concernait la MNEF. Une autre commission existait : le comité exécutif filiales qui s’occupait des filiales, au sein duquel je ne fus pas autorisé à siéger pendant l’année et demie qu’ont duré mes fonctions de trésorier tout, comme je n’appartenais pas à la commission exécutive, et comme - ce qui peut paraître étonnant et ce qui m’a étonné - je n’étais pas représentant de la MNEF dans les filiales, dans l’Union d’économie sociale Saint-Michel ou dans Raspail Participations et Développement. C’était le domaine réservé de la présidente ou du secrétaire général, mais surtout celui du directeur général. Le lien avec les filiales était donc assez lointain pour moi.

Au cours des bureaux nationaux auxquels j’assistais, la présidente du conseil d’administration demandait des apports en comptes courants rémunérés pour alimenter les filiales. Renseignements pris, il est normal de rémunérer les apports. Il ne s’agissait que d’apports qui remontaient ensuite à la MNEF sous forme de remboursements. La présidente présentait donc ce dossier ; parfois le directeur général ou le directeur administratif et financier venait l’expliciter, mais il ne s’agissait pas directement de la MNEF. Cette partie échappait au contrôle des élus en général, même si deux élus, Melle Linale et M. Martinez, représentants de la MNEF, appartenaient à ces structures.

Jusqu’en juin 1997 - le mois de juin 1997 voit le renouvellement de l’assemblée générale et du conseil d’administration -, j’ai mené cette mission, relativement légère, de trésorier, en conduisant parallèlement mes activités de militant mutualiste, descendant sur le terrain pour recréer des sections MNEF et entretenant ainsi un réseau d’étudiants, ce qui s’était un peu perdu, dans la mesure où l’on ne voyait jamais un administrateur de la MNEF se rendre sur le terrain. En général, les administrateurs n’étaient pas eux-mêmes issus du terrain. J’étais donc un peu l’exception, ce qui me permettait de reconstituer, petit à petit, le réseau d’élus étudiants. A la rentrée 1997, le directeur général, qui était le principal interlocuteur - c’est lui qui venait expliquer les choses devant les étudiants, c’est lui qui faisait la pluie et le beau temps aux réunions du bureau national tout comme il menait les débats au conseil d’administration, la présidente jouant un rôle d’approbation - nous apprend qu’un contrôle de la Cour des comptes doit avoir lieu et qu’elle va envoyer deux magistrats. Il m’explique qu’il va me maintenir dans mon poste de trésorier pour une raison de stabilité apparente, de visibilité extérieure et aussi parce que j’étais l’un des rares étudiants parisiens à être de manière permanente au siège, à être véritablement militant, véritablement étudiant, et surtout ne résidant pas dans une région située en dessous de la Loire.

J’ai été maintenu dans mes fonctions, parce que, pendant dix mois, j’avais assisté à un conseil d’administration qui approuvait à l’unanimité tout ce qui était proposé. Il y avait très peu de débats mais tout semblait bien géré. En ce sens, peut-être avais-je été un bon trésorier. En revanche, j’étais en désaccord sur le poids minimum des élus étudiants que l’on ne retrouvait à aucun poste de responsabilité et, en tout cas, que l’on ne voyait guère sur le terrain. Je marquais un profond désaccord et, avec des élus de terrain, nous commencions à voir le problème. Nous ne pouvions l’étudier avec les élus nationaux, eux-mêmes partisans du système. Ils l’explicitaient d’ailleurs parfaitement : il fallait que la MNEF ait une sorte de Sénat - le conseil d’administration - où les décisions puissent passer tranquillement sans les heurts ou les confrontations étudiantes qui auraient mis la MNEF en péril comme elle l’avait été dans les années 80.

Voilà donc une gestion de la MNEF qui n’était critiquée par personne à l’époque. Les tutelles n’avaient rien à redire, d’après les informations qui étaient les miennes. Le commissaire aux comptes validait les comptes, la commission de contrôle également et, le directeur administratif et financier, récemment nommé, M. Michel Hautekiet, réalisait un bon travail de gestion.

Tel est le panorama que je puis brosser.

La première alerte que j’ai eue dans ce système bien huilé, assez paternaliste, fut donnée par l’enquête du " Canard Enchaîné " qui a mis le directeur général, Olivier Spithakis, dans un état de fébrilité très grande. Une commission permanente extraordinaire s’est réunie pour trouver le meilleur moyen d’éviter de répondre aux questions du journaliste. J’ai pris une position contraire, demandant à ce qu’il soit reçu et que l’on sorte les cadavres des placards, si cadavres il y avait. De ce jour, une défiance est née entre le directeur général et moi-même, car j’avais commencé à me poser publiquement des questions, toutefois de manière très large, car je ne disposais d’aucun élément pour étayer une suspicion quelconque. C’est la crainte qu’il exprima qui suscita chez moi interrogation.

Sa défiance s’est manifestée très concrètement. Au mois de novembre 1997, la MNEF a connu son XXXIVe congrès. Alors que j’étais trésorier, je n’apparaissais même pas dans le programme ! Je fus écarté du réseau étudiant - je n’étais plus habilité à présider les assemblées générales, ni à reconstituer le réseau étudiant, à voir donc un réseau qui serait plus proche ou plus critique. Pour le reste, ce fut une mise à l’écart des étudiants, localement ou parmi les délégués nationaux proches de moi ou habités d’un esprit quelque peu critique ou qui, parce qu’ils avaient une formation politique, essayaient de voir les choses autrement que de manière totalement béni oui-oui.

Ce climat de défiance s’est installé entre Spithakis et moi. Cela s’est traduit par la nomination d’un nouveau délégué général chargé des élus étudiants, Erwan Trividic, salarié, aux ordres du directeur général. Et mon rôle de trésorier, déjà limité, s’en est trouvé plus limité encore. En tant qu’administrateur, je fus mis dans un placard doré, mais placard tout de même.

