Tendances et événements au Proche-Orient

La tournée moyen-orientale de la secrétaire d’État Condoleezza Rice, qui commence à Tel Aviv, semble être l’ultime tentative pour sauver la conférence de paix convoquée par le président George Bush qui ressemble de plus en plus à un mort-né.
Le Département d’État a précisé que Mme Rice tentera de convaincre le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, de s’entendre sur une formule commune portant sur le statut final du volet palestinien (le sort des réfugiés et de Jérusalem, le tracé des frontière du futur État). Mais la démarche états-unienne se heurte au refus catégorique d’Israël de tout engagement et calendrier précis. Ehud Olmert insiste par contre pour obtenir de Mahmoiud Abbas d’importantes concessions dans le domaine sécuritaire. Si elles lui sont concédées, elles transformeraient l’Autorité palestinienne en milice supplétive d’Israël similaire à l’ancienne Armée du Liban Sud —du collaborateur libanais d’Israël, le général Antoine Lahad—, ou aux tristement célèbres Ligues des villages, créées par l’occupant israélien après 1967, et qui avaient pour mission d’informer les renseignements israéliens de l’identité des résistants palestiniens.
Comme d’habitude, les États-Unis adoptent aveuglément les demandes d’Israël et tentent de les imposer aux Arabes. Mais cette fois, Condoleezza Rice est confrontée au défi de convaincre ses deux principaux alliés, l’Égypte et l’Arabie saoudite, d’abandonner leurs réserves et de participer à la conférence de Bush qui ne garantit en aucun cas les droits élémentaires du peuple palestinien. Bien au contraire, le véritable objectif de cette réunion est de pousser les Palestiniens dans les affres d’une civile, et d’élargir à l’Arabie saoudite l’éventail des pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec l’État hébreu.

Presse et agences internationales

Mohammed ElBaradei, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique.

• La France s’est attirée les reproches de l’Agence internationale de l’énergie atomique et de plusieurs pays pour avoir annoncé une situation de « tension extrême » avec l’Iran et parlé de « risques de guerre » avec ce pays s’il refuse de renoncer à son programme nucléaire.
Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Mohamed ElBaradei, a récusé lundi à Vienne la perspective d’une option militaire contre l’Iran. Téhéran avait la veille mis en garde l’Occident contre le choix d’une confrontation, évoqué par le chef de la diplomatie française.
« Nous avons affaire à un dossier très lié à la paix, à la sécurité et à la stabilité régionale au Proche-Orient et c’est pourquoi je demanderai à tout le monde de ne pas se laisser emporter jusqu’à ce que nous soyons parvenus au bout de la procédure » de vérification, a-t-il souligné devant la presse au premier jour de l’assemblée générale des 144 pays membres de l’AIEA à Vienne. « J’ai clairement signifié que je ne voyais pas en ce moment de danger clair concernant le programme nucléaire iranien », a ajouté le chef de l’AIEA, sur la base des dernières inspections menées par l’agence en Iran.
« Nous devons toujours nous souvenir que l’usage de la force ne peut être envisagé que quand toutes les autres options son épuisées. Je ne crois pas du tout que nous en soyons là, a affirmé M. ElBaradei. Je crois que ce que nous devons faire, c’est encourager l’Iran à travailler avec l’agence pour clarifier les questions en suspend sur la nature de son programme nucléaire ».
« D’ici novembre ou décembre nous serons en mesure de savoir si l’Iran agit de bonne foi et si non, nous aurons clairement une autre situation », a souligné M. ElBaradei.
M. ElBaradei, auquel certains pays occidentaux reprochent une position trop accommodante envers l’Iran, a cependant jugé « regrettable » que Téhéran refuse toujours de suivre les résolutions du Conseil de sécurité, qui a sanctionné à deux reprises Téhéran pour son refus de geler son enrichissement d’uranium.

• Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a déclaré qu’il ne prenait « pas au sérieux les déclarations » du chef de la diplomatie française Bernard Kouchner évoquant le risque d’une « guerre » si les sanctions contre le programme nucléaire de l’Iran restaient sans résultat.
Téhéran avait jugé que la déclaration de Kouchner portait « atteinte à la crédibilité de la France ». « Le fait que les déclarations des responsables français concordent avec la position de la puissance dominante (les États-Unis) porte atteinte à la crédibilité de la France devant les opinions publiques mondiales, en particulier du Proche-Orient » a dit le porte-parole de la diplomatie iranienne Mohammad Ali Hosseini, dans un communiqué.
La première réaction de Téhéran, par la voix de l’agence officielle Irna, avait été beaucoup plus virulente. « Le nouveau locataire de l’Élysée veut aujourd’hui copier la Maison-Blanche », écrivait l’agence en ajoutant que « cet Européen s’est mis dans la peau des États-uniens et imite leurs hurlements ».
M. Hosseini s’est montré plus mesuré, en « espérant que ces déclarations soient de pure forme et ne correspondent pas aux positions réelles et stratégiques de la France ».
Il a ainsi émis l’hypothèse qu’elles étaient le fruit de « suggestions erronées et d’informations irréelles données par les autres », c’est-à-dire les États-uniens.

