Le Liechtenstein n’était en 1719 qu’une Principauté, 343ème Etat du Saint Empire, avant de devenir en 1806, un Etat souverain.

Economiquement dépendant de son grand voisin autrichien, le Liechtenstein s’est juridiquement lié à l’Autriche avec laquelle on a coutume de dire qu’il entretient " des liens de c_ur " - le Prince régnant a d’ailleurs la nationalité autrichienne.

En 1852, le Liechtenstein conclut ainsi avec l’Autriche une Union Douanière que le Parlement Liechtensteinois devait dénoncer à l’unanimité le 2 août 1919, la chute de l’Empire austro-hongrois ayant eu raison de ce Traité. Ce qui fait dire aux commentateurs de son histoire : " Après avoir largement profité de l’Autriche pendant soixante cinq ans, les liechtensteinois, dont le bon sens paysan est remarquable, retiraient leur mise du jeu et portaient leur regard vers l’opulente Helvétie " (1).

Le Liechtenstein met donc en place avec la Suisse une nouvelle Union Douanière en 1923 et introduit en 1924 le franc suisse.

Les années d’après guerre constituent pour le pays une période charnière avec l’adoption d’une nouvelle Constitution en 1921 et d’une législation sur les trusts en 1928.

Cette période est également marquée en 1927 par de terribles inondations, qui éprouvent durement l’économie du pays, elles sont suivies en 1928 par le krach de la Caisse d’Epargne qui réduit à néant les réserves de l’Etat. Le Liechtenstein sort financièrement ruiné de cet épisode et lourdement endetté à l’égard de la Suisse.

Cette première après guerre économiquement difficile laisse le champ libre à la réalisation d’étranges aventures financières et c’est à cette époque que le Liechtenstein commence à acquérir une image contestable.


Le Liechtenstein : une " vaste société privée assez suspecte. "

" La période d’euphorie, puis d’incertitude qui caractérise l’après-guerre donne naissance à une faune d’aventuriers et d’escrocs dont certains voient dans la principauté un terrain propice à exploiter ; elle permet les demandes les plus extravagantes comme celle de la " Globocapital Association " qui, moyennant une rémunération confortable, n’exige pas moins que la cession d’un territoire à pleine compétence internationale, en vue de servir de base territoriale à un trust destiné à propager une monnaie internationale, le " globo ", garanti par l’or et l’argent. Le Gouvernement de Vaduz se déclare malgré tout incompétent. Le Volkspartei engage aussi le pays dans une Loterie Nationale affermée à des financiers de New-York. De cette période, se dégage une impression de malaise ; la principauté prend l’allure d’une vaste société privée assez suspecte qui abuse de sa compétence internationale pour s’enrichir, ou plutôt pour se remettre de la ruine provoquée par l’effondrement de la monnaie autrichienne. "

In Pierre Raton, Le Liechtenstein, Sirey 1949.


Sur le plan politique, le Liechtenstein a proclamé sa neutralité depuis 1914, qu’il réussit à préserver en 1939, ce qui lui vaudra l’arrivée en 1945 de 7 000 réfugiés sur son sol, réclamant le droit d’asile.

En mars 1939, le Président de la Diète, le chanoine Anton Frommelt réussit à déjouer la tentative d’une centaine de nazis liechtensteinois de marcher sur Vaduz pour procéder à un Anschlu ? et renverser la monarchie.

Dès le début du conflit en 1939, le Gouvernement se fait attribuer les pleins pouvoirs et le Prince décide de proroger le mandat des parlementaires pour une durée indéterminée officiellement " en raison de la nécessité d’assurer la continuité dans la législation et de l’administration " officieusement par crainte de voir arriver aux élections de 1943 des défenseurs du régime nazi.

En 1946, les nazis liechtensteinois sont jugés par les tribunaux ordinaires de leur pays.

Au sortir de la guerre, le Liechtenstein, économiquement très affaibli, doit à nouveau construire les bases de son développement.

Arrimé à la Suisse, déjà doté d’une législation attractive tant sur le plan fiscal que sur celui du droit des sociétés, le pays décide pour la seconde fois de fonder son développement sur l’économie financière.

Cette deuxième tentative sera la bonne et dans les années soixante la réputation du Liechtenstein n’est plus à faire : c’est un paradis fiscal faisant du secret un principe quasi constitutionnel.


Un paradis fiscal au secret d’Etat

" Quant au nombre de ces sociétés, il faut bien dire que les chiffres les plus fantaisistes circulent. Cinq mille, disent les uns ; vingt-cinq mille, disent les autres. Il semble toutefois, selon les experts les plus sérieux, que l’ordre de grandeur se situe vraisemblablement aux alentours de treize mille. Ces sociétés s’appellent aussi tantôt fondation, tantôt établissement, tantôt trust. Toutes, sans exception, bénéficient du secret absolu du fisc et des banques. Au Liechtenstein, l’obligation du secret est d’ailleurs expressément mentionnée dans la loi sur la sécurité de l’Etat. Ce secret d’Etat, jalousement gardé, assure la protection d’un système qui s’avère une source importante de revenus pour le pays. Le Gouvernement liechtensteinois, il est vrai, a promulgué récemment une nouvelle loi fiscale, qui est restrictive parce que les possibilités d’" arrangements fiscaux " s’y trouvent désormais en partie condamnées. J’ai rencontré M. X..., avocat liechtensteinois aux lourdes responsabilités. Il représente et gère à Vaduz un nombre appréciable de sociétés. Il m’a reçu dans une bibliothèque où il faisait bon vivre, feutrée, élégante, raffinée. Petit cigare, café crème - on vous en offre tout le temps au Liechtenstein - boiseries d’un Louis XV discret, bureau Empire, un peu solennel. - Alors, c’est vrai ? C’est fini ? Voilà que le Liechtenstein institue un contrôle strict des fameuses " sociétés " ? Il n’a pas répondu tout de suite. Il s’est calé dans son fauteuil. Il a écarquillé les yeux d’un air amusé. Il a saisi son petit cigare. Prenant son temps, il a ensuite projeté vers le plafond trois ronds de fumée bleuâtre parfaitement réussis. Enfin, nonchalamment, il a reposé le très beau coupe-papier en ivoire avec lequel il jouait depuis un moment : - Pourquoi diable voulez-vous que nous nous mettions la corde au cou ? Que nous supprimions un système qui satisfait au fond tous les intéressés ? Je dis bien, tous les intéressés. (...) - Ce qu’il est convenu d’appeler " le privilège holding " n’est donc pas aboli ? - Nullement. La signification du privilège holding est très large, les sociétés holding ont pour objectif essentiel la gérance de fortune, la participation ou la gérance permanente de participations en d’autres entreprises. En revanche, les sociétés de résidence possèdent seulement leur siège social dans le pays - avec bureau ou non - et un représentant, mais déploient leurs activités uniquement à l’étranger. Avoir un bureau au Liechtenstein qui se charge de la correspondance avec les clients et banques, des factures, de la tenue des livres, du téléphone, et du télex demeure toujours possible. "

In Hubert d’Havrincourt, Liechtenstein, Ed. L’Atlas des Voyages 1964.



Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr