M. Didier Houssin a proposé de traiter des relations entre l’Etat et les deux compagnies françaises Elf et Total, de la sécurité des approvisionnements, des relations avec les Etats producteurs de pétrole et des questions environnementales.

Les Compagnies Elf et Total ont été créées toutes deux à l’initiative des pouvoirs publics, mais la part de l’Etat dans leur capital a décru progressivement jusqu’à leur privatisation. L’Etat détient aux termes du décret 93/1298 du 13 décembre 1993, une action spécifique qui lui confère un certain nombre de prérogatives sur l’actionnariat d’Elf : droit de veto du ministre de l’Economie et des Finances sur les franchissements de seuils importants - 10%, 20% et un tiers du capital. Il est prévu que deux représentants de l’Etat nommés par décret sur proposition du ministre de l’Economie et des Finances et du ministre en charge de l’Energie, siègent au Conseil d’administration. Ils possèdent le titre de représentant de l’Etat et non d’administrateur et n’ont pas de voix délibératives. Le représentant du ministère de l’Economie et des Finances est actuellement M. Prével, chef de la mission de contrôle du pétrole et de la chimie. Il est lui-même, en tant que directeur des matières premières et des hydrocarbures, le représentant du Secrétariat d’Etat à l’Industrie. Le décret sur l’action spécifique confère à l’Etat la possibilité de s’opposer à la cession d’actifs d’Elf Antar France, filiale de raffinage-distribution, Elf Gabon et Elf Congo, mentionnées spécifiquement en annexe du décret.

Les relations entre l’Etat et Total restent régies par les conventions de 1924 et 1930 à l’origine de la création de la Compagnie française des pétroles (CFP). L’Etat apportait les droits de la Deutsche Bank au Moyen-Orient récupérés au titre des dommages de la guerre de 1914-1918 et disposait d’un droit de regard dans la gestion de la CFP. Les conventions précitées, modifiées par une série de lettres interprétatives, restent applicables actuellement mais arrivent à expiration en mars 2000. Elles stipulent qu’un représentant de l’Etat au Conseil d’administration détient les pouvoirs normaux d’un administrateur. Il est en outre chargé de veiller à l’observation des statuts de la société, notamment au respect des droits de l’Etat tels qu’ils sont prévus dans la Convention. Le droit de suspension des délibérations du Conseil ou de l’Assemblée peut être exercé au titre de la Convention de 1924 pour des motifs très généraux : délibérations relatives aux actes de la société affectant la politique étrangère ou de défense du gouvernement ou aux actes modifiant les conditions de contrôle de la société. Ce dispositif est dérogatoire au droit commun des sociétés. Le représentant de l’Etat peut s’opposer à l’application de décisions du Conseil d’administration ou d’Assemblées générales si elles semblent porter atteinte aux droits particuliers de l’Etat. Une procédure d’arbitrage, prévue entre l’Assemblée générale et le gouvernement avec, en cas de désaccord, un recours au vice-président du Conseil d’Etat, n’a jamais formellement été mise en œuvre. Elle a partiellement fonctionné lors d’un litige important entre le gouvernement et Total à propos du compte spécial de l’Etat qui avait droit à un super bénéfice lié aux concessions du Moyen-Orient. Jusqu’en 1996, l’Etat avait deux représentants au Conseil d’administration ; au moment du désengagement de l’Etat, une lettre interprétative a assoupli le régime ; l’approbation de la désignation du Président de Total en cas de renouvellement de celui-ci, a été supprimée, le compte spécial sur les super-bénéfices a été soldé et le nombre de représentants de l’Etat a été réduit à un : le Directeur chargé des hydrocarbures, ce système devant expirer en mars 2000.

Le régime des hydrocarbures en France résulte d’une histoire qui a évolué ces dernières années. L’action spécifique est critiquée par la Commission européenne qui a mis en demeure le gouvernement de la justifier. La Commission la considère comme incompatible avec la libre circulation des capitaux et la liberté d’établissement. Elle estime que les termes du décret créant l’action spécifique donnent des pouvoirs beaucoup trop larges et discrétionnaires au gouvernement qui dispose de la faculté d’autoriser les franchissements de seuils sans que cette procédure d’autorisation générale ne soit assortie de critères suffisamment objectifs, stables et transparents pour les investisseurs. La Commission a également critiqué les procédures d’action spécifique vis-à-vis d’autres Etats membres, dans différents secteurs. La procédure est en cours et le débat se poursuit.