• L’opposition socialiste en France a réclamé lundi un débat au Parlement après la déclaration du ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner appelant à « se préparer au pire » dans la crise avec l’Iran. « Un débat au Parlement s’impose. Il faut que tout soit mis sur la table », a déclaré le Premier secrétaire du Parti socialiste (PS) François Hollande, estimant également que le président Nicolas Sarkozy devait « s’exprimer là-dessus » devant les Français.
Les déclarations de M. Kouchner ne peuvent pas rester « sans précisions ni prolongement ».
« Dire qu’il faut se préparer au pire, c’est-à-dire à la guerre, signifie que le gouvernement, le président de la République ont des informations laissant penser que l’Iran va vers la bombe atomique et que la négociation est aujourd’hui enlisée », a estimé M. Hollande. Le parti de M. Hollande a qualifié d’« inquiétante » dans un communiqué la déclaration de Bernard Kouchner. « La France ne peut s’engager avec autant de légèreté dans des confrontations militaires dans une région si instable et mouvementée », a souligné le PS. « La position de Nicolas Sarkozy s’engageant à nouveau dans un scénario à l’irakienne ne peut s’expliquer que par son alignement sur l’administration Bush », a-t-il ajouté. « Cet alignement affaiblit l’autorité de l’Onu, met en danger la crédibilité, les intérêts et la sécurité de la France », soulignent les socialistes.
Le PCF a de son côté dénoncé « une confirmation dangereuse de la politique atlantiste de Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner ». « Sanctionner sans mandat des Nations unies c’est décider, comme Washington en a pris l’habitude, en dehors ou contre le droit international. C’est inacceptable », a ajouté le parti communiste.

• La ministre autrichienne des Affaires étrangères Ursula Plassnik a sévèrement critiqué lundi le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner après ses déclarations sur l’Iran.
« Le collègue Kouchner est le seul à pouvoir expliquer ce qu’il a voulu dire. Il m’est incompréhensible qu’il ait eut recours à une rhétorique martiale en ce moment », a-t-elle déclaré en marge de l’ouverture de l’assemblée générale de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à Vienne. « Je suis pour que l’on travaille avec persévérance à une solution négociée », a ajouté Mme Plassnik.
« Je suis convaincue qu’une solution négociée peut être trouvée », a souligné Mme Plassik au premier jour de la réunion.

• Après de longues tractations, l’Arabie saoudite, l’un des plus gros clients de l’industrie d’armement britannique, et la Grande-Bretagne ont signé un contrat de près de neuf milliards de dollars pour l’achat de 72 avions de chasse Eurofighter Typhoon.
Le groupe d’armement britannique BAE Systems devrait être le principal bénéficiaire du contrat.
Ce contrat avait fait l’objet en décembre 2005 d’un Mémorandum d’entente pour la modernisation des forces armées saoudiennes, dans le cadre des étroites relations de défense qui lient les deux pays.
Outre l’achat des 72 Eurofighters Typhoon, ce Mémorandum prévoyait un transfert de technologie, des investissements dans l’industrie militaire en Arabie saoudite et la formation de Saoudiens dans le domaine de l’aviation.
En août 2006, les deux gouvernements étaient parvenus à un accord sur les principes commerciaux de l’achat des 72 appareils.
Le Financial Times avait alors indiqué que la commande représenterait un montant total supérieur à 10 mds de livres (plus de 15 mds euros), à savoir 5,4 mds de livres pour la vente des Eurofighters, plus 5 mds de livres pour les missiles dont ils seront équipés et la maintenance initiale.
Le quotidien avait affirmé que BAE pourrait obtenir 10 mds de livres supplémentaires pour la maintenance à long terme des appareils, mais que les Saoudiens pourraient souhaiter la confier à des entreprises locales.
Mais le porte-parole saoudien a affirmé lundi que Ryad avait acheté les 72 avions au même prix que celui pratiqué pour la vente de ce type d’appareil à l’armée de l’air britannique. Il n’a pas précisé le prix unitaire.
Ce nouveau contrat s’inscrit dans la droite ligne du méga-contrat d’armement Al Yamamah signé par l’Arabie avec BAE Systems en 1985. Les Eurofighters remplaceront les Tornado livrés à l’époque. Al Yamamah est à l’origine d’une controverse en Grande-Bretagne en raison de rumeurs de corruption.
Soupçonné par la justice britannique d’avoir versé des commissions à des membres de la famille royale saoudienne, BAE Systems a fait l’objet d’une enquête en Grande-Bretagne, mais celle-ci a été abandonnée au nom de l’intérêt national fin 2006 sur décision du gouvernement britannique.