J’ai proposé des réformes de fond à la présidente, sachant que tout remontait à Olivier Spithakis. En février 1998, j’ai avancé des propositions de réformes qui ne furent pas acceptées. J’ai envisagé, un temps, d’utiliser mes prérogatives de trésorier, pour essayer d’imposer ces réformes. Quelles étaient ces prérogatives ? Le retrait de délégations de signature au directeur général et aux cadres qui lui étaient associés. Lorsque je me suis renseigné auprès du directeur administratif et financier pour engager la procédure, il m’en a dissuadé. Cette mesure, m’a-t-il dit, aurait créé vis-à-vis des partenaires et des banques de la MNEF, un profond malaise et je risquais, a-t-il ajouté, de mettre la structure en péril. Dans la mesure où mon conflit était politique, j’ai décidé de le régler de manière politique en rédigeant un premier texte, que j’ai présenté, le 2 avril, qui s’intitulait, de manière historique et ironique, Le manifeste des cents fleurs, puisque nous pressentions que l’espace de liberté que nous souhaitions voir s’ouvrir, allait rapidement se refermer et que nous allions, à la manière chinoise, finir en étant éliminés. Cela se serait passé si la presse n’était intervenue avec un article de " Libération " le 6 avril et avec, entre-temps, un événement qui nous a profondément choqués en tant qu’élus mutualistes : un accord a été passé entre la présidente de la MNEF et le président de l’UNEF-ID, lequel faisait entrer dans le conseil d’administration et dans le bureau national des syndicalistes de l’UNEF-ID qui n’avaient pas de légitimité mutualiste. Avec mes partisans, nous nous sommes finalement retrouvés coincés entre l’UNEF-ID et Olivier Spithakis, face à un accord de gestion passé entre eux. Cette manipulation fut voulue par le directeur général qui commençait à craindre les attaques à venir de " Libération " ; celles du " Canard Enchaîné " n’avaient produit que peu de dégâts - c’est le moins que l’on puisse dire.

Nous avons dénoncé la manipulation et cette collusion UNEF-ID/Spithakis. En tant que membre du bureau national, je n’ai été informé que par la presse du fait que la MNEF accueillait soudainement des militants syndicaux dans ses rangs. Cela m’a choqué, mais j’ai compris, davantage encore, les limites du pouvoir des étudiants. Le bras de fer s’est alors véritablement amorcé, en ce sens que j’ai menacé de publier le Manifeste des cents fleurs et de donner une interview à " Libération " qui avait déjà révélé un certain nombre de faits graves, que j’ignorais, car ils concernaient les filiales ou remontaient à un passé que je n’avais personnellement pas connu.

Au terme de ce bras de fer interne à la MNEF, j’ai obtenu qu’un débat soit ouvert avec possibilité de contributions, que les sections soient toutes renouvelées là où j’avais potentiellement des partisans et que je sois maintenu dans mon poste, puisque, le 24 avril, une assemblée générale devait en principe m’écarter du bureau national au profit de Laurence Pedinielli.

J’en finis avec la contribution que nous avons produite au printemps 1998 : la contribution " Changer ". Elle figurait parmi trois autres, les deux autres étant celle de l’UNEF-ID et une émanant de la direction générale qui ne proposaient ou ne dénonçaient rien.

Notre texte mettait en exergue l’ensemble des dysfonctionnements de la MNEF que j’avais pu observer de près, constater et contester. Ce faisant, nous avons présenté un texte, que d’aucuns ont jugé dur. Il l’était tant il est vrai que la situation était anormale.

Les journaux Libération et Le Monde ont repris ce document qui dénonçait l’Association les amis de la MNEF. Nous étions les premiers à en parler. L’association était alors véritablement un verrou de la MNEF, mais, de toute façon, tout le système était verrouillé, puisque beaucoup d’anciens élus étaient devenus salariés et c’est par ce moyen que le directeur général arrivait à tenir tout le monde avec la promesse d’un emploi à l’issue du mandat. Sachant que beaucoup de ces élus s’étaient fortement investis dans la mutuelle et s’étaient donc éloignés de leur cursus universitaire.

Ma contribution fut envoyée à la Cour des comptes pour information à qui j’ai demandé que me soient remises les conclusions du pré-rapport sur la MNEF lors de sa publication, pour que nous puissions apporter notre vision. Il m’a été indiqué, par courrier, que ce n’était pas possible.

Sur le plan médiatique, nous avons continué à faire monter la pression sur Olivier Spithakis et le 22 juin celui-ci a annoncé sa démission face à l’opposition interne et pour d’autres raisons. Je ne nous attribuerai pas, à mes amis élus et à moi même, le seul mérite de cette démission, mais nous avons participé au déverrouillage. Il n’en reste pas moins que le directeur général, le 22 juin, en même temps qu’il annonçait sa démission, précisait qu’il resterait jusqu’au prochain renouvellement du conseil d’administration. Des élections furent en effet annoncées alors de manière unilatérale. Au cours de la dernière discussion que j’ai pu avoir avec Olivier Spithakis, celui-ci m’a expliqué très froidement et avec beaucoup de cynisme que ces élections seraient faites pour donner la MNEF à l’UNEF-ID, qu’il avait contracté un accord politique avec Pouria Amirshahi et que, de toute façon, nous n’arriverions à rien, car nous n’étions pas une force constituée. Ce fut en effet le cas, puisque les dés étaient pipés.

A partir de l’été, nous avons demandé la mise sous tutelle de la MNEF, ce que nous avons fait publiquement au mois de septembre avec quinze présidents de section, le réseau qui pouvait partager mes idées. Nous avons également écrit au cabinet de Mme Martine Aubry pour dénoncer le processus électoral en cours, qui n’était pas - nous le contestons d’ailleurs toujours - un processus mutualiste ; il était imaginé pour donner les clefs de la maison le plus rapidement à une force syndicale, mais quelque peu politique également, avec laquelle un accord avait été passé au préalable.

La mise sous tutelle ne fut pas obtenue. Je le regrette, car c’était le seul moyen de tranquilliser les salariés, de redonner un signe fort à nos adhérents, de nettoyer la maison et les filiales et de connaître, grâce à un administrateur provisoire, les dessous de la MNEF et de ses filiales.

Ce qui se passe actuellement continue de me donner raison sur la poursuite du système. A l’instar de ce qui s’est passé il y a vingt ans quand une équipe de syndicalistes avait pris le contrôle de la mutuelle, aujourd’hui, une équipe de syndicalistes finissants, a pris le contrôle d’une mutuelle pour entamer une carrière mutualiste. Je le regrette vraiment pour la MNEF et pour l’idéal mutualiste. Ce n’est pas ce que nous voulions. Je regrette tout autant - vous pouvez l’imaginer facilement - d’avoir été abusé par un directeur général que je ne qualifierai donc pas d’honnête et d’avoir découvert certains faits. La justice fera son œuvre. Mais ce qui m’inquiète c’est le devenir de cette Mutuelle Nationale des Étudiants de France, pour laquelle j’ai investi beaucoup de mes années universitaires. J’espère que nous arriverons à faire quelque chose dans un proche avenir, car nous continuerons à nous battre avec les moyens dont nous disposons, c’est-à-dire plus beaucoup, contre la nouvelle direction.

Voilà ce que je puis dire de la MNEF, de mon parcours militant, de mes prises de position. J’ai amené des documents que je laisserai à votre disposition et qui étayent mes propos.

