Alors qu’Ariel Sharon a été le principal architecte des colonies de peuplement, le voilà en passe d’évacuer la bande de Gaza. Les pressions américaines n’ont rien à voir là-dedans puisque c’est lui qui aujourd’hui vient quémander un soutien de Washington à son plan de retrait.
S’interroger sur ses motivations est sans objet puisqu’elles n’ont jamais changé : renforcer la sécurité morale et existentielle d’Israël en éradiquant le mouvement national palestinien. Sharon a su, en profitant des erreurs de l’Autorité palestinienne, faire accepter aux Israéliens et à Washington l’idée qu’il n’y avait plus de partenaire pour la paix et donc plus de raisons de négocier. Toutefois, trois ans de luttes armées, les multiples initiatives informelles de paix et la pression judiciaire à son encontre l’ont forcé à reprendre l’initiative.
Son projet suscite cependant bien des réserves car il comporte des dangers même si certains de ceux évoqués (comme la prise de contrôle de Gaza par le Hamas où un chaos généralisé à Gaza) sont imaginaires. Il existe un risque que les activistes palestiniens les plus radicaux affirment que ce retrait est un triomphe des armes, mais cela est inévitable. Pour les Palestiniens, on peut craindre la fragmentation, la création de deux micro Palestine, l’une tournée vers la Jordanie, l’autre vers l’Égypte, et la remise aux calendes grecques d’un règlement global de la question.
Pour répondre à ces difficultés, la communauté internationale doit :
 Aider les Israéliens et les Palestiniens à administrer le désengagement.
 Affirmer les contours d’une solution globale.
 Ne pas tenter de constituer une nouvelle direction politique à Gaza au détriment de l’Autorité palestinienne.

Source
Le Monde (France)

« L’énigme Sharon », par Robert Malley, Le Monde, 13 avril 2004