Tom Ridge a annoncé que des informations crédibles indiquaient qu’Al Qaïda cherchait à mener une attaque de grande ampleur aux États-Unis dans un effort pour saper le processus démocratique. En faisant cette annonce, le secrétaire à la Sécurité de la patrie a intensifié les spéculations sur ce qui pourrait advenir si une attaque terroriste survenait à la veille d’une élection qui devrait être serrée.
La sagesse conventionnelle vaut qu’une telle attaque produirait un regroupement autour de George W. Bush comme on l’a vu après le 11 septembre. Le 11 septembre, les Américains furent d’abord frappés par la stupeur et l’incompréhension, c’était la première fois qu’ils comprenaient la menace que Ben Laden et les Talibans faisaient peser sur eux. Donald Rumsfeld et George Tenet eurent un rôle moteur pour orchestrer la « guerre au terrorisme » qui regroupa la nation contre les Talibans et Al Qaïda. Plus tard, avec moins de soutien intérieur et extérieur, l’attention se porta sur l’Irak et le renversement de Saddam Hussein. Une attaque terroriste qui aurait lieu, disons, le 11 septembre 2004, n’aurait pas du tout la même réponse venant de beaucoup d’Américains car nombreux seraient ceux qui se demanderaient ce qu’a fait l’administration Bush pendant trois ans et demi. Ses opposants reprocheraient au président d’avoir détourné la guerre au terrorisme en attaquant l’Irak.
Que se passerait-il si les instigateurs de l’attaque étaient encore Saoudiens ? Les États-Unis attaqueraient-ils l’Arabie saoudite alors que le prix du baril est au plus haut ? La réponse se porterait-elle sur l’Iran dont les liens avec Al Qaïda sont de plus en plus évidents même s’il semble que Téhéran n’était pas au courant de l’attaque du 11 septembre ? Les protestations intérieures et extérieures face à une telle attaque la rend inimaginable. Par conséquent, l’administration Bush devrait avoir une réponse domestique et ce serait Tom Ridge et John Ashcroft qui mèneraient la riposte en renforçant encore le Patriot Act. On trouverait sûrement des partisans de ce renforcement, mais rien de comparable avec l’attaque de l’Afghanistan. On serait loin d’un ralliement unanime autour de la figure de Bush et on aurait sans doute plus un scénario à l’espagnole.

Source
International Herald Tribune (France)
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« Expect a very different war on terror », par Ian Bremmer, International Herald Tribune, 30 août 2004.