Pour finir sur la mutualité étudiante, avec mes amis élus, nous nous interrogeons, comme le fait la Cour des comptes, sur l’existence d’un système concurrentiel entre les mutuelles d’étudiants, alors que l’affiliation est obligatoire. Je me pose des questions sur la MNEF, qui compte 800 000 affiliés, mais seulement 180 000 adhérents, et sur la démutualisation des étudiants. Les efforts sont insuffisants, en direction des étudiants et de la jeunesse en général, car, de mon point de vue, le problème ne se porte plus aujourd’hui sur les seuls étudiants, catégorie plutôt privilégiée qui, en général, se soigne bien, mais sur la jeunesse. Si l’on considère la mise en place de la CMU qui, peut-être, pourra profiter à des étudiants dont le revenu sera inférieur à moins de 3 500 francs s’ils ne sont pas rattachés fiscalement au foyer parental, j’observe que la mutualité étudiante et la MNEF prennent une position très conservatrice, demandant que les étudiants ne soient pas inclus dans la CMU, refusant ainsi toutes améliorations par volonté de conserver leur chasse gardée. C’est une gestion qui deviendra inégalitaire si n’émanent pas du milieu étudiant des propositions de réforme. Aujourd’hui, il n’y en a aucune. La nouvelle direction de la MNEF préconise d’augmenter à nouveau le montant des remises de gestion. Voilà quelque chose d’assez étonnant.

Notre critique continuera à s’exprimer par des textes et par la parole, par les actions juridiques que nous pourrons mener pour dénoncer la mainmise sur une mutuelle nationale des étudiants.

M. le Président : Je vous remercie de vos propos introductifs qui ont le mérite d’être clairs.

Lorsque vous étiez trésorier, il semble que la MNEF n’observait pas les règles imposées par le code de la mutualité et qu’à la clôture de l’exercice 1995-1996 le ratio de liquidité était de 0,39 au lieu de 1, en raison en particulier des apports et avances en comptes courants réalisés par la MNEF à l’UES Saint-Michel.

En qualité de trésorier, étiez-vous au courant de cette situation financière - ou était-ce réservé au directeur général - qui pouvait mettre ou qui a mis en péril les intérêts des adhérents ?

Qui décidait d’effectuer ces versements ? Y avait-il double signature des décisions du conseil d’administration ? Qu’avez-vous fait, en tant que trésorier, pour vous y opposer ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : En effet, le ratio prudentiel en 1995-1996 ne fut pas atteint, mais je précise que je suis arrivé à la fin de l’exercice.

Il m’a été donné de présenter, pour l’exercice 1996-1997, des comptes en équilibre pour la première fois, et avec des ratios respectés, puisque les réserves de liquidité atteintes depuis 1993 étaient toujours là. Nous avions même, par la cession de parts dans une filiale de la MNEF, ramené de l’argent dans les caisses. Voilà donc ce que j’ai présenté au conseil d’administration et qui m’avait, au préalable, été présenté par la présidente, par le directeur général, le directeur administratif et financier. J’avais davantage l’impression que la MNEF était dans une situation qui s’améliorait, ce qui, stricto sensu, était exact du point de vue des écritures, plutôt qu’en dégradation. Je vous rejoins totalement, en ce sens que l’amélioration aurait pu être bien meilleure, si tout l’argent avait été investi dans la mutuelle et non pas dans les filiales et la diversification, dont, je le précise, je n’ai pas été l’inspirateur ni non plus le maître d’oeuvre, car je suis arrivé au poste de trésorier alors que l’UES Saint-Michel et Raspail Participations et Développement existaient. Si, comme les salariés, j’ai été tenu au courant de la vente à Vivendi d’une partie des parts, j’ignorais totalement le nom de l’avocat qui avait servi d’intermédiaire et comme les administrateurs et le bureau national, j’avais été tenu à l’écart de tous les débats préalables.

La MNEF n’était pas dans le rouge lorsque j’étais trésorier national. Elle se présentait même sous de bons jours. J’en ai obtenu la confirmation, non pas par le directeur général, mais par le directeur administratif et financier, M. Michel Hautekiet, qui venait de la société Bata, qui était neuf pourrait-on dire, qui m’inspirait confiance et qui m’inspire toujours confiance, lequel m’a indiqué que les choses allaient mieux. Je l’ai cru. Pourquoi ne pas le croire ?

M. le Président : Qui décidait d’effectuer les versements ? Y avait-il une double signature ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : C’était la présidente qui décidait d’engager des versements - conformément aux statuts de la MNEF - mais j’ignorais tout de leur devenir quand ils allaient dans les filiales. Il m’a simplement été expliqué qu’en prenant le poste de trésorier, il fallait faire une délégation de signature au directeur général et au directeur administratif et financier, ce que j’ai fait. A partir de ce moment, je n’ai jamais signé le moindre document. La présidente proposait, ensuite cela remontait directement à la direction générale et financière. Voilà comment les choses se passaient.

M. le Président : J’ai entendu la sincérité de vos déclarations. Cela dit, trouviez-vous normal en tant que trésorier de ne rien signer ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : En effet, je me suis posé des questions. Ce qui était réservé à la signature du trésorier était le remboursement des déplacements des présidents de sections lorsqu’ils montaient à Paris. Il s’agissait de montants de l’ordre de 850 F ou 350 F. Le reste ne relevait pas de la signature du trésorier.

Pour le reste, il me fut expliqué que c’était la présidente qui était responsable et que c’était elle qui suivait les dossiers. Dès lors que l’on vous dit ça, que la commissaire aux comptes, Corinne Maillard, certifie que tout est normal, que le directeur administratif et financier vous dit la même chose, dans quelle mesure pouvez-vous être alerté ? Vous ne l’êtes pas, et je ne le fus pas au début - d’autant que personne n’a rien fait pour m’alerter !

Au surplus, lorsque la Commission de contrôle des mutuelles a étudié l’éventualité de mettre la MNEF sous tutelle, elle a considéré qu’il n’y avait pas d’irrégularités dans la gestion de la MNEF. Or, j’étais trésorier du conseil d’administration, et non trésorier des filiales, ni de l’UES Saint-Michel, ni de telle ou telle société.

M. le Président : Vous dites : " On nous dit que c’était régulier ". Qui se cache derrière ce " on " ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Il s’agit du directeur général, mais, aussi du directeur administratif et financier. Au début de l’année universitaire 1997-1998, après le congrès, j’ai même demandé à M. Hautekiet si des choses n’étaient pas claires. Il m’a assuré que non, que, peut-être, de ci, delà y avait-il quelques broutilles et qu’il y mettait bon ordre, mais que tout était, à son niveau comme à celui de la MNEF, " clean ", et que, si d’aventure, il lui était demandé de faire des choses contraires à sa morale, il refuserait de les faire. Il me l’a dit avec beaucoup de sincérité. Je l’ai cru et je crois qu’il était de bonne foi.