Pour Total, l’échéance se situe en mars 2000, soit la Convention expire et les liens institutionnels entre l’Etat et Total sont dissous, soit on proroge la validité de la Convention, ce qui supposerait une mesure législative et surtout un accord de Total puisqu’il s’agit d’un dispositif contractuel.

Les évolutions décrites ont modifié la composition de l’actionnariat des Compagnies Elf et Total ; celui d’Elf se décompose ainsi : 5% de salariés, 13% d’individuels français, 26% d’institutionnels non-européens, 56% d’institutionnels européens (regroupant français et non-français) ; celui de Total est ainsi réparti : 3% de salariés, 8% d’individuels français, 10% de participations stables de groupes français (Cogema, AGF, Paribas, Société générale), 24% d’Européens, 25% d’Américains et 30% d’institutionnels français. Pour Elf comme pour Total, 50% de l’actionnariat est coté hors de Paris, ce qui n’implique pas forcément que la nationalité de ces entreprises ait changé, car la cotation sur telle ou telle place n’est pas le critère essentiel pour déterminer la nationalité du capital des entreprises.

Les relations entre la Direction des matières premières et des hydrocarbures (DIMAH) et les compagnies françaises s’inscrivent dans le cadre de la loi pétrolière du 31 décembre 1992. Cette loi s’est substituée à celle du 30 mars 1928 promulguée après la première guerre mondiale et marquée par un très fort interventionnisme public de l’Etat définissant la politique d’approvisionnement, le raffinage, les parts de marché dans la distribution, la logistique et les prix. Sur la base de ce texte, qui établissait un régime d’économie administrée dans le secteur des hydrocarbures, Elf et Total représentaient environ 50% du marché français dans le raffinage et la distribution. Elle a permis de créer une industrie française du raffinage indépendante. Pendant la guerre de 1914-1918, la dépendance par rapport aux compagnies américaines avait constitué un élément de fragilité considérable pour la France.

Peu compatible avec le droit communautaire, la loi de 1928 a été modifiée en plusieurs étapes (1982, suspension des quotas de produits raffinés, 1985, liberté de développement des réseaux de distribution, 1986, liberté d’approvisionnement auprès des compagnies étrangères). La loi de décembre 1992 fixe le principe de la liberté du commerce des produits pétroliers assortis de mesures spécifiques visant à assurer la sécurité des approvisionnements : obligation de détenir 90 jours de stocks de sécurité pour tous les opérateurs, français ou installés en France, maintien d’un raffinage compétitif sur le territoire national, obligation de pavillon pour maintenir une flotte française de transport de brut, obligation d’informer les pouvoirs publics sur l’approvisionnement, le raffinage et la logistique. Le régime mis en place par la loi de 1992 est libéral tout en conservant des mesures exceptionnelles liées à la sécurité des approvisionnements qui s’inscrivent d’ailleurs dans un cadre international et communautaire. La politique pétrolière française se développe selon d’autres axes au plan international : activités des compagnies françaises dans le monde, adhésion à l’agence internationale de l’énergie (AIE), participation active au dialogue entre pays producteurs et pays consommateurs.

Sur le plan gazier, le principe de l’approbation des contrats importants en gaz est fixé par un décret du 15 octobre 1985 en application de la loi de 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz. Tous les contrats d’approvisionnement gaziers passés par Gaz de France sont approuvés par le ministère.

