Sans le visa de l’ONU, le nouvel Irak n’aura pas lieu

Question : Serguéi Viktorovitch, saura-t-on quand même faire retourner le règlement du problème irakien au sein de l’ONU, et dans quelle variante ?

Réponse : Oui, c’est la position de principe de la Russie, que nous défendons au Conseil de sécurité de l’ONU avec la majorité des autres membres du Conseil de sécurité. Le problème irakien reste aigu, sur plusieurs aspects. Actuellement, le Conseil de sécurité a commencé à s’occuper activement de problèmes nouveaux, humanitaires, qui sont dus déjà aux hostilités. On a adopté la résolution spéciale, qui confirme la responsabilité des puissances d’occupation en conformité avec les Conventions de Genève visant les garanties des besoins des civils.

Cette même résolution a soutenu l’appel humanitaire du secrétaire général de l’ONU sur le besoin de l’aide bénévole aux habitants de l’Irak. De plus, cette résolution a provisoirement, pour 45 jours, modifié le programme "pétrole contre vivres", puisque beaucoup de cargaisons qui, en conformité avec les contrats signés, étaient déjà en route, avaient besoin d’être acheminées jusqu’à la population irakienne d’une façon ou d’une autre.

Récemment, ont eu lieu des débats sur la situation en Irak avec la participation de tous les États-membres de l’ONU qui ont voulu y participer, les représentants d’environ 70 pays sont intervenus. Actuellement, les pays non alignés examinent la question de la convocation de l’assemblée générale de l’ONU avec le même ordre du jour.

Question : Voit-on des changements de la position de la délégation américaine ?

Réponse : Non, pour l’instant, on ne le voit pas. Les représentants américains À l’ONU disent la même chose que ce que nous entendons tous les jours venir de Washington : la coalition des vainqueurs, entendrait assurer elle-même la première étape d’aménagement de l’Irak - jusqu’au moment où l’on pourra transmettre le pouvoir au nouveau gouvernement de ce pays. Si ces projets sont réalisés, ce sont les autorités d’occupation qui assumeront la responsabilité de l’évolution de la situation avec toutes les conséquences qui en découlent.

Concernant la formation du gouvernement irakien, les représentants de la majorité écrasante des États ne voient pas d’autre voie de la légitimation de ce cabinet et de la formalisation des nouvelles structures étatiques de l’Irak qu’à travers le rôle dominant de l’ONU dans ce processus.

Question : Vu la guerre en Irak, on a commencé de nouveau à parler de la crise que, soi-disant, vit l’ONU, et, en particulier, son Conseil de sécurité. Peut-être que les derniers événements pousseront les délégations à reprendre une sérieuse discussion sur la révision du travail et de la composition et de l’ONU, et du Conseil de sécurité, avec l’introduction au sein de celui-ci des États comme l’Allemagne, le Japon, l’Inde, le Brésil ?

Réponse : Mais l’ONU n’est pas une organisation abstraite, détachée des États qui la composent ! Elle est aussi forte et efficace que les membres de l’ONU le veulent. Et, en l’occurrence, nous avons la situation où deux pays pour le moins -membres permanents du Conseil de sécurité- ont décidé d’agir non seulement en éludant le Conseil de sécurité, mais en éludant les statuts de l’ONU et les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Ils n’ont toujours persuadé personne, que la guerre en Irak était bien fondée, justifiée et juste.

Donc, je crois qu’on voit plutôt la crise dans les rapports entre ces pays et tous les autres membres de l’ONU.

Le désir manifeste de la Grande-Bretagne d’accorder à l’ONU un rôle important, sinon central, dans l’aménagement d’après-guerre de l’Irak veut dire que certains membres de la coalition militaire comprennent leur erreur, comme cela avait été qualifié par les dirigeants russes.

Beaucoup d’États estiment qu’on devrait introduire au sein du Conseil de sécurité de nouveaux membres permanents, mais un grand groupe de pays, et assez influents, propose de n’étendre le Conseil de sécurité que dans la catégorie des membres non permanents, c’est-à-dire ceux qui sont élus pour deux ans.

Ce différend est très sérieux. La Russie occupe une position souple, nous sommes prêts à soutenir toute variante, autour de laquelle sera formé le consensus, y compris accorder le statut des membres permanents, par exemple, aux dits États plus, obligatoirement, à un pays africain. Nous sommes prêts à examiner aussi différentes combinaisons entre ces deux variantes.

L’essentiel dans notre position est de ne laisser en aucun cas souffrir les prérogatives des membres permanents actuels du Conseil de sécurité. Et en cas de l’ajout de nouveaux membres permanents du Conseil de sécurité, il faudra au même titre garantir les droits et les intérêts non seulement des pays développés, mais aussi des États et régions en développement, pour éviter d’avoir les membres permanents de premier et de second choix, car cela serait perçu négativement à l’extrême par la majorité des membres de l’ONU.

Question : Comment les USA voient-ils l’éventuelle réforme du Conseil de sécurité de l’ONU ?

Réponse : Actuellement, les Américains parlent de la réforme très à contrecœur, bien que récemment encore, ils l’aient vue positivement, appelant à adopter en tant que membres permanents le Japon et l’Allemagne. Les USA ont toujours été assez prudents quant à la présence au Conseil de sécurité des représentants permanents des régions en développement.

Question : Ces derniers temps, à l’Occident augmente le nombre de politiciens et d’experts, qui estiment que ce sont les pays du G8 qui devraient se charger dans un avenir proche de la solution de certains problèmes internationaux primordiaux. Comment voyez-vous cette idée ?

Réponse : Si l’on aborde ce problème du point de vue du droit international, c’est impossible. Je ne pense pas que les pays du G8, malgré toute leur puissance cumulée, disposent de l’expertise, de l’expérience et des mécanismes que possède l’ONU, et qui sont nécessaires pour résoudre les problèmes modernes les plus aigus, y compris les nouveaux défis comme le terrorisme, la menace de drogue, le crime organisé.

Sur toutes ces pistes, le G8 possède ses projets et élaborations concrètes, mais le caractère global de pareilles menaces ne permet pas d’espérer que 8 pays pourront résoudre ces problèmes pour le compte de toute l’humanité et pourront garantir ne serait-ce que leur propre sécurité sans s’appuyer sur les structures vraiment universelles que seule l’ONU représente.

Les USA sont eux-mêmes assez intéressés à l’ONU non seulement pour lutter contre les menaces citées, mais pour régler les conflits régionaux. On voit une situation assez compliquée en Afghanistan, où l’intérêt des Américains à garantir le rôle central de l’ONU est évident. La situation avec les programmes nucléaires de la RPDC, ils ne veulent non plus l’examiner à l’étape actuelle qu’au sein du Conseil de sécurité. Idem concernant les conflits en Afrique. Il existe, enfin, le processus très compliqué du règlement proche-oriental, que l’on ne peut résoudre que sur la base des résolutions de l’ONU et avec le rôle actif de l’ONU.