M. le Président : Vous présentiez le rapport annuel sur la situation financière de la mutuelle. Comment était-il préparé ? Vous demandait-on de le lire alors que vous n’y aviez pas été associé ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Le rapport était préparé par la direction administrative et financière. Il m’était ensuite soumis juste la veille du conseil d’administration et de l’assemblée générale. Je le découvrais avec le directeur administratif et financier qui m’expliquait tel ou tel point. Le lendemain, je le présentais au conseil d’administration, puis à l’assemblée.

M. le Président : On a l’impression que tout était parfaitement huilé. L’Assemblée générale entérinait des rapports qui étaient préparés par deux ou trois personnes avec le directeur général.

M. Matthieu SÉGUÉLA : Telle était la réalité. La MNEF compte cinq étages et tout venait du cinquième : les ordres, les contre ordres, les feux verts. Le directeur général était en fait " président directeur général " ! Dans la mesure où ce n’était pas possible s’agissant d’une mutuelle, il avait mis une femme lige, la présidente.

En tant qu’élu, dès lors que vous découvrez un tel système, vous êtes d’abord choqué par la non-représentativité d’un bureau national ou d’un conseil d’administration et surtout par le dysfonctionnement évident, terrain sur lequel je me suis battu.

Dans la contribution " Changer " ou dans mes propos à la presse, jusqu’à ce que nous découvrions au mois de septembre la transmission au Parquet, je n’avais pas les éléments du rapport de la Cour des comptes pour dire qu’untel avait fraudé, qu’untel avait détourné. Je ne le savais pas et si je l’avais fait, j’aurais été accusé de diffamations. J’ai écrit sur ce que je voyais et contestais.

M. le Président : Avec le recul, avez-vous des propositions à nous présenter ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Tout d’abord, il faudrait revenir à un centre unique d’affiliation au régime étudiant de sécurité sociale, ne plus le faire gérer par des mutuelles concurrentes. L’affiliation étant obligatoire en France, il n’est pas utile de mettre en concurrence des structures pour cette affiliation. Ensuite, il faudrait que les mutuelles étudiantes, aujourd’hui très dispersées, se réunifient - du moins s’unifient car elles n’ont jamais vraiment été réunies. Je pense aussi nécessaire de dépasser le strict plan des étudiants. Notre objectif vise la mutualisation et le suivi de la protection sociale de la jeunesse qui connaît des carences sanitaires plus graves que les étudiants. Dans une même famille, on trouvera une étudiante, un apprenti, un demandeur d’emploi. L’année suivante, les rôles seront inversés. La situation diffère de celle des années cinquante où un étudiant faisait ses humanités plusieurs années durant ; il était relativement aisé ou bénéficiait d’un système de bourse efficace. Nous sommes aujourd’hui dans un système qui a complètement explosé. Un étudiant à l’heure actuelle reste en moyenne deux ans à la faculté. Que fait-il avant, que fait-il après ? Qui assure sa protection sociale ? Lui-même ne le fait pas toujours. Sa demande d’indépendance étant plus grande, la famille ne s’occupe pas de sa couverture sociale ou n’y pense pas. Là sont les vrais problèmes.

M. le Président : Supposons qu’il n’y ait eu qu’une seule mutuelle : la MNEF. Cela eut-il empêché les dysfonctionnements que vous venez de nous indiquer ? A quoi étaient-ils dus ? A des structures institutionnelles inadaptées, à des manques de moyens de contrôle en amont et en aval ou s’agissait-il simplement d’un problème d’hommes ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Essentiellement c’est un problème de structures inadaptées parce que peu contrôlées. On parle beaucoup de la MNEF. On pourrait trouver dans nombre de mutuelles régionales des " petites MNEF " contrôlées par quelques hommes, qui ont été des élus étudiants, puis sont passés dans la " technostructure " de la mutuelle : des gens qui ont le temps pour eux. Lorsque l’on est étudiant, confronté à des examens, à un cursus universitaire à mener, on n’a pas beaucoup de temps à consacrer à l’animation ou à la gestion d’une mutuelle car il faut en sacrifier beaucoup. Les administratifs sont dans une position de force et c’est la même chose un peu partout. La MNEF a toujours constitué un modèle, pour les mutuelles régionales, qui se sont calquées sur cet exemple, parfois sur un mauvais exemple. Les assemblées générales d’étudiants sont volontairement rétrécies pour être contrôlées plus facilement avec un nombre d’élus qui, aujourd’hui comme demain, hier à la MNEF hélas, et dans les SMER, dira oui à tout.

Pour prendre le cas de la MNEF, celle-ci finançait l’UNEF-ID à hauteur d’un million et demi de francs, elle finançait la FAGE, c’est-à-dire les deux structures étudiantes qui auraient pu présenter des candidats et qui ne le faisaient pas. Les élections que j’ai eu à connaître à la MNEF étaient à liste unique. C’est pourquoi certains syndicats ont beau jeu aujourd’hui de dire que la mutuelle a été confisquée. Mais les syndicalistes étudiants n’ont jamais été animés de la volonté de s’investir et lorsqu’ils se sont investis, il faut voir de quelle façon ! On sait que les mutuelles sont la tirelire du monde étudiant. C’est ce qui permet de payer les petits boulots pendant trois mois, lors de la campagne de rentrée. Lors des campagnes de rentrée, lorsque les étudiants voient les stands de la MNEF ou de la SMEREP et assistent à une bataille de marchands du temple dans l’université pour ramener l’affilié, ils peuvent légitimement se demander où est la santé ? Elle a disparu. Je pense nécessaire de normaliser tout cela et surtout d’enclencher une grande réflexion sur le thème de la jeunesse, des structures qui la protègent et la soignent. Il faut dépasser le cadre des étudiants. J’espère que des initiatives seront engagées en ce sens. Du malheur de l’affaire MNEF peut sortir une réforme positive. Il n’en reste pas moins que je suis inquiet de constater les positions très conservatrices des dirigeants actuels de la MNEF. Le mal-être des étudiants existe, mais il faut arrêter de monter en épingle des cas de tuberculose, qui certes ont existé dans les cités universitaires, mais en très petit nombre. Les étudiants sont en bonne santé mais ils n’ont pas conscience de l’organisation de leur protection sociale. Pire ! Ils n’ont pas conscience de ce qu’est une mutuelle.

Les réformes statutaires figurant dans la motion " Changer ", que nous avons présentées, n’ont pas été adoptées par les nouveaux dirigeants de la MNEF et l’on peut craindre que tout recommence dans l’opacité.