Le décret d’organisation de la DIMAH confirme la responsabilité de cette direction dans la préparation de la politique du gouvernement pour l’approvisionnement en hydrocarbures et carburants de substitution, le développement de l’industrie pétrolière et des industries des services associés, afin de répondre au problème de la dépendance pétrolière (98 % de la consommation de pétrole et 94 % de celle de gaz sont importés) ; le gisement de Lacq ne représente plus que 6 % des approvisionnements. La France s’efforce de diversifier ses sources d’approvisionnement en pétrole, ce qui se reflète dans les listes des principaux fournisseurs : Arabie Saoudite, Norvège, Royaume-Uni, Iran, Irak, Nigeria, Russie, Syrie, Algérie et Libye. Chaque raffineur est libre de sa politique d’approvisionnement. La Norvège (29,3 %), la Russie (26,7 %), l’Algérie (25,5 %) et les Pays-Bas (12,3 %) sont les quatre principaux fournisseurs étrangers de gaz de la France. Le poids de la Norvège tend à se renforcer face à celui de la Russie et de l’Algérie.

En période de crise, le fait que des sociétés françaises disposent de réserves de production substantielles de brut est un élément essentiel de la sécurité des approvisionnements. La production d’Elf et Total représente un peu plus des deux tiers de la consommation française actuelle et 75 % des approvisionnements gaziers. Leurs réserves cumulées représentent sept années de consommation française de pétrole et treize années pour le gaz. L’accès assez large aux ressources d’hydrocarbures d’Elf et Total est un élément de la sécurité des approvisionnements car ces deux compagnies représentent 50 % de la capacité de raffinage française. Les pouvoirs publics pourraient disposer de moyens d’actions, notamment en application de textes sur la Défense nationale pour que les raffineries françaises d’Elf et Total soient approvisionnées en pétrole brut.

Sur le plan international, on constate une forte présence de Total au Moyen-Orient - où le Groupe dispose de la moitié de ses réserves et 40 % de sa production - en Asie, notamment en Indonésie, et en Mer du Nord. Total a diversifié son amont pétrolier en s’implantant en Argentine, en Colombie, au Venezuela, en Angola et au Nigeria. La filière du gaz naturel liquéfié est un point fort de Total où le Groupe est numéro deux mondial.

Elf est surtout implantée en Afrique subsaharienne où se situe la moitié de sa production et en Mer du Nord qui en représente 45%. La compagnie souhaite se créer d’autres pôles régionaux, notamment en Russie et au Moyen-Orient. Les compétences technologiques dans l’offshore très profond, notamment en Angola, constituent un point fort de la Compagnie. Les liens entre Gaz de France et Elf et Total se sont renforcés. Elf fournira directement du gaz au marché français à hauteur de 500 millions de mètres cubes à partir d’octobre 1999 et deux milliards de mètres cubes à partir de l’an 2000.

Les relations entre les pays producteurs et les compagnies ont évolué. Après l’étape de la nationalisation des actifs pétroliers marquant la volonté des pays producteurs de maîtriser leurs ressources et d’abandonner le régime de la concession, les procédures d’attribution de permis se sont beaucoup diversifiées : procédure d’adjudication très transparente aux Etats-Unis, mise en concurrence en Mer du Nord, contrat de partage de production entre la compagnie qui opère et l’Etat dans de nombreux autres pays producteurs. Dans ce dernier cas, la compagnie qui investit au stade de l’exploration est rémunérée de son investissement par 30 % à 40 % de la production ("cost oil"), le complément défini entre l’Etat producteur et la compagnie représente la marge bénéficiaire de cette dernière ("profit oil"). Le contrat de partage de production qui maintient la souveraineté de l’Etat producteur est de loin le plus fréquent. D’un pays à l’autre, les procédures sont différentes et leur degré de transparence varie. Le droit international n’impose pas de règles aux pays producteurs sur ces points. Une directive de l’Union européenne datant de 1994 encadre les pouvoirs régaliens des Etats membres en matière d’attribution des titres miniers. La charte européenne de l’énergie signée en 1994 entre l’Union européenne, la CEI, le Japon et l’Australie prévoit des dispositions sur la protection des investissements, le transit, l’environnement et le règlement des différends ; elle vise à conférer un cadre juridique minimum pour les investissements de la CEI.

Mme Marie-Hélène Aubert s’est renseignée sur les procédures utilisées par les compagnies, et sur le rôle et les pouvoirs de contrôle de l’Etat. Dans la phase d’exploration à quel moment les ministères de l’Industrie et des Affaires étrangères sont-ils sollicités ?

Elle a demandé quelles étaient les procédures fiscales applicables aux commissions versées par les compagnies pétrolières.

Constatant que lors de la prospection d’un nouveau gisement, des démarches pouvaient être accomplies de la part de la compagnie pour obtenir un soutien du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l’Industrie, elle a voulu comprendre à ce stade le rôle de ces différentes instances et notamment celui de la DIMAH.

S’appuyant sur l’exemple des gisements angolais, M. Pierre Brana a demandé comment l’avis de la DIMAH était élaboré. Des déplacements sur place sont-ils effectués ? Comment l’évaluation de la compagnie est-elle contrôlée après l’annonce de la découverte d’un nouveau gisement ? Il a fait valoir que l’avis de la DIMAH lui semblait très important par rapport à la sécurité des approvisionnements.

M. Didier Houssin a apporté les précisions suivantes.

Le versement de commissions et la manière dont il est pris en compte dans la fiscalité des compagnies pétrolières est de la compétence de la Direction Générale des Impôts. Les commissions doivent figurer dans les déclarations fiscales des compagnies pour être déductibles.

La DIMAH agit en étroite coopération avec le ministère des Affaires étrangères auquel elle apporte une expertise technique sur les enjeux énergétiques. Elle rend un avis de nature technique, par exemple s’agissant des projets d’Elf en Angola, sur le grand intérêt qu’ils présentent en termes de réserves pétrolières. Outre ce type d’avis, la DIMAH prépare des éléments de langage en liaison avec les directions concernées du ministère des Affaires étrangères et les compagnies pétrolières lorsqu’il y a des enjeux pétroliers dans une rencontre bilatérale. Les deux avis sont complémentaires. Au sein de la DIMAH, les services techniques spécialisés sont chargés d’expertiser les évaluations des compagnies. Elle ne délègue pas de personnel sur place mais entretient des contacts avec les échelons techniques des compagnies françaises qui l’informent de l’état des dossiers.

La DIMAH agit comme un informateur, mais elle ne contrôle pas les compagnies pétrolières qui sont privées. L’avis de la DIMAH est rendu lorsqu’une rencontre est prévue, généralement au niveau ministériel, avec un Etat producteur. La DIMAH s’exprime en fonction de l’intérêt du projet et de la nécessité ou non de l’appuyer politiquement, mais elle ne dispose pas de moyens strictement techniques lui permettant de vérifier les dires des compagnies. La question de la comptabilité des réserves par les compagnies est étroitement encadrée pour des raisons financières et boursières, et toute annonce prématurée pourrait être sanctionnée. Sur le plan technique, la DIMAH intervient plus directement pour les projets d’investissements à l’étranger de Gaz de France qui est une entreprise publique, en analysant méticuleusement les aspects techniques du dossier car les investissements de l’entreprise publique sont soumis à autorisation de la tutelle. La DIMAH intervient également pour appuyer l’action internationale des entreprises parapétrolières.

Les compagnies travaillent de plus en plus souvent en consortium, pour partager les risques. A titre d’exemple, en Afrique, Elf a fait entrer des intérêts américains (Chevron) et sud-africains sur le gisement de N’Kossa au Congo pour diversifier le risque. Dans un consortium toutes les décisions importantes sont prises par celui-ci et soumises à une certaine transparence, plusieurs sociétés étant concernées.

Les compagnies pétrolières confient de plus en plus des travaux à des entreprises parapétrolières qui réalisent les campagnes sismiques, les forages, l’installation de plates-formes de production. La présence des compagnies pétrolières a donc un effet sur le secteur parapétrolier français qui représente 70 milliards de francs de chiffre d’affaires et constitue un enjeu important sur le plan industriel et social pour des sociétés comme la Compagnie générale de géophysique, Coflexip, Technip, etc.

Mme Marie-Hélène Aubert a souhaité savoir si la DIMAH soutenait systématiquement des projets pétroliers parce qu’ils renforçaient la sécurité des approvisionnements et si cet appui avait des équivalents dans d’autres secteurs.