AL-KHALEEJ (QUOTIDIEN EMIRATI)
Les néo-conservateurs au pouvoir actuellement aux États-Unis feront-ils une guerre après l’autre jusqu’à la fin de leur mandat ? Se partageront-ils la tâche avec leurs alliés sionistes qui, non satisfaits du terrorisme quotidien qu’ils pratiquement contre les Palestiniens, affûtent leurs armes pour une nouvelle agression contre le Liban et la Syrie ? Le fait qu’Israël se vante d’avoir récupéré sa force de dissuasion après le raid contre la Syrie signifie-t-il que l’État hébreu a achevé ses préparatifs pour une guerre dont les Libanais et les Syriens paieraient le prix ?
Il est grand temps que les Arabes adoptent des positions fermes et sérieuses susceptibles de mettre leur région à l’abri de guerres catastrophiques, avant qu’ils ne se réveillent de leur torpeur pour voir que tout a été détruit.

Tendances et événements au Liban

Les milieux loyalistes (14-mars) tentent d’interpréter les déclarations de leur chef, Saad Hariri, comme étant la réponse qu’attendait le président de la Chambre, Nabih Berri, à son initiative de règlement de la crise. Rappelons que le chef du Législatif avait annoncé que l’opposition renonçait à sa revendication de cabinet d’union nationale en contrepartie d’une entente avec le pouvoir sur le nom d’un président consensuel qui serait élu au quorum des deux tiers. Après 14 jours d’attente, les loyalistes avaient réagi d’une manière négative, en demandant à l’opposition d’abandonner le quorum des deux tiers, pourtant jamais violé depuis l‘indépendance du Liban. Nabih Berri s’était déclaré « déçu » par les « humiliations » du 14-mars et avait qualifié le communiqué de la coalition au pouvoir de « faire-part de décès adressé au peuple libanais ».
Les sondages ayant montré que l’écrasante majorité des Libanais soutenait l’élection d’un président consensuel, Saad Hariri multiplie, depuis, les déclarations apaisantes dans la forme mais n’apportant rien de nouveau sur le fond. Car tous les indices montrent que le 14-mars est déterminé à élire, à la majorité simple, un des siens à la présidence de la République.
Toutefois, des sources proches du 14-mars affirment que Saad Hariri est sincère dans sa volonté de faciliter l’entente autour du nom du prochain président. Ces sources appellent l’opposition à faire preuve de compréhension à l’égard des tiraillements qui secouent la coalition au pouvoir et assurent que les fermes interventions de Saad Hariri ont permis d’atténuer considérablement le ton du dernier communiqué du 14-mars.
Cette version des faits est récusée par des dirigeants de l’opposition qui parlent d’une répartition des rôles au sein du 14-mars. Alors que Walid Joumblatt et Samir Geagea affichent des positions radicales, Saad Hariri joue au modéré. L’objectif étant de gagner du temps, afin que l’opposition ne soit pas sur ses gardes en prévision de la mise en œuvre du plan appuyé par les États-Unis qui consiste à imposer aux Libanais un président élu d’une manière anticonstitutionnelle et à New York, si George Bush en décidait ainsi.

Articles relatifs au Liban

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Dans ce qui semblait être une réponse à Walid Joumblatt, le patriarche maronite a estimé que le fait de passer outre le quorum des deux tiers constitue une violation du principe de la convivialité.
Par ailleurs, le vice-président syrien, Farouk al-Chareh, a affirmé que son pays appuyait l’élection d’un président consensuel qui protègerait la Résistance au Liban. Chareh a tenu ces propos devant une délégation de notables du Nord du Liban, venus réclamer la réouverture des frontières entre les deux pays (Effectivement, après cette visite, les deux points de passage entre la Syrie et le Nord du Liban, fermés depuis le début des combats de Nahr al-Bared, le 21 mai, ont été rouverts, ce qui a été salué par des liesses populaires, ndrl). M. Chareh a par ailleurs révélé que la Syrie avait apporté une aide militaire et logistique à l’armée libanaise pendant ses combats contre Fatah al-Islam.

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
Bkerké (le siège du patriarcat maronite) s’est transformé en ruche présidentielle pour lancer la recherche d’un candidat consensuel. Le patriarche Nasrallah Sfeir met sur un pied d’égalité le quorum des deux tiers et le souci de ne pas boycotter la séance de l’élection présidentielle.

AL-AKHBAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Un haut responsable de l’Union européenne a révélé l’existence de divergences entre la position de l’Union et les États-Unis au sujet de l’élection présidentielle au Liban. L’Union européenne est opposée à l’élection d’un président à la majorité simple et soutient la venu d’un président qui n’appartient ni au 14-mars ni à l’opposition.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.