En effet, quelle fut la première mesure prise par le nouveau conseil d’administration de la MNEF ? Une modification des statuts, pour empêcher désormais les présidents de section d’assister, même sans droit de vote, au conseil d’administration. Une telle mesure participe-t-elle de la transparence ? Certainement pas ! De la publicité des débats ? Certainement pas !

Le conseil d’administration compte dix-huit membres issus de l’UNEF-ID. En fait, un membre fait partie de l’UNEF, mais, dans la mesure où une réunification est en cours, un seul syndicat tient aujourd’hui la MNEF. Ce n’est plus la MNEF, mais la MNEF-ID. Cela nous inquiète, car le profil des dirigeants actuels de la MNEF est le même que celui d’il y a vingt ans.

Durant la première partie de mon audition, j’ai pris connaissance d’une nouvelle qui m’a réjouit. Nous avions entamé une procédure devant les tribunaux pour contester l’organisation des élections. Nous avons gagné devant le Tribunal de grande instance de Paris. La MNEF fera sans nul doute appel. Nous contestions un découpage électoral inique. Dans une mutuelle, il y a plusieurs assemblées générales locales pour voter. Lorsque la mutuelle n’est pas trop grande, on se réunit dans une salle. Quand elle est grande, le vote se fait par correspondance. En l’occurrence, le directeur général sortant, en accord avec le président de l’UNEF-ID, M. Pouria Amirshahi, avait imposé une réforme statutaire prévoyant une seule circonscription nationale de vote, une seule assemblée générale nationale pour que les étudiants votent une seule fois sur une seule liste, décidée par un bureau national. Le code de la mutualité imposant plusieurs sections de vote dans une mutuelle, il a été créé une seconde section de vote : celle des étudiants résidant à l’étranger, soit 1 253 étudiants, contre 180 000 étudiants résidant en France ! Voilà un découpage qui est passé, que le ministère a validé, lâchement, alors que nous avions écrit au cabinet de Mme Martine Aubry pour dénoncer le scandale en indiquant que, si une telle modification était validée, nous attaquerions devant les tribunaux, parce que l’esprit et la lettre du code de la mutualité étaient bafoués. C’est ce qu’a reconnu le tribunal. C’est grâce à ce découpage qu’un syndicat a pu prendre le contrôle d’une mutuelle. Cela a échoué temporairement. Si la nouvelle est confirmée, nous demanderons publiquement, dès ce soir, la mise sous tutelle de la MNEF, car il y a, depuis octobre dernier, une carence des autorités de tutelle et de la Commission de contrôle des mutuelles, qui n’a pas voulu nommer un administrateur provisoire. Tous les cadres de la MNEF sont restés, tous ceux dont le nom est cité dans les journaux sont restés à la MNEF ! Pire encore, une assemblée générale s’est réunie il y a deux semaines avec la nouvelle direction et le nouveau bureau national a proposé que soit réélue Mme Corinne Maillard commissaire aux comptes pour les six prochaines années ! Elle a été réélue. Je vous rappelle que Mme Corinne Maillard est commissaire aux comptes personnel de M. Olivier Spithakis et qu’elle est l’épouse de l’un des dirigeants historiques de la mutuelle. Le système continue

M. le Président : Le directeur n’est plus le même.

M. Matthieu SÉGUÉLA : Certes, mais ses cadres, ses hommes et ses méthodes sont restés. Voilà ce que nous dénonçons.

M. le Rapporteur : Je reviens sur les conditions qui vous ont vu accéder aux responsabilités de trésorier.

Le remplacement de M. Laurent Dornic par vous-même était-il lié à d’autres fonctions qu’il pouvait exercer dans d’autres structures ou est-il parti pour des raisons personnelles ? Disposez-vous d’éléments à ce sujet ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Il est, en apparence, parti pour des raisons personnelles. J’ai découvert ensuite qu’il occupait d’autres fonctions dans des mutuelles jumelles, notamment qu’il était trésorier de la MISEC, la mutuelle interprofessionnelle de Sud-Est et de Corse, qui, à l’époque où je suis devenu trésorier, fut mise en liquidation judiciaire. J’avance une interprétation : M. Olivier Spithakis a dû craindre que le trésorier de la MISEC ne soit mis en examen et qu’un lien soit fait avec ses fonctions de trésorier de la MNEF. M. Laurent Dornic est resté toutefois administrateur de la MNEF jusqu’au mois d’avril 1999 et a continué à percevoir la même indemnité. Il est au total resté administrateur huit ans.

Telle est aujourd’hui mon interprétation de sa démission subite. La MISEC était plus un satellite personnel de M. Spithakis mais ne concernait pas directement la MNEF.

M. le Rapporteur : Vous avez fait allusion au fait que vous étiez le seul à ne pas être issu des étudiants du sud de la Loire.

M. Matthieu SÉGUÉLA : J’aurais dû être plus précis. Je suis originaire de Montpellier mais quand j’ai été administrateur de la MNEF et membre du bureau, j’habitais Paris à la différence de tous les autres. Le directeur général est originaire de Nice et s’est installé ensuite à Marseille ; la vice-présidente, Sylvie Andrieux, est originaire de Marseille, la présidente Marie-Dominique Linale est une Corse de Marseille, et Laurence Pedinielli, la trésorière adjointe est toulonnaise. Aucun n’habite Paris, à l’exception du secrétaire général Eric Martinez qui a déménagé parce que, entre-temps, il a pris la direction à Paris d’une clinique de la Fondation santé des étudiants de France, organisme indépendant, mais où la MNEF comptait une représentation assez nombreuse. Olivier Spithakis s’est arrangé pour en prendre le contrôle, puisqu’il a été président de la FSEF. Aujourd’hui, il n’en est que vice-président en attendant de laisser passer l’orage. C’est du reste une structure très intéressante, puisque l’on y retrouve beaucoup de personnes qui sont encore à la MNEF. On retrouve même l’actuel délégué général de la MNEF, un étudiant, David Rousset, qui se retrouve membre du conseil d’administration de la FSEF. Autant d’éléments assez troublants.

M. le Rapporteur : Les statuts de la MNEF font allusion à plusieurs structures : l’association les amis de la MNEF que vous avez évoquée et aussi un comité consultatif. En tant que membre du conseil d’administration, avez-vous eu affaire à ce comité ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : J’ai rencontré une fois quatre ou cinq membres de ce comité consultatif, parmi lesquelles une ancienne sénatrice qui était présidente du comité, et Charles Leberre, un " grand ancien " de la mutualité étudiante. Je ne connaissais pas les autres membres. Mais il est certain que cela faisait partie du domaine réservé du directeur général et de l’ancien président, Dominique Lévêque, qui était en quelque sorte resté un président bis. Il a été président pendant sept ans, puis est devenu attaché de direction à la MNEF. C’était lui qui continuait à occuper le bureau de la présidente alors que cette dernière se contentait d’un petit bureau lorsqu’elle venait à Paris.

