Donald Rumsfeld a parlé des cas de tortures à la prison d’Abu Ghraib à George W. Bush en février, mais ce dernier n’a pris aucune mesure. Cela peut s’expliquer par le fait que depuis des décennies, Rumsfeld a eu la réputation d’être le grand requin blanc des mers bureaucratiques. C’est quelqu’un de redoutable qui a été conseiller de Nixon durant la crise de l’impeachment et qui a su garder à flot la barque sous la présidence de Gerald Ford avec son assistant Dick Cheney. Il a alors eu la fausse réputation d’un modéré en raison de son pragmatisme. Des années Nixon, Cheney et Rumsfeld ont gardé un goût pour la présidence impériale et le secret. On a l’impression que s’il ne s’en était tenu qu’à eux, les cassettes de la Maison-Blanche lors du Watergate auraient été incinérées.
Avec George Bush, Cheney et Rumsfeld sont revenus aux affaires, accompagnés par un groupe de partisans qui a insufflé leur idéologie extrémistes et leurs impératifs dans les politiques états-uniennes. Or tout le projet néo-conservateur repose sur le maintien en poste de Rumsfeld. Voilà pourquoi six gardes nationaux vont servir de bouc émissaire pour l’ensemble des mauvais traitements en Irak.
Toutefois, cette situation a généré une réaction inhabituelle : la fronde de l’armée. L’Army Times a critiqué le secrétaire à la Défense avec une virulence rare, des généraux retraité affirment qu’il ne fallait pas aller en Irak, le Council on Foreign Relations diffuse régulièrement le film « La Bataille d’Alger » en insistant sur les conséquences des actes commis dans le film. En 1992, Colin Powell avait remis le prix de la National Defence University au Lieutenant Colonel Charles Dunlap pour son essai The Origins of the American Military Coup of 2012 dans lequel il décrit les conditions de prise de pouvoir par des militaires devant l’incapacité des dirigeants civils, aujourd’hui cet essai circule largement chez les militaires.

Source
The Guardian (Royaume-Uni)

« America’s military coup », par Sidney Blumenthal, The Guardian, 13 mai 2004.