La présidente rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d’enquête et fait prêter serment à MmeMaestracci.

Mme Nelly OLIN, Présidente. - Nous sommes heureux de vous accueillir, et je laisse très volontiers la parole à M. le Rapporteur, qui va vous dire deux mots de bienvenue.

M. Bernard PLASAIT, Rapporteur. - J’attendrai la fin de votre exposé pour vous poser des questions, mais comme Mme la Présidente m’y invite, je vous souhaite la bienvenue et je suis heureux de vous écouter et de pouvoir vous poser toutes ces questions.

Mme la Présidente. - Nous allons essayer de caler votre audition et votre rapport sous une dizaine de minutes environ, sachant que le rapporteur et nos collègues souhaitent vous poser un certain nombre de questions auxquelles vous devrez avoir le temps de répondre. Sans perdre de temps, je vous donne très volontiers la parole.

Mme MAESTRACCI. - Merci, madame la Présidente. Je vous remercie de m’entendre, sachant que j’ai quitté mes fonctions depuis octobre 2002.

Vous disposez d’un certain nombre de documents relatifs au plan triennal et au programme qui a été mis en place pendant ces quatre ans, mais je peux vous en fournir d’autres. Il me semble donc important d’aller à l’essentiel, et je voudrais à ce titre faire quatre observations préalables.

Premièrement, il me semble que, pour conduire une politique publique dans le domaine des drogues, il faut admettre et considérer comme acquis le fait qu’il n’y a pas de société sans drogue. Je tiens à m’expliquer sur ce point parce qu’il a été souvent mal compris. Lorsque je dis qu’il n’y a pas de société sans drogue, cela veut dire que j’admets que la drogue est l’un des signes de la fragilité humaine.

Au fond, la motivation à consommer des drogues est toujours la même, depuis toujours et dans tous les pays. Il s’agit parfois d’avoir du plaisir, mais, dans la plupart des cas, de ne pas souffrir, de surmonter des moments difficiles ou d’améliorer ses performances.

Admettre qu’il n’y a pas de société sans drogue, ce n’est pas baisser les bras, bien au contraire ; c’est définir l’espace dans lequel on peut travailler et conduire une politique publique. Le fait de dire que l’on va éradiquer toute drogue sur la planète ou dans un pays donné est peut-être aussi absurde que de dire que l’on va éradiquer la fragilité humaine.

Ce que je dis n’est pas nouveau, puisque c’était déjà ce que disait Monique Pelletier dans son rapport qui date de 1978 : "L’usage des drogues est un phénomène durable, ce qui conduit à tenter de vivre avec, au moindre coût sanitaire et social".

Pour moi, ce n’est pas un constat d’impuissance. Il s’agit simplement d’être capable de dire ce qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas faire, mais aussi d’en tirer une conséquence : l’objectif de la politique publique dans le domaine des drogues est de réduire les dommages sanitaires et sociaux liés à l’usage des drogues.

Cet objectif inclut évidemment la baisse de la prévalence des drogues. En effet, si on veut diminuer les dommages sanitaires et sociaux liés à l’usage des drogues, il faut évidemment diminuer la prévalence, mais ce n’est pas le seul objectif. L’objectif de protection de nos concitoyens est bien de les protéger des dommages pour eux-mêmes et pour les autres.

Ma deuxième observation est la suivante : sur les politiques publiques dans le domaine des drogues, la marge de manoeuvre est extrêmement étroite. J’en veux pour preuve le fait que les politiques européennes ont tendance à converger bien plus qu’à se distinguer, parce que, d’une part, elles s’appuient de plus en plus sur des données scientifiques qui sont fiables et qui procèdent de systèmes d’observation de plus en plus performants et que, d’autre part, l’évolution des données épidémiologiques dans tous les pays européens est comparable, sans d’ailleurs qu’elles puissent être corrélées à une plus ou moins grande répression ou à une loi plus ou moins répressive, ce qui ne veut pas dire pour autant que cela invalide l’ensemble des mesures qui ont été prises dans les politiques publiques.

Les politiques européennes sont de plus en plus convergentes parce que les pays européens savent de plus en plus de choses, ce qui les a conduits à une certaine humilité et à un certain pragmatisme.

Nous savons tous aujourd’hui que nous ne pourrons pas faire de cette question complexe une question totalement simple et que l’on est forcément face à la nécessité de faire un arbitrage délicat entre la liberté individuelle et la responsabilité collective. Néanmoins, on voit bien que les pays donnent des réponses assez comparables à des questions qui sont assez comparables.

Quelles sont ces réponses ? Je les cite d’une manière sommaire :

la mise en place d’outils d’observation et d’évaluation,

une répression très sévère du trafic et un contrôle strict aussi bien des produits illicites que des précurseurs ;

la recherche d’une réponse plutôt sociale et sanitaire pour les usagers, en ne proposant pas de peines de prison pour les usagers et la recherche d’une réponse sociale et sanitaire alternative à la sanction ou à l’incarcération ;

une politique de prévention et de soins qui inclut, dans la plupart des pays, le tabac et l’alcool ;

des programmes de réduction des risques ou des dommages pour les usagers les plus marginalisés, en particulier des programmes de réduction des risques infectieux ;

le développement des traitements de substitution pour les usagers d’opiacés.

D’une manière générale, c’est cette politique qui est suivie dans la plupart des pays et c’est d’ailleurs la stratégie européenne et le plan européen qui ont été adoptés en juin 2000 par l’Union européenne.

Ma troisième observation, c’est que les politiques conduites dans ces domaines exigent du temps, de la continuité et une large adhésion de l’opinion publique.

Toutes les comparaisons européennes qu’on a pu faire montrent que, pour mettre en place une politique de prévention cohérente, il faut environ dix ans, une période quasiment incompressible compte tenu du nombre d’acteurs informés. Il en résulte qu’il est très difficile, dans un pays, de changer les politiques tous les trois ans ou tous les cinq ans en fonction des alternatives politiques. On voit d’ailleurs très bien que les pays qui ont commencé à mieux réussir dans le domaine des drogues sont ceux qui ont su mener un débat et dans lesquels la politique de lutte contre la drogue recueille une certaine adhésion de l’opinion publique qui va bien au-delà des clivages politiques.

J’en viens à ma quatrième observation. Les politiques de lutte contre la drogue ne peuvent être isolées des autres politiques publiques, et je voudrais donner à ce point de vue deux exemples.

Le premier concerne la prise en charge du repérage des consommations problématiques par la médecine de proximité. Ce n’est pas un secret de dire que, dans notre pays, la médecine est beaucoup plus curative que préventive. Ce n’est donc pas une politique de lutte contre la drogue qui va faire en sorte que l’ensemble des médecins généralistes pose aux personnes qui viennent les consulter un certain nombre de questions sur leur consommation de drogues illicites, de tabac ou d’alcool.

Le deuxième exemple est celui de la prévention. On peut améliorer — et on s’y est employé — la situation de la prévention des drogues et des conduites à risques, mais il est évident que nous sommes dans un pays qui n’a pas de culture de la prévention, qui n’a donc pas de cadre adapté, qui n’a pas d’espace-temps dans les établissements scolaires consacré à la prévention et qui n’a pas non plus de professionnels de la prévention.