On a parlé de ce comité comme étant l’un des relais politique, médiatique, économique de M. Spithakis, toujours animé d’une volonté de s’entourer au maximum de personnes influentes.

Autre élément qui démontre le peu de pouvoir des élus : lors des rendez-vous que M. Spithakis a pu avoir avec des ministres ou des élus importants - je me souviens de M. Guy Drut, de M. Charles Millon, de M. François Bayrou, de M. Claude Allègre - il s’y rendait toujours seul. Pour au moins deux rendez-vous, il a refusé que je l’accompagne, me répondant que cela ne me concernait pas et qu’il allait parler avec ces personnes de tout autre chose que de la mutuelle alors qu’il allait les voir sous sa casquette mutualiste. Il a rencontré M. Guy Drut au moment où la MNEF devait rentrer dans Carte Jeunes SA. Il n’y avait jamais aucun élu étudiant. Beaucoup de personnes ont fini par croire qu’Olivier Spithakis était président de la MNEF, et certains articles de presse ont entretenu cette confusion.

M. le Rapporteur : Vous avez expliqué que la MNEF finançait les syndicats étudiants. Le rapport de la Cour des comptes fait en effet allusion à une subvention annuelle de l’ordre du million de francs en faveur de l’UNEF-ID. En revanche, le rapport ne fait référence ni à la FAGE ni à l’UNI que vous avez évoquées.

En tant que trésorier de la MNEF pouvez-vous expliciter les modalités de financement du syndicalisme étudiant au travers des mutuelles ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : J’ai appris par la presse qu’un président de la FAGE avait été rémunéré, mais cela se situait dans les années 1994-1995 et je n’ai donc pu en être directement témoin.

Les financements des structures syndicales que j’ai pu constater étaient ceux destinés à l’UNEF-ID. Localement, je savais que les agences de la MNEF finançaient des guides étudiants et c’est à ce titre que la FAGE a été financée, localement et non nationalement. Pourquoi pas nationalement ? Parce qu’une représentante permanente de l’UNEF-ID appartenait au conseil d’administration et que l’UNEF-ID n’aurait pas accepté de voir passer une subvention pour son concurrent direct. Cela peut expliquer que le directeur général soit passé en 1994 par une société intermédiaire, de manière, semble-t-il, illicite - en tout cas, l’affaire est entre les mains de la justice. Sinon, cela se passait sous forme d’apports publicitaires. Il ne s’agissait pas de subventions de fonctionnement que seule l’UNEF-ID recevait.

Lorsque la MNEF a commencé à être en crise, parce que les adhérents faisaient moins confiance à la mutuelle et qu’ils s’en détachaient, lors du conseil d’administration d’octobre 1998, le nouveau directeur général par intérim, M. Jacques Delpy, a annoncé que toutes les subventions aux associations étaient supprimées - sage précaution pour remettre le navire à flots - à l’exception de celle versée à l’UNEF-ID et grâce à laquelle ce syndicat a pu partir en campagne pour les élections de la MNEF. Voyez le côté amoral des choses ! La MNEF finance l’UNEF-ID qui se présente aux élections de la MNEF et remporte les élections comme par hasard.

M. le Rapporteur : D’autres associations sont-elles financées par la MNEF de façon régulière ? Avez-vous eu connaissance de subventions diligentées par la mutuelle ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Oui, lorsque les décisions passaient en conseil d’administration ou en bureau national. Dans les procès-verbaux des réunions de bureaux nationaux apparaissent des structures, telle la fédération des maisons des potes, l’alliance des étudiants francophones, la maison des jeunes et de la santé, la MJS, qui gérait les centres de santé. C’était ce type d’associations qui était financé par la mutuelle sans que cela ne soit apparemment contestable ni répréhensible. Une mutuelle a droit d’accorder des subventions à des structures qui en formulent la demande.

M. le Rapporteur : Au sujet des élections, nous avons eu connaissance, dans le cadre de la commission d’enquête, des différents procès-verbaux de la commission de contrôle électorale, des différents relevés d’huissier qui, semble-t-il, n’attestent d’aucune irrégularité, du moins sur ce qui a fait l’objet de leur contrôle. Une question reste néanmoins sans réponse, elle a trait à ce qu’il est advenu des retours à "l’envoyeur". Des problèmes de cet ordre ont-ils pu se produire, selon vous, au cours du dernier processus électoral, puisque vous étiez très largement impliqué dans l’une des listes ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Je n’étais pas impliqué dans une des listes. Lorsque les trois listes ont été déposées, la presse a écrit que Matthieu Séguéla se cachait derrière l’une d’elles, dans la mesure où le président de la section de Lyon, qui, à ce moment, avait été à mes côtés pendant six mois avait signé avec quatorze autres présidents et moi-même la demande de mise sous tutelle.

Puisque nous contestions ce processus d’élection devant les tribunaux, je n’ai jamais joué double jeu, à la fois contestant les élections devant les tribunaux pour les faire annuler et partant tout de même à la bataille ! Nous ne voulions pas donner une caution démocratique à des élections qui ne l’étaient pas. Aucun moyen démocratique n’était donné aux listes concurrentes, excepté à deux, dont l’UNEF-ID, de pouvoir consulter le fichier des adhérents, d’utiliser les moyens de la mutuelle. Nous avons quitté la commission de contrôle électorale au mois de janvier pour dénoncer le manque de transparence.

Il est vrai que ce président, qui a été proche de mon action, a mené une liste, et nous avons ensuite appris qu’elle avait été montée de A à Z par l’UNEF-ID qui avait ainsi organisé sa propre concurrence. Cette liste, qui s’appelait " SOS remboursement " a eu de bons résultats. " SOS " est une bonne appellation quand on connaît l’origine de la plupart des personnes de l’UNEF-ID. On peut dire que c’est un bon coup joué, puisque la liste a récupéré des voix et que, dès la première assemblée générale, on a vu cette liste fusionner avec l’UNEF-ID et élire un conseil d’administration. Mathieu Lapprand, pour lequel j’avais autrefois de l’estime, déclarait à la télévision : " Nous ne sommes pas là pour prendre des responsabilités, mais pour être l’aiguillon des étudiants, pour exprimer ce qui ne va pas et pas pour manger dans la gamelle ". Or, on le retrouve aujourd’hui administrateur - indemnisé je crois - de la mutuelle. Des promesses ont dû lui être faites, qui, apparemment, ont été tenues et on se retrouve avec un conseil d’administration à 100 % UNEF-ID. Tel est le problème, demain, pour la représentativité de la MNEF vis-à-vis de l’ensemble des étudiants.

J’ai appris dernièrement que, à Limoges, la FIDEL, fédération indépendante lycéenne démocratique avait été installée dans les locaux de la MNEF. Si la MNEF devient le bastion de l’UNEF-ID et finance ce syndicat ; si l’UNEF et l’UNEF-ID fusionnent et si la FIDEL, mouvement lycéen, est financé par la MNEF, où est donc le pluralisme ? Où est le moyen demain pour des étudiants mutualistes adhérant à la MNEF de présenter une liste pour être, eux aussi, acteurs de leur mutuelle ? Ils ne peuvent pas. Nous avons dénoncé les élections devant les tribunaux, car la circonscription nationale imposait à un étudiant de Carcassonne, par exemple, désirant se présenter aux élections organisées dans sa mutuelle de réunir 65 noms d’étudiants répartis dans 22 académies. Croyez-vous qu’un étudiant mutualiste dispose des moyens nécessaires s’il n’appartient pas à une structure nationale ? Et on s’étonne que nous ayons contesté ces élections parce qu’elles avaient un caractère amoral et antidémocratique ! Or, les tribunaux semblent nous donner raison. D’après ce que nous savons, l’appel, que va faire la MNEF, n’est pas suspensif. Nous nous trouvons avec des élections annulées et la suspension de l’actuel bureau et du nouveau conseil d’administration issus des élections. Retour donc à la case départ, c’est-à-dire à l’ancienne assemblée générale nationale, où 70 % des délégués sont des proches de l’ancien directeur général, Olivier Spithakis. On se retrouve dans une situation assez ubuesque, que nous avons souhaitée, afin d’obtenir la mise sous tutelle de la mutuelle. J’espère que, en sortant de cette salle, j’en saurai un peu plus et que je pourrai mettre tout cela en œuvre. Il est très important de faire la lumière, car je ne me suis pas battu comme je me suis battu et je n’ai pas pris des coups pour voir le même système recommencer ! J’ai une carrière universitaire à poursuivre, je vais bientôt partir dans une université à l’étranger, parce que je suis boursier d’un gouvernement sur critères universitaires. Pour conclure sur la MNEF, sans doute n’ai-je pas été suffisamment vigilant lorsque j’ai accepté ce poste de trésorier. Cela étant, dans le cadre de mes fonctions à ce poste durant un an et demi, j’ai fait et dit un certain nombre de choses pour combattre et abattre un système. Croyez-moi, les pressions ont été fortes, elles n’ont pas été que morales. Je suis allé jusqu’au bout.

M. le Président : Que voulez-vous dire ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Il m’a été expliqué de manière sous-entendue qu’il fallait que je fasse attention à moi.

M. le Président : Par qui ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Cela me gêne de vous le dire.

M. le Président : Vous avez prêté serment.

M. Matthieu SÉGUÉLA : M. David Rousset, aujourd’hui délégué général, m’a menacé physiquement si je venais à demander la mise sous tutelle de la MNEF. C’était le 2 juillet alors que je venais d’être évincé du bureau national.

M. le Président : Je reviens aux mandats que les administrateurs pouvaient avoir dans des filiales ou des entreprises partenaires de la MNEF. Etait-ce votre cas ? Y avait-il plusieurs administrateurs dans d’autres filiales de la MNEF ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Sans doute. Je n’ai pas de preuves précises sur les personnes qui auraient pu avoir une double ou une triple casquette dans telle ou telle filiale.

Dans le texte de la contribution " Changer ", nous indiquons que les administrateurs ne doivent recevoir qu’une seule indemnité, ne doivent pas être intéressés financièrement à d’autres résultats. Voilà ce que nous écrivions sans citer de noms, car nous n’avions pas de preuves. Il est toutefois certain que des administrateurs ou anciens administrateurs ont cumulé plusieurs fonctions. Cela me semble assez évident. Etait-ce licite ou ne l’était-ce pas ? La justice le dira. Pour autant, quand on voit que M. Eric Martinez, secrétaire général de la MNEF, était également secrétaire général de l’OTU, qu’il fut un temps secrétaire général de la FSEF, puis ensuite délégué général de cette même structure pour pouvoir ensuite accéder aux fonctions de directeur d’une clinique de la FSEF - je crois qu’il existe encore d’autres structures où il était représentant de la MNEF comme la MIJ (Mutuelle Inter Jeunes) - on ne peut que se poser des questions.

En ce qui me concerne, je n’ai été représentant dans aucune des filiales économiques de la MNEF. Par exemple, je n’ai jamais été mandaté par le bureau national pour être représentant dans l’Immo Campus, dans l’UES Saint Michel, dans Raspail Participations et Développement, etc. Je n’ai jamais reçu de rémunération complémentaire à celle de la MNEF venant de toute autre structure. J’ai été clair sur le sujet. Je ne bénéficiais pas non plus d’avantages en nature : je ne bénéficiais pas de voiture de fonction. Il m’a semblé découvrir que le secrétaire général avait une voiture de service qu’il utilisait comme voiture de fonction. Je ne l’ai découvert qu’à la fin. Comment ? Par des indiscrétions de secrétaires ou de personnes qui vous disent les choses non explicitement. Tout comme j’ai appris que le directeur général occupait un appartement destiné aux élus étudiants. Moi, je payais mon loyer, je n’occupais pas cet appartement qui aurait dû pourtant accueillir les membres du bureau national. Ce sont des faits que j’ai découverts a posteriori ou pendant, mais vers la fin de mon mandat.

M. André ANGOT : Je tiens tout d’abord, monsieur, à vous féliciter du langage clair que vous tenez, car, depuis que nous avons entamé nos auditions, c’est la première fois qu’une personne ne pratique pas la langue de bois. Je vous en remercie donc, car nous avons appris beaucoup de choses.

La presse s’est fait écho de la bagarre que se livraient les différentes mutuelles sur les campus pour attirer les adhérents. En particulier, la presse a évoqué le cas d’étudiants qui tiennent les stands sur les campus. Ils sont sélectionnés par les syndicats étudiants, sont rémunérés en espèces, ne sont pas déclarés, ni ne paient de cotisations sociales. Le trésorier que vous étiez était-il au courant de ces pratiques ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Le problème du financement des conseillers mutualistes étudiants s’est posé à une époque, puisque l’année où j’ai pris mes fonctions de trésorier, la MNEF a eu un redressement de l’URSSAF, parce que les sommes versées aux étudiants conseillers mutualistes n’étaient pas déclarées, en tout cas comme salaires. Un million de francs a été versé aux URSSAF et les choses sont claires depuis cette époque, c’est-à-dire que tout étudiant conseiller mutualiste reçoit une fiche de paye.

M. le Rapporteur : Lorsque vous étiez trésorier de la MNEF perceviez-vous une indemnité ? Si oui, à combien s’élevait-elle ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : J’ai perçu une indemnité de 6 000 F la première année, de 10 200 F la seconde année, 10 200 F étant le plafond. C’est ce que percevaient les membres du bureau national et quelques administrateurs choisis en fonction de leur provenance, notamment les représentants de l’UNEF-ID comme Mlle Capucine Edoux qui, simple administratrice, touchait 10 200 F.

Ces indemnités, qui ont fait couler beaucoup d’encre en même temps qu’elles furent dénoncées par certains syndicalistes moraux, ont été augmentées depuis. Le président touche aujourd’hui 12 000 F - il s’est augmenté de 2 000 F - et le délégué général, qui les avait dénoncées, puisqu’il était aussi administrateur avant, perçoit aujourd’hui le même montant. Ce genre de discours à deux temps fait réagir.

M. le Président : Etes-vous au courant du bateau Derya, acquis, semble-t-il, par une filiale de la MNEF ? Comment aurait-il été financé ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Comment ne pas être au courant du Derya dont la photo est parue dans la presse !

Mais jusque là, je ne savais pas que ce bateau existait, d’autant moins qu’il avait déjà coulé lorsque que je suis devenu trésorier. Mais, eût-il encore été à flot à ce moment-là, jamais, au sein du bureau national, la présidente ou le directeur administratif et financier n’aurait dit qu’il fallait faire un apport en comptes courants pour que le bateau puisse sortir du port ou pour rénover la coque. On avait eu recours à des filiales pour l’acheter et je crois que c’était là un des intérêts présentés par les filiales. Elles échappaient à tout contrôle. L’IGAS comme la Cour des comptes ne pouvaient pas les contrôler, parce qu’il s’agit de sociétés commerciales. L’aspect gênant tient au fait que les filiales n’étaient pas gérées du point de vue mutualiste, mais capitalistique, avec des personnes qui, apparemment, en profitaient.

M. le Président : Qui utilisait le bateau ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Je l’ignore.

M. Hubert GRIMAUD : Je vous félicite pour la clarté de vos déclarations.

N’avez-vous jamais signé de chèques ? Il y avait des engagements au niveau des indemnités, des dépenses, du financement de tel ou tel organisme, étudiant ou pas. Les délégations de signatures étaient-elles à l’exclusivité du président ? A aucun moment avez-vous eu à en connaître ? Vous teniez quand même les comptes en tant que trésorier. Déteniez-vous la signature ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : Dès le deuxième jour de ma prise de fonction, il me fut amené le livre des délégations de signature au profit du directeur général et du directeur financier. Les statuts et le règlement intérieur de la MNEF prévoyaient cette délégation.

Chaque mois, je me souviens avoir signé un document récapitulatif des indemnités versées aux administrateurs, qui nécessitaient l’apposition de la signature du trésorier national. Je signais également des documents de remboursement à des élus locaux toujours sur justificatifs. Cela pour la première année, puisque, la seconde, le peu de pouvoir que j’avais sur le réseau des élus me fut enlevé. Je n’avais même plus le droit de réaliser les remboursements aux élus locaux, car cela maintenait, soit disant, un lien entre eux et moi, et que c’était ainsi que je recrutais des élus de ma tendance.

De mémoire, je n’ai signé aucun chèque en l’espace de dix-huit mois.

M. Hubert GRIMAUD : Le commissaire aux comptes n’a-t-il jamais formulé de remarques à ce sujet ?

M. le Président : J’ai l’impression que c’est ainsi dans l’ensemble du système mutualiste. Ce ne sont pas les trésoriers qui signent les chèques.

M. Matthieu SÉGUÉLA : Ce sont effectivement les directeurs administratifs et financiers ou les directeurs généraux qui signent. Les élus, même les membres de bureaux nationaux, ne sont pas tout le temps au siège. C’est pourquoi ils avaient donné délégation pour qu’il puisse être procédé à la paye des salariés par exemple.

Lorsque j’ai demandé à retirer mes délégations de signatures, la première fois, il m’a été répondu négativement, car cela aurait créé des difficultés vis-à-vis des banques qui se seraient demandé pourquoi, soudain, le trésorier retirait sa confiance au directeur général ou au directeur administratif et financier. Je ne l’ai donc pas fait cette fois-là, mais par courrier recommandé du 27 juin à la présidente, j’ai indiqué que je retirais mes délégations de signature au directeur général, qui de plus avait démissionné. J’ai été " putché " le 2 juillet.

La présidente et le secrétaire général avaient dû donner les mêmes délégations.

M. le Rapporteur : Des personnes sont parties de la MNEF. Connaissez-vous les raisons des licenciements ? Avez-vous participé aux négociations sur le montant de leurs indemnités de licenciement ?

M. Matthieu SÉGUÉLA : A aucun moment. La gestion du personnel était réservée au directeur général et au directeur des ressources humaines. J’ai fini par connaître le montant du salaire du directeur général de la MNEF, mais ce n’était pas donné à titre d’information au trésorier que j’étais. Lorsque l’on posait la question à la présidente, elle vous renvoyait au directeur général, lui-même renvoyant sur la présidente ou le secrétaire général. Je n’étais pas associé à cela. J’ai appris par la presse que certaines personnes étaient salariées, comme M. Jean-Michel Grosz, ancien président de la MNEF. Ce n’était pas mon domaine. J’étais au premier étage, je ne voyais pas tout le monde. Je ne savais pas toujours qui était qui ou qui pouvait être payé.

Lorsque la Cour des comptes était présente dans nos murs et que j’ai demandé à avoir connaissance de ses questionnaires, il m’a été répondu qu’ils étaient adressés au directeur général et à la présidente, qui, bien sûr, ne me les faisaient pas lire. Je n’ai pas non plus pu avoir accès aux réponses. A un moment, j’ai insisté. On a décidé de me faire signer un seul cahier de réponses, parce que j’étais trésorier et que cela concernait le directeur général. Je possède, sur une quarantaine, une seule réponse au questionnaire de la Cour des comptes et comme la confiance était grande entre nous, toutes les pages ont été griffonnées, pour que je ne puisse pas en faire des photocopies et les livrer à la presse. C’était en décembre 1997. Vous imaginez le climat !

Dans les réponses, on découvre des chiffres, mais aucun nom, ni les conditions de départ ou de rémunération d’untel ou d’untel.

Ce n’était pas un document de ce type qui pouvait m’alerter. Mon alerte et mon combat étaient davantage d’ordre politique ; il n’était pas économique ou suspicieux a priori.

M. le Président : Je vous remercie de ces explications fructueuses pour la commission.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr