En janvier 2000, l’administration pénitentiaire comptait, en effectifs budgétaires, 25.868 agents dont :

 20.256 personnels de surveillance (soit 78,3 % de l’ensemble du personnel) ;

 2.308 personnels administratifs (8,9 %) ;

 1.470 personnels d’insertion et de probation (5,7 %) ;

 675 personnels techniques (2,6 %) ;

 540 assistants de service social (2,09 %) ;

 453 personnels de direction (1,75 %) ;

 166 personnels contractuels (0,64 %).

A) UN EFFORT DE RATTRAPAGE

Un rapport récent de la Cour des comptes22(*) constate qu’" au regard de l’évolution des emplois budgétaires sur la période 1990/98, il est permis d’affirmer que la direction de l’administration pénitentiaire a fait l’objet d’un traitement favorable lors des lois de finances successives par rapport à la plupart des autres services de l’Etat : l’augmentation est continue sur la période, même si les années 1997 et 1998 marquent un certain ralentissement". Entre 1987 et 1997, les emplois budgétaires des surveillants ont augmenté de 39,5 %. Cette augmentation a dépassé de très loin la hausse de la population carcérale sur la même période, qui n’a été que de 6,4 %.

Ce constat quelque peu optimiste doit cependant être tempéré.

L’administration pénitentiaire a longtemps été le parent pauvre de la fonction publique, alors même qu’elle était confrontée à une explosion de la population carcérale. Les créations d’emplois observées depuis une dizaine d’années correspondent surtout à un rattrapage bien tardif des retards cumulés pendant plusieurs décennies.

Et de fait, la Cour constate que " cette augmentation rapide traduit un phénomène de rattrapage après une montée en charge de la population pénale dans les années 70 et 80 (passée de 34.000 à 54.000 en vingt ans), qui ne s’était pas accompagnée d’une évolution comparable des personnels de l’administration pénitentiaire ".

Aujourd’hui, on compte 2,6 détenus par surveillant, étant rappelé que, sur le terrain, un seul surveillant a souvent en charge une coursive accueillant une centaine de détenus.

Si l’on se réfère aux autres pays de l’Union européenne (sauf la Grèce, le Portugal et le Luxembourg), la France se caractérise par un faible taux d’encadrement de ses détenus comme l’a reconnu Mme Martine Viallet, directrice de l’administration pénitentiaire, devant la commission : " En 1996, le ratio était de 2,3 détenus par surveillant en Angleterre, 1,7 aux Pays-Bas et 1,3 au Danemark. Donc, la qualité du service rendu ne peut pas être la même en fonction de ce ratio ".

Les établissements pénitentiaires souffrent d’un sous-effectif chronique. Selon l’inspecteur général des services judiciaires, M. Jean-Louis Nadal, il s’explique par le fait que l’effectif d’un établissement est fonction de sa capacité d’accueil théorique et non de son occupation réelle, qui est souvent bien plus élevée.

Il convient en outre de noter que le traitement favorable accordé à l’administration pénitentiaire en matière de création d’emplois n’a pas permis d’atteindre les prévisions de la loi de programmation sur la justice de 1995, qui prévoyait la création de 3.920 emplois sur cinq ans. En 2000, seuls 2.585 emplois ont été créés, soit 66 % de ceux prévus initialement.

Or, compte tenu des délais de formation des personnels et de la difficulté de recrutement du personnel administratif, il existe un décalage important entre les effectifs budgétaires et les effectifs réels. Ainsi, au 1er janvier 1999, les effectifs budgétaires s’élevaient à 25.474. Pourtant, 326 postes étaient vacants, dont 195 postes d’insertion et de probation et d’assistants sociaux, 111 postes administratifs et 10 postes de direction.

B) UNE GESTION DISCUTABLE DES DEPARTS A LA RETRAITE : LA BONIFICATION DU CINQUIEME

L’article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire a accordé au personnel de surveillance de l’administration pénitentiaire un régime dérogatoire de retraite identique à celui dont bénéficie le personnel de la police depuis 1957.

Concrètement, au 1er janvier 2000, la limite d’âge des surveillants est abaissée à 55 ans. En outre, les agents peuvent demander à bénéficier de la jouissance immédiate de la pension s’ils se trouvent à moins de cinq ans de la limite d’âge. La bonification d’annuités est octroyée à raison d’une annuité par cinq ans de service effectif passé dans le corps de personnel de surveillance, nul ne pouvant se voir attribué plus de cinq annuités au titre de la bonification.

Un dispositif de transition a cependant été prévu pour la période s’étendant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1999, qui vise à limiter le nombre des départs en retraite afin de faciliter la gestion des effectifs. De 1996 à 1999, la limite d’âge a été abaissée d’une année par an, permettant le passage progressif de 60 à 55 ans.

Toutefois, l’adoption de la bonification du cinquième ne s’est pas accompagnée d’un plan de recrutement destiné à combler les vacances de postes. Or, à partir de 1998, une distorsion importante est apparue entre le volume des promotions d’élèves-surveillants appelés à sortir de l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire et les vacances d’emplois de surveillant constatées dans les établissements, alors même que l’ensemble des postes budgétaires vacants avaient été offerts aux concours.

La cause de ce déficit résidait essentiellement dans l’accélération des sorties de corps générées par l’abaissement des limites d’âge de 60 à 55 ans : 500 fonctionnaires sont partis en 1998 ; plus de 1.000 quitteront l’administration pénitentiaire en 2000.

Le développement de fortes tensions au sein des établissements pénitentiaires a conduit la ministre de la justice à demander l’autorisation de recruter de nouveaux surveillants en surnombre. Au titre de l’exercice 1998, 400 recrutements en surnombre lui ont été accordés, et une même mesure portant sur 507 surveillants a été acceptée en 1999 afin d’amortir les effets de la bonification du cinquième.

La commission d’enquête constate que les surnombres n’ont pas permis de pallier toutes les vacances de postes en raison du décalage de huit mois lié à la formation des élèves surveillants. En outre, le recours aux surnombres est contraire aux règles de comptabilité publique et contribue à affaiblir le rôle du Parlement puisque cette technique modifie le nombre des créations d’emplois autorisé lors du vote de la loi de finances.

La commission d’enquête ne peut donc que regretter la gestion déficiente des départs liés à l’instauration de la bonification du cinquième.

C) LES PERSONNELS ADMINISTRATIFS ET TECHNIQUES, PARENTS PAUVRES DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE

Comme l’indique la Cour des comptes dans son rapport précité : " En nombre réduit (2.192 personnels administratifs et 640 techniques sur un total de 25.000 agents), ces personnels souffrent d’un faible taux d’encadrement (on ne compte notamment que 90 attachés pour toute la France), d’une faible reconnaissance (aucun organigramme ne définit leur place au sein des services) et de la concurrence de personnels de surveillance occupant souvent des postes administratifs ou techniques tout en percevant un traitement supérieur de près d’un tiers au leur.

" L’absence de définition d’effectifs de référence pour les personnels administratifs et de reconnaissance de leurs métiers est l’une des principales causes des difficultés de gestion auxquels sont confrontés de nombreux établissements pénitentiaires, qui les contraignent d’une part à utiliser d’autres solutions telles que le recrutement de " vacataires permanents ", qui sont dans certains établissements les seuls personnels administratifs, et l’affectation de surveillants à temps plein sur des postes administratifs ou techniques d’autre part.

" Aucun de ces deux remèdes n’est satisfaisant, ni au regard du droit de la fonction publique, qui encadre strictement le recours aux vacataires, a fortiori à titre permanent, ni à l’aune de la bonne gestion des deniers publics, puisque la substitution de personnels de surveillance à des fonctionnaires des corps administratifs ou techniques entraîne un surcoût en raison de la situation indiciaire et indemnitaire plus favorable des premiers. "

D’une manière générale, la commission a constaté lors de ses visites d’établissements que nos prisons manquaient de plombiers, d’électriciens, de peintres, voire de serruriers ! 675 agents seulement sont responsables de l’entretien de 186 établissements pénitentiaires. Ceci explique sans doute en partie l’état déplorable du parc pénitentiaire et l’absence quasi totale de maintenance.

Le recours aux détenus volontaires et rémunérés, dans le cadre de la formation professionnelle, développé dans plusieurs établissements visités, est de nature à pallier les carences de l’administration tout en jouant un rôle de réinsertion pour les intéressés.

Par ailleurs, les organigrammes23(*) les plus récents datent de 1988 et ne portent que sur le personnel de surveillance, laissant de côté les besoins en personnel administratif et technique. Tout se passe comme si l’on considérait que la vie d’un établissement se résume à la tenue d’un certain nombre de postes affectés à la détention : ni les tâches de gestion administrative, ni les fonctions techniques (entretien, maintenance), ni les activités socio-éducatives et culturelles, sans lesquelles pourtant la mission de service public pénitentiaire ne pourrait être remplie, ne sont mesurées, et partant, correctement pourvues.

Lors de son audition, Mme Martine Viallet, directrice de l’administration pénitentiaire, a constaté que " le nombre de personnels administratifs et techniques est insuffisant. Au 1er janvier 2000, ils étaient respectivement 2.308 et 675. Une étude par un consultant extérieur achevée début 2000 conclut à une insuffisance de 582 personnels pour le total de ces deux catégories. "


Source : Assemblée nationale. http://www.senat.fr