On peut faire cette observation dans d’autres domaines, comme la sécurité routière ou l’éducation sexuelle, et toute politique de lutte contre la drogue sera impuissante à l’améliorer totalement.

Voilà les quatre observations que je voulais faire et qui me paraissent importantes pour éclairer ce que j’ai pu faire pendant les quatre ans où j’ai été responsable de la MILDT.

J’ai été nommée en juin 1998. J’étais la treizième présidente de la MILDT en quinze ans et j’ai été nommée après plusieurs rapports assez critiques sur nos politiques de lutte contre les drogues, dans un contexte dans lequel la question était très controversée.

Je voudrais citer simplement les rapports qui me paraissent essentiels dans ce domaine, parce qu’au fond, je n’ai rien inventé. J’ai essayé de m’appuyer sur les réflexions qui avaient été menées par un certain nombre de personnes qui avaient été chargées d’établir des rapports depuis un certain nombre d’années.

Le premier rapport que je souhaite citer est celui du Comité national d’éthique, qui date de 1994. Dans ce rapport, on remet en cause la distinction entre les drogues licites et illicites, dont on considère qu’elle ne repose sur aucune base scientifique ou pratique, et on propose de modifier la loi pour ne sanctionner que les usages abusifs qui causent des dommages à autrui. Cela veut dire que ce rapport ne se prononce ni pour la libéralisation, ni pour la sanction de l’usage par la prison et qu’il propose une troisième voie : celle que je viens d’indiquer.

Le deuxième rapport que je citerai date de 1995. C’est celui du professeur Henrion qui s’interroge assez longuement sur l’immobilisme qui a prévalu en France sur ces questions pendant de nombreuses années et qui propose de modifier la loi, notamment en dépénalisant l’usage du cannabis. Après une longue discussion au sein de cette commission, qui était partagée, le rapport a finalement adopté le rapport en ces termes.

Troisième rapport : un rapport de la Cour des comptes, datant de 1998, qui était particulièrement critique à la fois sur le déficit de pilotage, sur l’évaluation, sur l’absence de programmes de communication, sur la formation, sur la prévention et sur l’inadaptation du système de soins aux besoins nouveaux.

Par ailleurs, je citerai un certain nombre de rapports de propositions, notamment le rapport du professeur Parquet, qui portait sur la prévention et qui insistait sur le fait que, bien plus que le produit lui-même, c’était le comportement de consommation qui déterminait le risque et qui distinguait l’usage nocif et la dépendance en proposant de mener une politique qui concerne l’ensemble des produits, qu’ils soit licites ou illicites.

Enfin, je me suis appuyée sur un certain nombre d’enquêtes épidémiologiques qui faisaient état en particulier de la polyconsommation des jeunes, associant à la fois l’usage de produits licites et de produits illicites. Je me suis aussi appuyée sur les chiffres de la police et de la justice, qui montraient à cette époque que le nombre d’interpellations pour usage n’avait cessé d’augmenter et qu’en revanche, il y avait plutôt une tendance à la baisse des interpellations pour trafic.

Ce sont tous ces éléments qui ont conduit à adopter le plan triennal tel qu’il est et qui, avec ses imperfections, avait l’ambition d’être un programme cohérent qui tenait compte de tout ce qu’on savait à l’époque et de toutes les réflexions qui avaient été faites dans ce domaine.

L’une des principales caractéristiques du plan triennal, dont il a été beaucoup question dans la presse et dans le débat public, a été d’élargir le programme du gouvernement à l’alcool, au tabac, aux médicaments psychoactifs et aux substances dopantes, ce qui ne voulait pas dire, bien entendu, que toutes ces substances allaient avoir le même sort, à la fois sur le plan juridique et en termes de soins ou de prévention, mais simplement que c’étaient les mêmes personnes, bien souvent, qui consommaient plusieurs de ces produits en même temps et qu’il était donc nécessaire d’avoir un programme non cloisonné par produit, tout en tenant compte des spécificités, mais aussi des points communs qui sont beaucoup plus nombreux que les spécificités de chacun des produits.

Nous avons donc articulé le plan triennal autour de sept points que je ne vais pas définir avec précision parce que je pense que vous avez tous les éléments, en particulier le plan triennal.

Par ailleurs, j’ai apporté, pour vous le laisser, un premier bilan que j’avais remis en juillet 2002 au cabinet du premier ministre, de telle sorte que vous ayez un certain nombre d’éléments.

Le premier de ces sept points portait sur la question de la recherche, ce qui impliquait à la fois le développement de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies et le développement des systèmes d’observation ainsi que la réalisation d’expertises collectives pour être capable de faire le point, à un moment donné, de l’état des connaissances scientifiques nationales et internationales sur tel ou tel produit ou sur tel ou tel comportement (c’est ce que nous avons fait sur l’ecstasy, sur l’alcool et sur le cannabis) et la mise en place de programmes de recherche. Il était fondamental, dans ce domaine très controversé, de nous appuyer sur des données scientifiques fiables.

Le deuxième point avait pour objet le problème de la communication et de l’information. Lorsque je suis arrivée à la MILDT, il n’y avait pas eu de programme de communication depuis 1994, donc aucun message à destination du grand public. C’est pourquoi il a été choisi de mettre à disposition du grand public des informations fiables, parce qu’il était absolument indispensable de retrouver une crédibilité auprès des jeunes. Il ne suffisait pas de dire non à la drogue ; il fallait être en mesure d’expliquer les raisons pour lesquelles l’interdit existait.

C’est ainsi qu’ont été réalisés le petit livre "Savoir plus, risquer moins" et un certain nombre de campagnes d’information qui avaient pour objectif, dans un premier temps, de donner des informations justes et fiables en disant ce qu’on savait mais aussi ce qu’on ne savait pas.

J’ai déjà indiqué quelles étaient les limites de la prévention dans notre pays (vous le verrez dans la note que j’ai remise au premier ministre). Il serait à mon avis nécessaire d’avoir une réflexion beaucoup plus transversale sur cette question de la mise en place de programmes de prévention. Nous avons fait un travail de cohérence des programmes et de formation des acteurs et, même si nous avions eu deux fois plus de crédits, je pense que nous ne serions pas parvenus à toucher l’ensemble de la population scolaire avec des programmes de prévention parce qu’il nous manque, comme je le disais tout à l’heure, un cadre, un espace et des professionnels en mesure de faire de la prévention dans notre pays.

La formation est nécessairement un programme de longue durée et il prendra du temps. Nous avons en effet entrepris de commencer à former l’ensemble des professionnels non spécialisés ; je veux dire par là qu’ils ne sont pas spécialisés dans le domaine de la toxicomanie mais qu’à un titre ou un autre, ils ont à prendre en charge des jeunes usagers ou des jeunes susceptibles de l’être, c’est-à-dire aussi bien des enseignants que des médecins, despoliciers ou des juges, ce qui représente un nombre de personnes considérable. Nous avons beaucoup travaillé avec les services de formation des différents ministères et c’est un travail qui doit s’inscrire dans la durée.

Enfin, sur les soins, nous avons essayé de diversifier les réponses et de rapprocher les structures de soins pour alcoolo-dépendants et pour usagers de drogues et nous avons surtout essayé de mettre en place des réseaux de médecins généralistes qui puissent mieux repérer les consommations abusives avant qu’elles deviennent dépendantes, mieux orienter les personnes sur les structures de soins qui existaient déjà en partie et mieux travailler avec l’hôpital. Dans ce cadre, nous avons créé des équipes de liaison hospitalières pour aider les différents services hospitaliers à prendre en charge les usagers de drogues et d’alcool à l’hôpital.

C’est aussi un travail qui a été amorcé et qui a fait l’objet d’un certain consensus mais qui nécessite beaucoup de temps.

Sur l’application de la loi, nous avons essayé de mieux articuler l’action de la justice et l’action sanitaire et sociale par des conventions entre les services de soins et les procureurs de la République, un programme qui n’a pas encore totalement abouti. L’objectif était que l’ensemble des usagers qui ont affaire à la justice pour une consommation excessive d’alcool ou un délit lié à la drogue puissent bénéficier d’une orientation sanitaire et sociale, quelle que soit la sanction pénale par ailleurs : s’ils ont commis d’autres délits, ils peuvent avoir une sanction pénale et, en même temps, une orientation sanitaire et sociale. Malheureusement, nous sommes loin d’avoir réalisé cet objectif parce que c’est également un travail qui doit s’inscrire dans la durée.

Enfin, nous avons essayé de mettre en place de nouveaux outils pour la répression du trafic local en coordonnant mieux les différents services répressifs et en les incitant à utiliser de nouveaux outils juridiques, en particulier la loi de 1996 sur le proxénétisme de la drogue.

Nous avons également essayé de renforcer la coordination locale et nationale en renforçant les chefs de projets départementaux qui existaient déjà et la structure de la MILDT, qui a maintenant un certain nombre d’emplois permanents au secrétariat général du gouvernement.

Voilà ce que je pouvais vous dire dans un premier temps.

Mme la Présidente. - Si vous en êtes d’accord, je vais vous demander de cesser votre intervention parce que je n’oublie pas qu’au fur et à mesure des questions que vous posera le rapporteur, vous pourrez répondre à un certain nombre de demandes et compléter votre exposé.

Monsieur le Rapporteur, je vous donne très volontiers la parole.

M. PLASAIT. - Je vous remercie de votre exposé, madame, que vous avez commencé en disant qu’il n’y a pas de société sans drogue. Je pense que c’est vrai, mais à chaque société ou à chaque culture sa drogue : il est vrai qu’on imagine mal que l’on puisse empêcher les Boliviens de mâcher des feuilles de coca ou les Marocains de fumer du kif et qu’en France, il est particulièrement difficile de lutter contre l’alcool, puisque ce sont des drogues qui sont intégrées à des pratiques culturelles extrêmement anciennes.

Pour autant, cela voudrait-il dire qu’il faut accepter d’autres drogues qui seraient éventuellement en passe de devenir des habitudes culturelles ? C’est la question que je me pose.

Cela me conduit à rappeler que l’action de la MILDT, que vous avez présidée, a eu comme fondement le plan triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure. Dans l’avant-propos de ce document, vous précisiez ceci : "Tout en rappelant l’interdit, ce plan se fixe comme objectif, non pas de supprimer toute consommation de produits psychoactifs, mais de réduire de manière significative les risques humains sanitaires et sociaux de leur usage".

Ma première question, fondée sur ce texte, est la suivante : quelle pertinence peut-on donner à cet objectif quand on connaît tous les dangers, qui sont graves, des différentes drogues, notamment du cannabis ?

Mme MAESTRACCI. - Une société idéale n’existe pas. Lorsque je parle de cette question de la société sans drogue, propos qui a été souvent mal interprété, il ne s’agit pas pour moi de dire que cela conduit à baisser les bras ou à faire un constat d’impuissance mais à indiquer notre marge de manoeuvre, parce que, tant que les hommes seront hommes, ils chercheront à consommer des produits. Si cela n’avait d’ailleurs pas été le cas, compte tenu des moyens qui ont été mis pour la lutte contre la drogue depuis un certain nombre d’années au plan international, nous ne serions pas dans cette situation.

C’est une manière de dire qu’il faut essayer de travailler dans le contexte dans lequel nous pouvons le faire.

Par ailleurs, nous savons bien, que les produits soient illicites ou licites, qu’il ne suffit pas de dire que les produits sont dangereux pour éviter que les personnes en consomment. Nous le savons pour le tabac et l’alcool et aussi pour un certain nombre de produits illicites.

Nous avons donc à conduire une politique de restriction et d’interdiction de l’accès à certains produits, mais nous avons aussi à ne pas nous voiler la face. Ce n’est pas parce que nous disons non ou parce que nous interdisons que les produits ne sont pas consommés, et c’est la raison pour laquelle nous avons dit qu’il était bien mieux de ne pas consommer et qu’il fallait avoir une politique qui vise à ce qu’on évite de consommer, mais aussi à ce qu’on évite de passer d’une consommation occasionnelle à une consommation nocive.

M. PLASAIT. - Dans la politique que vous avez mise en oeuvre, avez-vous eu vraiment la préoccupation majeure de dénoncer les dangers de certains produits, notamment du cannabis ?

J’observe que vous n’avez jamais organisé de campagne d’information sur le cannabis et sur ses dangers. C’est donc sans doute une carence en matière de prévention puisque vous n’avez pas, d’emblée, donné les informations les plus justes, notamment pour prévenir les comportements problématiques des jeunes.

Mme MAESTRACCI. - Nous avons essayé de nous appuyer sur l’ensemble des données scientifiques dont nous disposions. J’ai demandé énormément d’enquêtes épidémiologiques. Nous avons mis en oeuvre de très nombreux programmes scientifiques et j’ai consulté beaucoup d’experts. Je ne suis ni médecin, ni scientifique mais magistrat, et je me suis attachée à ne faire sortir de la MILDT que des choses qui étaient validées scientifiquement.

Quand nous sommes arrivés, en 1998, il n’y avait eu aucune campagne sur aucun produit depuis 1994 et les campagnes qui avaient eu lieu précédemment étaient indifférenciées : elles disaient "non à la drogue" ou "la drogue, c’est dangereux", et les évaluations que nous avions pu faire de ces campagnes montraient qu’elles n’avaient pas été crédibles pour les jeunes parce que, lorsqu’on mettait tous les comportements de consommation et tous les produits sur le même plan, les jeunes qui avaient expérimenté certains produits et pas d’autres et qui voyaient leurs camarades consommer telle ou telle chose ne croyaient pas les adultes.

C’est la raison pour laquelle nous avons pris le parti de donner une information très vaste qui était destinée à la fois aux jeunes, mais aussi à leurs parents et aux adultes, pour dire ce qu’on savait à cette époque sur les drogues.

Quand nous avons publié ce livre "Savoir plus, risquer moins", nous avons été dépassés par son succès puisqu’il a été immédiatement en rupture de stocks, qu’il en a été vendu un million d’exemplaires et qu’on l’a diffusé à 5 millions d’exemplaires gratuitement. Nous l’avons fait relire par l’ensemble des experts du champ, de telle sorte que son contenu ne puisse être contesté par personne, et, de fait, son contenu n’a pas été contesté et je n’ai reçu aucune observation. On a tellement consulté auparavant qu’après qu’il a été publié, je n’ai reçu aucune observation me disant que nous avions torts sur tel ou tel point. Vous verrez d’ailleurs à la lecture de ce livre que les informations sur le cannabis et ses dangers et le fait que nous avons attiré l’attention de tous sur un certain nombre de dangers du cannabis ne sont pas contestables.

Effectivement, nous n’avons pas fait de campagne spécifique sur le cannabis, comme nous n’avons pas fait de campagne spécifique sur l’héroïne, l’ecstasy ou d’autres produits.

Je pense simplement que ce travail que nous avons fait avec Savoir plus risquer moins et qui a consisté à mettre à disposition des gens les connaissances scientifiques dont on disposait devait être suivi d’un certain nombre de campagnes plus spécifiques. Nous avons commencé à le faire avec une campagne à destination des adultes et une campagne à destination des jeunes, et nous aurions dû poursuivre effectivement le travail.

M. PLASAIT. - Vous avez eu en charge la MILDT pendant cinq ans et, pendant cette période, je ne crois pas qu’il y ait eu de campagne sur le cannabis. Je ne crois pas non plus qu’il y ait eu de campagne contre l’alcool, puisque vous aviez réussi, ce qui est une excellente chose, à obtenir dans vos missions que soient traitées aussi les drogues licites : l’alcool et le tabac. En tout cas, on n’a pas rappelé aux vendeurs de boisson alcooliques qu’ils ne devaient pas vendre de boissons alcooliques aux mineurs.

Il a fallu attendre finalement que le Sénat prenne une initiative pour lutter contre la consommation de tabac chez les jeunes et vous n’avez pas rappelé aux chefs d’établissement qu’ils devaient appliquer la loi Evin dans l’enceinte des écoles.

Je me demande donc si, en cinq ans, il n’y a pas eu une carence d’informations et de campagnes sur le danger de ces trois drogues.

Mme MAESTRACCI. - Premièrement, j’ai été nommée en 1998, le plan a été adopté en 1999 et il faut beaucoup de temps pour mettre en place une campagne de communication. La première campagne de communication a été mise en place en 2000 et, pendant tout le temps où j’étais en fonction, des campagnes de communication ont été faites régulièrement, deux fois par an.

Deuxièmement, il y a eu des campagnes de communication sur l’alcool et le tabac, mais elles étaient financées par la Caisse nationale d’assurance maladie, même si nous y étions associés. Il y a donc eu des campagnes régulières sur l’alcool et le tabac.

Si vous voulez me faire dire que ce n’est pas suffisant, je le dis volontiers, parce que je considère que, dans ce domaine, il faudrait avoir des campagnes extrêmement régulières qui fassent en sorte que l’on entende un bruit de fond constant sur ces questions.

Je regrette donc que, depuis les élections, toutes les campagnes aient été arrêtées et que l’on se retrouve à nouveau dans une situation dans laquelle, pendant un an, il n’y aura pas de message à destination des jeunes. C’est la raison pour laquelle j’ai attiré l’attention sur la continuité.

Mme la Présidente. - Vous faites référence ici à un moment de vie qui n’a pas lieu d’être cité ici. En revanche, j’ai noté que, pendant tout le temps où vous avez été présidente de cette mission, comme vous l’avez dit d’ailleurs de manière très honnête, vous n’avez pas manqué de moyens financiers. Vous avez dit que même si vous aviez eu plus de moyens, vous n’auriez pas pu faire plus.

Mme la Présidente. - Je ne crois pas avoir dit cela. J’ai simplement dit que, même si nous avions eu plus de moyens dans le domaine de la prévention dans les établissements scolaires, nous n’aurions pas pu faire plus. En revanche, on ne peut pas dire que la MILDT, qui a eu, depuis que je suis arrivée (et même précédemment, puisque je n’ai pas vu les moyens augmenter), environ 300 MF, soit 45 M¤, ait bénéficié de moyens considérables, si on compare ces moyens à des pays européens équivalents.

M. PLASAIT. - Je voudrais revenir sur un point. Vous avez parlé tout à l’heure des rapports sur lesquels vous vous êtes appuyée, et vous n’avez pas cité le rapport Roques ni celui de l’Inserm, que vous avez demandé à la suite du rapport Roques. Je voudrais revenir sur ces deux rapports, parce qu’il me semble qu’ils font le point sur les connaissances, que l’on avait à l’époque et qui ont été un peu précisées depuis, sur la dangerosité du cannabis.

Or le rapport Roques a eu une conséquence extrêmement importante dans ce qu’on pourrait appeler le processus de banalisation du hasch dans notre société, puisque, en s’appuyant de façon fallacieuse sur les conclusions du rapport Roques, un grand quotidien a pu titrer : "Ecstasy condamné, cannabis acquitté".

D’une part, le rapport Roques ne dit pas cela (le professeur Roques nous l’a confirmé ici même) ; d’autre part, le rapport de l’Inserm que vous avez demandé en complément d’information sur le rapport Roques ne dit pas cela non plus mais exactement l’inverse.

Ma question est la suivante : pourquoi n’avez-vous pas réagi à l’interprétation qui a été faite de ce rapport, au risque de participer objectivement, par manque de réactions, à cette entreprise de banalisation que l’on peut regretter dans notre société ?

Mme MAESTRACCI. - Premièrement, l’augmentation de la consommation de cannabis dans notre pays avait commencé bien antérieurement à mon arrivée à la MILDT.

Deuxièmement, le rapport Roques a été rendu public avant ma nomination et je n’ai donc absolument pas participé à sa médiatisation.

Troisièmement, je me suis appuyée sur l’ensemble des observations qui ont été faites dans le rapport Roques et non pas sur le dernier tableau de comparaison, qui a été beaucoup discuté, et j’ai demandé effectivement l’expertise collective de l’Inserm pour avoir un état des connaissances actualisé. J’ai essayé de rendre public l’ensemble des éléments et lorsque j’ai interrogé les experts pour savoir si cela remettait en cause, par exemple, le contenu du flyer que nous avions fait sur le cannabis et le petit livre Savoir plus, risquer moins, on m’a répondu négativement à l’époque.

J’ai donc essayé d’avoir une position équilibrée sur ces questions. Vous verrez d’ailleurs que toutes les déclarations qui ont été faites, toutes les campagnes et tous les documents qui ont été publiés par la MILDT ont mis l’accent sur l’ensemble des dangers que nous connaissions et qui n’ont pas changé depuis.

M. PLASAIT. - Il semble que vous ayez protesté contre la diffusion par M 6 d’une diffusion intitulée "Ados et cannabis, les nouveaux dangers", au motif que ce que disait ce reportage était alarmiste sur les dangers du cannabis. Pensez-vous que cette intervention était vraiment justifiée, compte tenu des dégâts que l’on peut observer et craindre ?

Mme MAESTRACCI. - Je n’ai absolument pas protesté parce que c’était alarmiste ; j’ai écrit effectivement à la chaîne, comme je l’ai fait dans de nombreux cas (il me semble que c’était mon rôle), parce que ce reportage contenait un certain nombre d’erreurs et d’inexactitudes que j’ai d’ailleurs vérifiées auprès des experts avant d’écrire à cette chaîne.

Ce n’était pas le ton qui m’interrogeait mais le fait que j’ai toujours fait en sorte, pendant les quatre ans où j’ai été à la MILDT, que les informations diffusées et publiées par les chaînes de télévision et de radio soient validées scientifiquement.

M. PLASAIT. - Vous parliez de votre petit livre "En savoir plus pour risquer moins". Ne pensez-vous pas, comme plusieurs experts que nous avons auditionnés l’ont fait remarquer, que le titre même est déjà un peu une démission, dans la mesure où il faudrait plutôt dire : "en savoir plus pour ne pas se droguer du tout ?"

Mme MAESTRACCI. - Je dirai qu’il n’y a pas de société sans risques et qu’il n’est pas possible de ne risquer rien. Ce titre correspondait aussi à ce que les gens ressentaient, c’est-à-dire qu’ils avaient besoin d’informations qui nous permettent d’avoir une pédagogie du risque. On ne peut pas enfermer les jeunes ou les gens en général dans un cocon. En revanche, on peut attirer leur attention sur tous les risques qu’ils encourent et les protéger des risques les plus importants. C’est ce que nous avons essayé de faire.

M. PLASAIT. - Puisque nous parlons de risques, pourriez-vous nous dire quel bilan vous tirez de cette politique de réduction des risques qui, pour aller dans le sens que j’évoquais à l’instant, à côté d’effets sans doute largement positifs, a peut-être eu aussi des effets négatifs et pervers, dans la mesure où, au lieu de lutter contre la consommation de drogue et, surtout, contre le premier contact avec la drogue pour en empêcher l’usage et, ensuite, la toxicomanie, elle a consisté en quelque sorte à gérer la situation telle qu’elle était ? Au lieu d’empêcher qu’il y ait des phénomènes de drogue, ne s’est-on pas contenté de vivre avec la drogue et de gérer cela au moindre mal ?

Mme MAESTRACCI. - Quand on parle de politique de réduction des risques, on est bien d’accord sur le fait que l’on parle de la politique de réduction des risques infectieux qui a été menée à partir du milieu des années 90 à destination des usagers de drogue les plus marginalisés qui étaient contaminés par le virus du sida.

Il faut rappeler que notre pays a été l’un de ceux dans lesquels nous avons eu le plus de consommateurs de drogue qui sont morts du sida. Il en a été ainsi parce que nous avions une logique de l’abstinence, ce qui fait que l’on avait une partie des usagers de drogue qui acceptait de rentrer dans une logique d’abstinence et que l’on avait accepté de soigner, et une autre partie des usagers de drogue qui ne souhaitaient pas rentrer dans une telle logique et dont on ne s’occupait pas. On a ainsi sous-estimé cette question, de telle sorte qu’un certain nombre de personnes sont arrivées dans les hôpitaux et sont mortes du sida alors qu’elles n’avaient été vues par aucun dispositif de soins.

La politique de réduction des risques répond à cette préoccupation et, pour répondre à cet objectif, il me semble qu’elle a eu un certain nombre de résultats positifs.

M. PLASAIT. - J’en conviens, mais je parle de ses effets pervers.

Mme MAESTRACCI. - Je ne sais pas de quels effets pervers on parle. On sait bien qu’un certain nombre de personnes qui sont dans des situations de très grande marginalité consomment non seulement de l’héroïne, mais aussi d’autres produits et qu’on a besoin de les prendre en charge d’une manière ou d’une autre.

Même si on a une politique de prévention très déterminée, on ne pourra pas éviter, à l’autre bout de la chaîne, d’avoir une population marginalisée, qu’il faut rendre la plus faible possible, qui a besoin de prises en charge.

Cela dit, je ne suis pas certaine que cela ait eu autant d’effets pervers puisque, si on regarde l’évolution des chiffres des consommateurs problématiques en France et dans d’autres pays d’Europe, on constate qu’ils se sont plutôt stabilisés et ont même diminué en France. Par conséquent, nous n’observons pas une augmentation du nombre de consommateurs problématiques d’opiacés ou d’usagers injecteurs.

M. PLASAIT. - Le traitement par des produits de substitution ne revient-il pas, au bout du compte, à remplacer une toxicomanie du fait de produits illicites par une toxicomanie du fait de produits licites ?

Mme MAESTRACCI. - Cela permet aux gens de vivre. Il suffit de voir ce qu’était la vie d’un usager d’héroïne avant lestraitements de substitution et ce qu’elle peut être aujourd’hui. Certes, le mieux est évidemment de ne pas prendre de produit du tout, mais si on a le choix entre le fait d’avoir 150 000 personnes en grande marginalité et celui de mettre sous-traitement de substitution 100 000 personnes, dont la plupart vont pouvoir retrouver une vie normale, je choisis cette solution sans hésiter, même si on peut avoir pour objectif qu’elles vivent à terme sans produit du tout.

M. PLASAIT. - Vous disiez tout à l’heure que nous n’avons pas, dans ce pays, la culture de la prévention. Nous n’avons pas non plus beaucoup la culture du résultat. Aviez-vous, à la MILDT, un système d’évaluation et comment expliquez-vous que, malgré une législation qui, en France, est sans doute l’une des plus répressives d’Europe, malgré la politique qui a été menée par la MILDT, c’est-à-dire par vous-même et vos prédécesseurs, la France soit le pays dans lequel la consommation de cannabis soit la plus élevée ?

En effet, alors que nous avons, chez nous, un taux de 19,8 % de jeunes Français de 18 à 24 ans qui consomment du cannabis, les Pays-Bas, pays en apparence le plus tolérant, n’est qu’à 14,2 et la Suède, pays plus répressif que nous, est à 2,4 %.

Mme MAESTRACCI. - Je dirai deux choses. Tout d’abord, nous ne sommes pas le pays le plus consommateur de cannabis. Le problème, c’est qu’il faut comparer des tranches d’âge. L’enquête qui indique que la France est le plus gros consommateur de cannabis est celle d’ESPAD, qui a été menée chez des jeunes de 16 ans. On constate qu’en revanche, les jeunes Français sont loin d’être les plus consommateurs d’alcool quand ils ont 16 ans, c’est-à-dire que leur consommation d’alcool a baissé dans le même temps.

De même, si on se réfère au dernier rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, on constate que la France se situe au milieu en ce qui concerne les personnes de 16 à 25 ans.

Cela dit, il est vrai que la consommation est importante et ce n’est pas du tout ce que je cherche à nier. Simplement, il apparaît que nous nous situons dans une moyenne européenne.

M. PLASAIT. - Le chiffre que donne l’OFDT en ce qui concerne la population générale est de 20,6 % pour la France, ce qui nous place en tête des pays de l’Union européenne.

Mme MAESTRACCI. - Je ne vais pas polémiquer sur les chiffres, mais vous verrez que cela dépend des sources que l’on utilise.

La deuxième chose que je souhaite répondre, c’est que, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, on ne peut pas apprécier l’évolution d’une politique en trois ans. Si les Pays-Bas et la Suède ont effectivement de bons résultats, c’est parce que ce sont des pays qui ont construit leur politique sur une adhésion très forte de la population, quelles que soient les alternances politiques, et qui ont élaboré une politique cohérente à la fois de prévention, de soins et de répression. C’est pourquoi j’ai voulu introduire ces thèmes, parce qu’il me semble que c’est la clef d’une relative réussite dans ce domaine.

On voit bien que la Suède, qui a une politique plutôt répressive, et les Pays-Bas, qui ont une politique plutôt tolérante, ont assez bien réussi parce que cette politique est partagée par l’ensemble de leur population.

M. PLASAIT. - Je vous remercie. J’aurais voulu vous interroger sur des problèmes de prévention et quelques autres sujets, mais je pense que le mieux est de laisser la parole à mes collègues et, s’il me reste du temps, de reposer quelques questions ensuite.

Mme la Présidente. - Merci, monsieur le Rapporteur. M. du Luart a la parole.

M. du LUART. - Je vais être assez bref parce que le rapporteur a abordé une partie des questions que j’aurais pu poser.

Vous savez, madame, qu’il y a deux ans, j’avais eu à faire une mission d’enquête sur la MILDT, qui faisait suite à l’audit de la Cour des comptes. Or, au cours de cette mission de la fin de l’année 2001, nous avions constaté une quasi absence d’évaluation de l’utilisation des crédits déconcentrés dans le cadre des chefs de projet départementaux. Estimez-vous, d’une part, que la capacité de contrôle et d’utilisation des fonds publics a été améliorée depuis lors, et y a-t-il eu, d’autre part, une plus grande coordination et planification des besoins et des moyens au niveau départemental ?

J’ai une autre question qui me paraît importante. En ce qui concerne les crédits d’intervention propres à la MILDT, j’avais noté à l’époque l’insuffisance de formalisation de la procédure de distribution des subventions aux associations et l’absence de contrôle budgétaire strict ou d’évaluation des réalisations de ces associations. Qu’est-ce que la MILDT a fait depuis et qu’en est-il exactement ?

Ma dernière question rejoint ce qu’a dit mon ami Plaçait. Au moment de l’extension du champ d’application des compétences de la MILDT aux drogues licites, c’est-à-dire à l’alcool, au tabac et aux médicaments, nous nous demandions s’il y avait eu un transfert de moyens suffisant par rapport à votre budget de 45 M¤. Comme les surcoûts générés par cette extension de compétences n’ont pas dû être compensés, n’est-ce pas ce qui aurait poussé la MILDT (je pose la question et je ne juge pas) à faire moins dans le domaine des actions de prévention par rapport aux drogues telles que le cannabis ou aux drogues de synthèse ?

De nombreux élus locaux, dont nous sommes, sont affolés de voir le développement des rave parties au travers du territoire, ici ou là, avec des moyens ahurissants de mise en place et avec l’utilisation de drogues de synthèse à un échelon considérable. J’ai l’impression que ces actions de prévention n’ont donc pas été suffisamment mises en place pour arrêter ce fléau.

M. MAHEAS. - Je voudrais tout d’abord, madame, vous remercier de votre intervention que j’ai beaucoup appréciée et avec laquelle je suis souvent en plein accord. Je tiens aussi à dire que votre successeur, Didier Jayle, que nous avons écouté ici, a parlé de votre action dans un sens extrêmement positif et a dit que cette Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie se poursuivait dans l’état d’esprit que vous avez défini. J’indique cela pour ramener certaines critiques à leur juste proportion ici.

Dans les quatre points que vous avez exposés, je retiens principalement la prévention et l’idée selon laquelle il n’y a pas d’espace-temps consacré à ce sujet dans l’enseignement en règle générale. Suite à votre passage au tribunal de grande instance de Bobigny, où vous êtes restée assez longtemps (il s’agit de mon département), je voudrais que vous m’indiquiez d’une façon précise comment notre commission pourrait faire des propositions à l’Education nationale. Vous pourriez peut-être, car je ne demande pas que ce soit fait immédiatement, y réfléchir et nous envoyer, en fonction de votre expérience, un plan d’action éducatif sur la jeunesse que nous pourrions éventuellement discuter avec le ministre de l’Education nationale.

M. GIROD. - Vous avez dit tout à l’heure qu’une politique ne pouvait réussir qu’à condition d’entraîner une adhésion de la population. Or, avant la population, il existe un certain nombre d’administrations de l’Etat, avec lesquelles vous avez été en relation directe dans votre poste. Je voudrais donc avoir votre sentiment sur l’appétit que peuvent avoir les administrations qui encadrent notre jeunesse en la matière. Avez-vous senti, par exemple à l’Education nationale, à la Protection judiciaire de la jeunesse ou dans d’autres organismes officiels, un désir de progresser de manière forte sur l’information des jeunes, ou estimez-vous que vous étiez en permanence obligée de les réanimer et de les solliciter dans votre mission ?

Mme la Présidente. - Merci. Pour ma part, madame Maestracci, je vous demanderai de bien vouloir nous dire ce que vous pensez aujourd’hui du cannabis par rapport à l’évolution de la composition de cette drogue qui, d’après ce que nous avons entendu au cours des dernières auditions, devient non plus ce qu’on pourrait appeler une drogue douce mais prend maintenant le nom de drogue dure. Je fais allusion aux produits qui viennent des Pays-Bas et qui sont particulièrement forts. Nous avons entendu des professeurs nous faire part de leur profonde inquiétude en ce qui concerne les dégâts, ne serait-ce que lors de prises irrégulières, et même en petite quantité, sur le cerveau, la mémoire et la motivation. D’après vous, que faudrait-il mettre en place pour éviter cela ?

Par ailleurs, vous avez dit qu’il n’y a pas de société sans drogue et c’est une chose que j’ai du mal à entendre, et même à accepter, car il faut savoir qu’aujourd’hui, notre jeunesse est particulièrement en danger et qu’il y aura effectivement des mesures à prendre en priorité au sein des familles et de l’Education nationale.

Mme MAESTRACCI. - Merci beaucoup de ces questions, madame la Présidente.

Je commencerai par les questions de M. du Luart. Effectivement, le rapport de la Commission des finances du Sénat s’appuyait beaucoup sur le rapport de la Cour des comptes de 1998 et sur des observations qui sont aujourd’hui relativement anciennes, puisque j’avais été entendue en octobre 2000, que le rapport a été rendu en octobre 2001 et qu’un certain nombre d’observations qui avaient été faites dans ce rapport ont trouvé des solutions depuis. J’ajoute que le rapport de suivi de la Cour des comptes, qui a été rendu public en juillet 2002 et que la MILDT a fait parvenir au Sénat, ne fait plus à la MILDT aucun reproche en termes de gestion puisqu’un certain nombre d’observations -je pense en particulier au statut des personnels ou à l’évaluation- ont été prises en compte.

Les deux points sur lesquels le rapport de la Cour des comptes reste un peu critique sont les suivants.

Le premier concerne la question de la prévention, pour des raisons que j’ai évoquées au début de mon intervention. Tout en reconnaissant qu’un effort de cohérence et de mise à disposition de moyens a été fait, il observe que la politique de prévention reste très déficitaire.

Le deuxième concerne la coordination des services répressifs : police, gendarmerie et douane, problème qui n’est pas propre à la drogue et qui a trouvé un début de solution avec la mise en place des GIR dans les départements.

Avant de venir, j’ai repris le rapport que vous aviez fait ainsi que les recommandations et observations que vous aviez faites et il me semble que tout a été résolu. En tout cas, la Cour des comptes, qui a passé plusieurs semaines à la MILDT et qui a entendu tous mes collaborateurs pendant un certain temps, n’a plus trouvé de reproches à faire en termes de gestion.

Par ailleurs, nous avons mis en place un dispositif d’évaluation dès le début du plan triennal avec les imperfections de tout dispositif d’évaluation, parce que non seulement nous n’avons pas de culture de la prévention en France, mais nous n’avons pas non plus de culture de l’évaluation : nous n’avons pas de savoir-faire ni d’organismes qui savent le faire. L’une des choses que j’ai comprises, c’est qu’avant de faire le plan, j’aurais dû y intégrer un certain nombre d’indicateurs d’évaluation, ce que je n’ai pas fait faute de savoir-faire dans ce domaine.

En tout cas, nous nous sommes prêtés à un exercice d’évaluation dont vous aurez les résultats. Peu de politiques publiques en France se sont prêtées véritablement à cet exercice et, de ce point de vue, je demande une certaine indulgence.

Quant aux questions concernant la planification départementale, on ne peut pas dire que la prévention ait diminué. Au contraire, les crédits consacrés à la prévention ont augmenté puisque, dans le courant du plan triennal, on a déconcentré dans les départements des crédits beaucoup plus importants pour mettre en place des programmes départementaux de prévention et faire en sorte que tous les acteurs qui faisaient de la prévention en ordre dispersé le fassent de manière plus cohérente.

Je ne dirai pas pour autant qu’on est arrivé à une situation parfaite ; en tout cas, nous avons fait cet effort de cohérence et les moyens ont été augmentés, y compris concernant l’alcool et le tabac. En effet, dans les programmes départementaux, était intégrée la Caisse primaire d’assurance maladie et d’autres moyens que ceux de l’Etat. Il me semble que cela a permis — l’évaluation le dira — de développer la prévention, même de façon imparfaite, et qu’en tout cas, un progrès a été fait dans ce domaine.

J’en viens aux propositions que nous pouvons faire dans le programme de prévention. Un début de réponse à votre question se trouve dans le document que je vais vous remettre tout à l’heure et qui contient le bilan que j’ai remis au cabinet du premier ministre en juillet 2002. Il me semble en effet qu’il faut se déterminer pour la définition d’un espace-temps consacré à la prévention dans les établissements scolaires avec la définition d’un noyau dur de la prévention, c’est-à-dire de données de prévention qui doivent absolument être intégrées par les jeunes à la fin de leur scolarité et qui peuvent comporter les questions de l’éducation à la sécurité routière, de la prévention de la violence, de l’éducation à la citoyenneté ou de la prévention des conduites à risques.

Cela veut dire aussi (cela pose un véritable problème de moyens, et non pas seulement financier) qu’il faut déterminer des professionnels capables de conduire ces actions de prévention, en s’appuyant, certes, sur un certain nombre de professionnels qui existent déjà au sein de l’Education nationale, tout en sachant que ce ne sera pas suffisant.

Dans les pays dans lesquels la prévention a été le mieux développée dans les établissements scolaires, les professionnels sont souvent formés et financés par les collectivités territoriales. Un certain nombre de choix sont donc à faire.

En tout cas, je ne pense pas — c’étaient également les conclusions du professeur Parquet lorsqu’il a fait son travail sur la prévention — que l’on puisse réellement développer la prévention dans notre pays si on ne développe pas des professionnels véritablement dédiés à cette question. Il ne suffit pas de transmettre des informations, c’est-à-dire d’avoir un bon médecin, un bon policier ou un bon juge ; il faut disposer de personnes qui savent transmettre un savoir être et non pas seulement des connaissances et des informations.

C’est donc un véritable enjeu qui me semble extrêmement important et qui dépasse à mon sens la question des drogues. Cela dit, je suis tout à fait prête à vous faire des notes complémentaires, mais vous devriez trouver les premières propositions dans cette note que je vous remets.

Mme la Présidente. - Je tiens à vous rappeler une question bien précise sur laquelle je souhaite revenir. Pendant quatre ans, vous avez été présidente de la MILDT et vous avez bien été consciente — j’en suis convaincue — qu’une intervention importante dans le domaine scolaire était à faire en priorité, les familles étant parfois de plus en plus dépassées. Quelles avaient été à cette époque vos préconisations vis-à-vis des ministres concernés, en particulier vis-à-vis de l’Education nationale, et qu’avait-il été mis en place qui ait permis une information ou une formation claire ?

J’ai bien noté qu’il manquait de professionnels. Nous le savons tous puisque beaucoup d’associations, qui touchent des fonds très importants au demeurant et qui s’occupent de jeunes en difficulté du fait de problèmes de toxicomanie, sont souvent gérées par des non-professionnels, ce que j’ai dénoncé et déploré, mais qu’avez-vous préconisé à l’époque en matière d’interventions dans le domaine scolaire et quelles en ont été les résultats ou les réponses ?

Mme MAESTRACCI. - Je n’ai pas repris l’ensemble des actions que nous avons menées parce que vous les trouverez dans les documents, mais, pour répondre à cette question sur l’aspect interministériel, je commencerai par dire que nous avons beaucoup travaillé avec l’Education nationale, et ce de façon positive.

Simplement, il faut savoir que l’Education nationale représente 1 200 000 personnes et que, pour former 1 200 000 personnes et faire en sorte qu’elles soient en mesure de repérer les consommations problématiques, il faut du temps.

Premièrement, nous avons commencé à travailler sur des programmes de formation, nous les avons déterminés, nous avons commencé à les mettre en place et nous avons mis en place de nombreuses stages avec l’Education nationale, mais ce n’est pas pour autant que l’ensemble des personnels a été formé.

Deuxièmement, nous avons élaboré avec l’Education nationale plusieurs documents de référence. En particulier, en 1999, nous avons édité un document qui s’appelait "Repères pour les conduites à risques", qui a été diffusé à l’ensemble des personnels enseignants et non enseignants de l’Education nationale et qui devait servir de base pour l’action des professionnels au sein des établissements scolaires.

Nous avons également travaillé avec l’Education nationale sur le tabac. Comme nous savions bien que les circulaires ne suffisent pas (il y a eu en effet des circulaires pendant cette période pour rappeler à quel point il était indispensable de respecter la loi Evin) et comme nous étions confrontés à une sorte de langue de bois, l’Education nationale nous disant que, finalement, cette loi était respectée, nous avons lancé cette enquête en milieu scolaire pour savoir quelle était la réalité des choses.

Nous avons aussi réfléchi sur la question de l’interdiction du tabac aux mineurs. C’est ainsi qu’un groupe de travail, qui s’est réuni sous la présidence de Véronique Nahoum-Grapp sur la question de l’interdiction aux mineurs, a plutôt conclu au fait que, d’une part, c’était une mesure très difficile à mettre en oeuvre et que, d’autre part, les comparaisons internationales ne nous permettaient pas de dire qu’elle avait été décisive dans la baisse de la consommation de tabac.

Nous avons donc travaillé sur ces questions et nous avons pu faire des progrès significatifs. Pour autant, encore une fois, compte tenu de l’énormité de ce que représente l’Education nationale, il faudrait poursuivre cet effort pendant dix ans pour obtenir des résultats.

Enfin, vous avez posé une question, monsieur le Sénateur, sur la bonne volonté des administrations d’Etat. Dans notre pays, les administrations ne sont pas extrêmement portées vers l’interministériel : nous avons des administrations plutôt verticales qui n’ont pas la culture de l’interministériel, et c’est une observation que l’on peut faire dans d’autres domaines que celui de la drogue.

Sous cette réserve, à partir du moment où on leur a proposé des outils (elles disposaient en particulier de peu d’outils de prévention et de formation et de peu de connaissances dans ces domaines), elles s’en sont servi et c’est ainsi que, surtout dans les deux dernières années, nous avons beaucoup mieux travaillé, dans ce domaine, avec les différentes administrations. Cela s’est fait avec des limites ; je ne vais pas vous dire que nous avons réussi dans tous les domaines, mais un véritable travail interministériel s’est mis en place et, en tout cas, les résistances que nous avions eues au début n’ont plus eu cours.

Enfin, vous m’avez interrogée sur l’évolution des problèmes posés par le cannabis. Je répondrai tout d’abord que, si j’ai demandé cette expertise collective, c’est parce que j’estime que ce n’est pas moi qui suis compétente en soi pour dire quels sont les dangers et les risques et comment ils évoluent.

A la lecture de l’expertise collective et des différentes études qui ont été publiées sur ce thème, sur la question de savoir quelle est la proportion de cannabis avec un THC très important sur le marché, les réponses que nous avons eues n’ont pas été très précises. Nous connaissons les quantités qui ont été saisies, mais nous ne savons pas, en revanche, quelle est la quantité exacte sur le marché.

De même, nous ne savons pas exactement quelles sont les conséquences en termes de santé publique d’un THC très fortement dosé et d’un THC beaucoup moins fortement dosé, même si, évidemment, tout le monde est d’accord pour dire que plus le produit est fortement dosé, plus il a des chances d’être dangereux. On ne sait pas s’il y a une différence de nature.

Quant à la distinction entre drogues dures ou douces, je ne l’ai jamais faite dans aucun texte, puisque nous étions plutôt partis de l’idée qu’il y avait des usages doux et durs de beaucoup de produits et qu’il fallait à la fois croiser la vulnérabilité de l’individu, l’intensité ou le contexte de la consommation et le produit lui-même et que cela conduisait à avoir un discours plus complexe que celui-là. Nous n’avons donc jamais utilisé ce terme.

Enfin, nous avons attiré l’attention sur tous les risques dont nous avions connaissance. La meilleure preuve, pour conclure, c’est que, dans l’enquête d’opinion EROPP, qui vient d’être publiée par l’OFDT, on voit deux choses importantes : le nombre de personnes qui considèrent que le cannabis est anodin a diminué au cours de ces quatre ans, de même que le nombre de personnes qui considèrent que l’ecstasy est anodin. Cela veut dire qu’il y a une meilleure conscience de la réalité des risques, qui est plus conforme à la réalité scientifique.

M. PLASAIT. - J’ai une dernière question à vous poser. A la suite de ce que vous venez de dire, avez-vous un avis sur ce qu’il conviendrait de faire en matière de dépénalisation, voire de légalisation, et quel jugement portez-vous sur la loi de 1970 ? La considérez-vous comme adaptée ou inadaptée dans sa philosophie ? Cette loi a-t-elle été applicable et a-t-elle été appliquée ? Faudrait-il la supprimer ou la modifier ?

Mme MAESTRACCI. - Tout d’abord, je dirai avec prudence, en m’adressant à votre assemblée, qu’il n’y a pas de loi parfaite et que je ne crois pas que, dans ce domaine, on arrive à une loi parfaite qui résolve tous les problèmes.

Vous verrez également dans le document que je vous remets que je fais un certain nombre de propositions sur la loi. Il me semble qu’un consensus existe aujourd’hui dans notre pays pour dire que l’usager de drogues, qu’il s’agissede cannabis ou d’autres drogues, n’a rien à faire en prison.

Maintenant, faut-il aller plus loin ? Je pose cette question car, lorsqu’on utilise le mot "dépénalisation", cela induit souvent beaucoup de confusion et d’ambiguïté. En Europe, le mot "dépénalisation" est utilisé par beaucoup de pays pour définir l’absence de peines de prison. Or tous les pays qui ont supprimé la prison (le Portugal, l’Espagne ou l’Italie) ont prévu des sanctions de type administratif qui sont un peu l’équivalent de nos contraventions judiciaires, c’est-à-dire des amendes, des suspensions de permis de conduire, etc.

Autrement dit, nous sommes dans une situation qui, de fait, est relativement similaire dans l’ensemble des pays.

La loi de 1970 a fait l’objet de plusieurs circulaires successives, la dernière, celle que je connais le mieux, étant celle qui a été prise en même temps que le plan triennal par le garde des sceaux de l’époque et qui insistait sur le fait qu’il fallait éviter la prison pour les usagers, maintenir l’interdiction et proposer une réponse sanitaire et sociale. Ce sont les conventions dont je parlais tout à l’heure.

En fait, on a affaire à un contentieux de masse. Notre question, aujourd’hui, est la suivante : comment faire respecter un interdit sans pour autant avoir des sanctions qui nuisent à la prévention de la récidive ?

Ensuite, la question de la légalisation ne peut pas être réglée au plan franco-français mais au plan européen et international. Aujourd’hui, nous avons des conventions internationales qui fixent la liste des produits stupéfiants et psychotropes et peuvent être modifiées, évidemment, mais il me semble que cela résultera d’un débat européen et international.

Dans le cadre dans lequel nous sommes aujourd’hui, tout le monde est d’accord avec la suppression de la prison pour les usagers, et il semble ensuite qu’un consensus se dégage pour des sanctions qui seraient de l’ordre de la contravention, mais, encore une fois, une politique de lutte contre la drogue est un ensemble de choses et doit reposer sur plusieurs piliers.

En tout cas, il est clair qu’aujourd’hui, la loi et son application ne sont pas suffisamment comprises. Puisque je retourne dans le corps judiciaire, je suis extrêmement sensible à cette question. Il n’y a pas de bonne loi, mais, en tout cas, une bonne loi est celle qui est bien comprise par les gens auxquels elle est censée s’appliquer.

Mme la Présidente. - La commission vous remercie, madame, et nous allons poursuivre nos auditions.


Source : Sénat français