Elle a demandé si le ministère des Affaires étrangères s’était trouvé en désaccord avec la DIMAH. Comment se prennent les décisions ? Les rôles sont-ils indépendants ? Des diplomates sont-ils en poste à la DIMAH et réciproquement ? Comment s’effectuent les interactions entre le secrétariat d’Etat à l’Industrie, le ministère des Affaires étrangères et les compagnies pétrolières ?

Elle s’est enquise de la manière dont le soutien des pouvoirs publics français était effectué auprès d’Etats sensibles comme l’Iran ou la Birmanie. Elle a souhaité savoir si la DIMAH prenait en compte dans l’élaboration de ses avis, le contexte géopolitique et environnemental d’un projet et si elle était en contact avec ses homologues étrangers.

M. Didier Houssin a apporté les précisions suivantes.

Les relations internationales ne constituent que 10 à 15 % de l’activité de la DIMAH qui est essentiellement une direction à vocation sectorielle. Un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères est traditionnellement détaché dans cette direction, dont l’essentiel de l’activité porte cependant sur l’élaboration d’avis d’ordre technique. La plupart des fonctionnaires de la DIMAH sont des ingénieurs ou des techniciens. Ils connaissent les questions d’exploration, production, le secteur parapétrolier et rendent des avis sur les projets d’Elf, de Total ou Gaz de France. En tant qu’autorité de tutelle la DIMAH a déjà rendu des avis défavorables sur certains projets de Gaz de France (entreprise publique). Elf et Total sont seuls habilités à évaluer l’intérêt financier de leur projet. La DIMAH rend un avis sur l’importance du projet. Elle intervient également quand ces deux compagnies sont en concurrence pour obtenir le soutien des pouvoirs publics. Ce soutien est lié à la souveraineté des Etats producteurs sur leurs ressources. En dernière analyse, c’est l’Etat producteur qui décide en fonction de ses propres procédures. Parfois la compétition est très ouverte. L’ouverture aux investissements étrangers s’est élargie et les pays producteurs sont eux aussi en compétition pour attirer les investissements. Alors qu’ils avaient affiché leur volonté de maîtriser leurs ressources, la plupart des pays producteurs à l’exception de l’Arabie Saoudite, du Mexique et du Koweït tentent désormais d’attirer les investissements internationaux.

Il appartient au ministère des Affaires étrangères d’apprécier le contexte géopolitique d’un projet et de communiquer les éléments de langage politique au secrétariat d’Etat à l’Industrie. Total a signé le contrat de South Pars, avec l’accord du gouvernement français.

La DIMAH est en contact avec ses homologues des pays producteurs dans le cadre multilatéral du dialogue entre producteurs et consommateurs, mais ne dispose pas de réseau propre au niveau diplomatique. Les interventions d’appui à Elf ou à Total s’effectuent lors de visites présidentielles ou ministérielles et par le canal du ministère des Affaires étrangères. Parfois, la DIMAH participe à des groupes de travail bilatéraux ou des commissions mixtes. Les affaires pétrolières sont traitées à un haut niveau. C’est parce qu’Elf et Total sont des compagnies françaises qu’elles sont choisies par tel ou tel Etat producteur dans une optique de diversification. L’Azerbaïdjan s’efforce de traiter avec des compagnies françaises pour éviter un tête à tête avec les seules compagnies anglo-saxonnes, disposer d’une expertise technique autre et bénéficier d’une approche différente de la zone de Mer Caspienne, les Etats-Unis s’opposant au transit des hydrocarbures par l’Iran. En outre il est intéressant pour la France d’avoir deux compagnies ayant des implantations géographiques complémentaires.

M. Pierre Brana a souhaité connaître la part d’Elf et de Total dans le marché français de la distribution. Quelles sont les compagnies qui desservent les grandes surfaces ? Comment les distributeurs appliquent-ils la loi de 1992 exigeant 90 jours de réserves.

Il a demandé des éclaircissements sur le fonctionnement des consortiums au cours de négociations. Il s’est enquis des raisons pour lesquelles Elf Gabon et Elf Congo n’étaient pas opéables.

Mme Marie-Hélène Aubert s’est informée sur les compétences de la DIMAH en matière environnementale et si ces problèmes étaient suffisamment pris en considération par cette direction. Elle a souhaité savoir si les compagnies faisaient des études d’impact et si la DIMAH avait compétence pour examiner ces études tant en France qu’à l’étranger. A quel niveau se situe la préoccupation environnementale ?

M. Didier Houssin a donné les explications suivantes.

En France, la moitié du marché de la distribution est détenue par les grandes surfaces qui achètent au coup par coup les produits pétroliers à différents raffineurs. Elf et Total ont environ 25 % des parts de ce marché. Ainsi, les industriels français n’ont pas la maîtrise du débouché final comme en Allemagne ou en Italie. On ne dispose pas de données précises concernant l’origine des produits pétroliers vendus par les grandes surfaces. Seuls les grossistes qui ont le statut d’entrepositaire agréé, ont l’obligation de conserver 90 jours de réserves.

Lors des négociations, une compagnie qui a acheté des droits d’exploration ou d’exploitation peut décider de prendre des associés pour financer des travaux et réduire ses risques. La compagnie opératrice au sein du consortium est celle qui entretient les relations les plus étroites avec l’Etat producteur.

Elf Gabon et Elf Congo ne sont pas opéables aux termes du décret de 1993, probablement compte tenu des liens avec les Etats concernés et de la volonté de rassurer ceux-ci sur l’impact de la privatisation d’Elf.

Les préoccupations environnementales sont devenues très importantes dans les projets pétroliers. L’activité pétrolière est de plus en plus encadrée par des conventions internationales et la DIMAH intervient de plus en plus fréquemment dans l’élaboration de celles-ci. Les conventions du Fonds international sur les pollutions marines (FIPOL) sont suivies par la DIMAH dans la négociation et la gestion des contributions. Elles instaurent un système d’indemnisation complémentaire des victimes de pollutions dues aux marées noires au-delà de l’obligation d’assurance. Les six principaux raffineurs versent en France des cotisations de l’ordre de 60 millions de francs par an et sont associés à la gestion de ce fonds. Cette mutualisation des risques a rendu cette convention plus efficace.

La Convention Oslo-Paris dite OSPAR pour la protection de l’environnement dans l’Atlantique Nord est juridiquement contraignante pour les signataires. Dans ce cadre, la déclaration de Sintra a décidé du principe général de démantèlement des installations en mer et la DIMAH a rendu un avis technique sur ce point.

La DIMAH, qui délivre des permis d’exploitation a compétence pour évaluer l’impact sur l’environnement en France. Elle n’a pas compétence pour effectuer cette évaluation à l’étranger même si les compagnies pétrolières le font. Les affaires Exxon Valdez et Brent Spar ont conduit les compagnies à prendre de plus en plus en considération l’environnement. La DIMAH est associée à l’application de la convention du FIPOL par les compagnies pétrolières opérant en France, mais elle n’est pas tenue de vérifier que les compagnies pétrolières respectent ces règles à l’étranger. Cependant en 1997, Elf a rendu un premier rapport sur l’environnement décrivant les mesures que le Groupe s’impose à lui-même. Total a formalisé des principes et des actions depuis 1992 avec la signature d’une charte en 1992. Ces mesures vont dans le bon sens. Les compagnies françaises agissent ainsi non pas en fonction du contrôle de l’administration française mais dans leur intérêt, les atteintes à l’environnement ayant un effet important sur leur image dans l’opinion publique. Tout dégât sur l’environnement imputable à une compagnie pétrolière a un effet majeur sur elle. Aussi, leur prise de conscience va-t-elle au-delà du souci de respecter les avis de l’administration française.

Mme Marie-Hélène Aubert a regretté que les groupes privés ne se préoccupent pas toujours en premier lieu de respecter à l’étranger les normes sociales et environnementales.

M. Didier Houssin a expliqué que la DIMAH, qui ne disposait pas de représentation à l’étranger, n’était pas habilitée à rendre des avis sur ces points. Seules les ambassades étaient en mesure de vérifier si une compagnie française appliquait les normes environnementales à l’étranger.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr