Tendances et événements au Proche-Orient

Les États-Unis ont une nouvelle fois prouvé qu’ils adaptaient leurs positions à celles d‘Israël quelles que soient les circonstances. Ceci s’est illustré par le refus définitif de Washington de tout calendrier portant sur les questions clé du conflit israélo-palestinien (sort des réfugiés, frontières, Jérusalem…) lors de la Conférence d’Annapolis.
Entre-temps, l’État hébreu poursuit la punition collective de toute la population de Gaza ainsi que ses agressions contre les résistants et les zones résidentielles, sans la moindre réaction significative de la part de la communauté internationale. Le ministre de la Défense, Ehud Barak, a affirmé que le blocus imposé à la Bande de Gaza constitue le prélude à l’invasion qu’il a promis de lancer dès son accession à son poste.
En parallèle, les organisations palestiniennes ont accordé un délai supplémentaire au président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, afin qu’il révise ses positions, en décidant de reporter au lendemain de la conférence d’Annapolis le congrès qu’elles projetaient de tenir à Damas. Pendant ce temps, les pays arabes alliés des États-Unis gardent un silence complice vis-à-vis du plan israélien mis en œuvre à Gaza et du projet états-unien qui sera imposé à Annapolis.

Presse et agences internationales

WASHINGTON POST (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
 Walter Pinkos
Le directeur de la sécurité nationale va révéler que les activités des agences du renseignement US ont coûté au Trésor, cette année, 40 milliards de dollars, selon des sources de l’Administration et du Congrès. En y ajoutant les dépenses à caractère militaires liées au renseignement, les dépenses vont dépasser les 50 milliards de dollars.
Ces informations étaient secrètes jusqu’à présent. Mais l’amiral Mike Mac’Donnel va les rendre publiques à la demande de la commission du 11-septembre et à l’insistance du Congrès qui a transformé en loi la recommandation de cette commission.

 William Arkin
Les images satellite d’un site en Syrie sont-elles réellement celles d’une installation nucléaire en construction –qui a ensuite été démantelée- ou s’agit-il de tout à fait autre chose ? L’Institut des sciences et de la sécurité internationale, une institution à but non lucratif dirigée par David Albright, ancien expert et inspecteur nucléaire affirme qu’il s’agit d’un site nucléaire [Voir documents en annexe de notre édition du 27 octobre]. Albright affirme que ce site, bombardé par l’aviation israélienne, ressemblait en tout point au réacteur nucléaire nord-coréen de Yong Pyong. Selon lui, les images montrent l’existence, depuis septembre 2003, d’un immense bâtiment. Ce qui a poussé les experts à déclarer au New York Times que les travaux ont commencé en 2001, c’est-à-dire lorsque George Bush était en train d’établir sa liste des pays de « l’Axe du Mal ».
Lorsque l’on se souvient de l’exposé de l’ancien secrétaire d’État, Colin Powell, en février 2003 devant le Conseil de sécurité (sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein, ndlr), on est en droit d’exprimer des doutes. Non seulement sur la qualité des images mais sur la crédibilité de l’information.
Le scandale des introuvables armes de destruction massive irakiennes serait à l’origine du silence observé par l’administration Bush au sujet du dossier syrien. Soit la Maison-Blanche ne sait pas grand chose, soit elle est mécontente des Israéliens. Soit elle est heureuse du succès d’une frappe préventive contre de prétendues armes de destruction massive.

WASHINGTON TIMES (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
 Tuline Daluglu
Pourquoi de nombreux pays occidentaux appellent-ils les membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) des « combattants de la liberté » ? Le leader du parti, Abdallah Ocalan, prétend qu’il a porté les armes pour contraindre Ankara à accorder aux Kurdes leurs droits linguistiques et culturels. Il a affirmé avoir reçu un soutien de gouvernements européens pour la cause kurde, et la Turquie a fait l’objet de vives critiques pour ses violations des droits de l’homme. Souvent, l’Administration Bush a pressé Ankara de ne pas lancer des attaques via la frontière avec l’Irak, prétextant qu’elle avait reçu un mandat des Nations unies pour protéger la souveraineté de l’Irak et son peuple.
Un responsable du Pentagone assure que si les Kurdes irakiens coopèrent avec les terroristes (PKK, ndlr), ils perdraient le soutien de Washington. Il n’y a pas de différence entre le terroriste et celui qui lui offre appui et assistance. Il faut espérer que lors de leur rencontre à la Maison-Blanche lundi prochain, George Bush et Recep Tayyeb Ergodan réussiront à présenter un front uni face aux terroristes.

CHRISTIAN SCIENCE MONITOR (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
 Jerry Lansen
Les journaux états-uniens ne couvrent pas convenablement les informations sur les mouvements de protestation contre la guerre en Irak. La presse se doit pourtant de sensibiliser les citoyens à ces manifestations démocratiques. Les démonstrations organisées il y a trois jours dans 11 villes suscitent de nouveau des questions sur la nature de la couverture médiatique. Les médias états-uniens ignorent-ils sciemment les nouvelles sur la guerre en Irak à cause du recul de l’intérêt public pour ce conflit ou, au contraire, le désintéressement est-il dû à la faiblesse de la couverture journalistique ?
La majorité des États-uniens est opposée à la guerre en Irak. Le plus récent sondage commandé par la CBS à la mi-octobre montre que 26 % des se déclarent satisfaits par la gestion de George Bush de ce conflit. 67,7 % sont insatisfaits. 45 % ne sont opposés au maintien en Irak de nombreuses troupes US pour une période de moins d’un an seulement.

• Un responsable démocrate au Congrès a demandé mardi des explications à la secrétaire d’État Condoleezza Rice sur l’immunité accordée par des enquêteurs du département d’État à des agents de la compagnie de sécurité privée Blackwater, impliqués dans la mort de 17 Irakiens. Selon le Washington Post, les agents de la police fédérale (FBI) qui sont chargés depuis le mois d’octobre de l’enquête sur la fusillade du 16 septembre ne peuvent pas utiliser les témoignages recueillis préalablement par le bureau de la sécurité diplomatique du département d’État parce qu’ils ont été effectués sous couvert d’immunité. Certains gardes de Blackwater ont refusé de répondre aux enquêteurs du FBI en raison de cette immunité, écrit le journal.
Dans un communiqué, le sénateur démocrate Joseph Biden, qui préside la commission des Affaires étrangères, demande à Mme Rice si ces informations de presse sont « exactes », « si c’est le cas, qui a donné l’autorisation d’accorder l’immunité » et enfin s’il y a eu « consultation avec le département de la Justice avant que l’immunité soit accordée » aux agents de Blackwater.
« Le département de la Justice et le FBI ne peuvent pas commenter de faits concernant le cas Blackwater, qui fait l’objet d’une enquête en cours. Cependant, toute assertion suggérant que les employés de Blackwater en cause se sont vu accorder l’immunité contre des poursuites de la justice pénale fédérale est inexacte », a réagi le porte-parole du département de la Justice, Dean Boyd, dans un communiqué.
Le porte-parole du département d’État, Sean McCormack, avait auparavant refusé de confirmer ces informations, invoquant lui aussi l’enquête en cours. Il a cependant noté que légalement, son ministère ne peut accorder à ses employés qu’une « immunité limitée ».
« Le département d’État ne peut pas immuniser un individu contre des poursuites de la justice pénale fédérale », a-t-il précisé. « En outre, l’’immunité’ que la presse a évoquée n’est nullement incompatible avec le succès de poursuites pénales ».
M. McCormack s’est efforcé de tenir Mme Rice à distance de la polémique.
« L’attitude de Mme Rice est que si des individus ont violé des règles, des lois ou des réglementations, ils doivent être poursuivis », a-t-il déclaré. « Et çà, ce sera au département de la Justice de le décider ».
À l’issue d’un déjeuner entre Mme Rice et son collègue de la Défense, Robert Gates, le porte-parole du Pentagone, Geoff Morrell, a indiqué que l’armée américaine allait coordonner à l’avenir les mouvements des groupes privés de sécurité en Irak, une décision prise d’un « commun accord » avec le département d’État.

• Ankara a réclamé mardi aux États-uniens des mesures « urgentes » contre les rebelles kurdes basés dans le nord de l’Irak, avertissant que l’avenir de leurs relations en dépendait, tandis que l’armée turque bombardait les séparatistes près de la frontière avec l’Irak.
« Nous allons expliquer (aux États-uniens) que nous attendons des mesures urgentes et concrètes contre les foyers terroristes » du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste) situés dans le Kurdistan irakien, a déclaré le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan devant le Parlement à Ankara.
M. Erdogan expliquait aux députés la position qu’il défendra le 5 novembre, lors d’une rencontre programmée avec le président George W. Bush à la Maison-Blanche. Pour sa part, M. Bush dira à son hôte partager son souhait de voir « éradiquer » le PKK tout en l’appelant à la « retenue », a indiqué la porte-parole de la présidence US Dana Perino, en confirmant l’entrevue.
La secrétaire d’État Condoleezza Rice doit également s’entretenir avec les dirigeants turcs vendredi à Ankara.
« Le terrorisme du PKK est un test de sincérité pour tous. Nous allons expliquer que ce test déterminera l’avenir de nos relations futures », a averti M. Erdogan. Il a aussi souhaité qu’« une feuille de route » pour lutter contre le PKK en Irak soit discutée lors de sa visite à Washington.

• L’Assemblée générale de l’Onu a exhorté mardi, à la quasi-unanimité, les États-Unis à lever l’embargo économique qu’ils imposent à Cuba depuis 45 ans, malgré la détermination de Washington de le maintenir en place.
L’organe plénier des Nations unies, où siègent les 192 États membres, a adopté une résolution en ce sens, pour la 16e fois depuis 1992, à l’issue d’un débat devenu rituel.
Le texte, adopté par 184 voix contre 4 avec une abstention, s’intitule « Nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les Etats-Unis d’Amérique ».
Il « exhorte de nouveau tous les États à s’abstenir de promulguer ou d’appliquer » un tel embargo et à ceux qui l’appliquent à cesser de le faire, « conformément aux obligations que leur imposent la Charte des Nations unies et le droit international qui, notamment, consacrent la liberté du commerce et de la navigation ».
L’embargo économique contre Cuba a été imposé par les États-Unis en 1962, après l’échec de l’invasion de l’île pour tenter de renverser le régime de Fidel Castro —l’épisode de la baie des Cochons. Il a ensuite été renforcé à plusieurs reprises, notamment par la loi Helms-Burton de 1966 et des restrictions aux voyages des citoyens US à Cuba.
Les résolutions de l’Assemblée générale n’ont pas d’effet contraignant mais reflètent l’opinion internationale. L’embargo états-unien contre Cuba est condamné par une majorité toujours plus large de pays : lors de sa première introduction en 1992, cette résolution n’avait recueilli que 59 voix. Elle en avait obtenu 179 en 2004 et 183 en 2006.
Le vote intervenait six jours après un discours du président George W. Bush, qui a affirmé sa volonté de maintenir l’embargo jusqu’à un « changement » de régime dans l’île, provisoirement dirigée par Raul Castro, depuis l’hospitalisation de son frère Fidel en juillet 2006.
À la tribune de l’Assemblée, le ministre cubain des Affaires étrangères, Felipe Perez Roque, n’a pas directement répondu à M. Bush, évoquant seulement « les menaces de ces derniers jours » et précisant que « Cuba ne capitulerait pas ».
« Moi, contrairement à lui, j’ai le droit de dire Vive Cuba libre ! a été la seule référence de M. Pérez Roque aux propos de M. Bush, qui avait lancé le même slogan dans son discours au département d’État.
Le ministre cubain a chiffré à « pas moins de 222 milliards de dollars » l’impact économique du « brutal » embargo sur l’île depuis son instauration en 1962.
« Le gouvernement des États-Unis a interdit aux compagnies états-uniennes de fournir des services Internet à Cuba », a-t-il dit, affirmant que pour cette raison, les Cubains ne peuvent accéder par exemple à Google Earth.
Plusieurs autres pays ont pris la parole pour fustiger l’embargo, dont le Mexique, le Vietnam, l’Afrique du Sud et la Chine. L’ambassadeur du Venezuela, Jorge Valero, a qualifié le récent discours de George W. Bush de « nouvelle et vaine tentative de renverser la révolution et reconquérir Cuba ».

Tendances et événements au Liban

Le leader druze Walid Joumblatt et le chef de la coalition au pouvoir Saad Hariri ont initié une grave escalade du discours politique, pendant que leur allié et ancien chef de milice, Samir Geagea, s’en prenait vivement à l’opposition libanaise et au Hezbollah.
Cette escalade brutale laisse croire qu’il existe une volonté de torpiller toute possibilité d’entente sur un candidat consensuel, après les informations faisant état de multiples rencontres ministérielles inter-arabes et arabo-internationales, en marge de la conférence d’Istanbul qui regroupera, en fin de semaine, les pays voisins de l’Irak. Il s’agit notamment de démarches franco-iraniennes pour tenter d’assainir les relations entre l’Arabie saoudite et la Syrie.
L’activité politique et diplomatique vise, selon des sources bien informées, à mettre des freins régionaux à toute mesure que pourrait prendre l’opposition libanaise au cas où le 14-mars venait à élire un président à la majorité simple d’une manière unilatérale. Il existe une crainte de voir l’opposition prendre une série de mesures sur le terrain qui risquent de modifier radicalement les rapports de forces internes. Les capitales arabes et occidentales concernées par le dossier libanais veulent demander à la Syrie et à l’Iran d’exercer des pressions sur l’opposition libanaise afin qu’elle s’abstienne de toute réaction considérée par les États-Unis comme « dramatique », et qui constituerait une menace sérieuse aux « acquis de la révolution du cèdre ». En contrepartie, ces pays proposent à Damas et à Téhéran l’ouverture de canaux de négociations sur les différents dossiers litigieux dans la région.
Le fait nouveau dans le discours de Joumblatt et de Geagea est leur assurance que le 14-mars va élire un président à la majorité simple. Le chef druze a révélé qu’un groupe de soutien arabo-international a été formé sous la direction des États-Unis pour imposer une reconnaissance de tout pouvoir issu d’une telle élection anticonstitutionnelle.
Saad Hariri, pour sa part, a accusé le chef des services de renseignement syriens, le général Assef Chawkat, d’avoir préparé son assassinat avec le Premier ministre Fouad Siniora. Selon des analystes, ces accusations visent à saboter tout rapprochement entre la France et la Syrie, surtout que le général Chawkat entretient de bonnes relations avec Nicolas Sarkozy du temps où il était ministre de l’Intérieur.
En parallèle à l’option de l’élection à la majorité simple, les États-Unis gardent en réserve la carte du statu quo qui permettrait de transférer les pouvoirs du président à Fouad Siniora. Ce dernier a rappelé à quel point il est assujetti aux États-uniens en communiquant aux municipalités libanaises une décision émanant de George Bush qui menace de sanctions tout individu ou parti qui minerait la stabilité du gouvernement de Fouad Siniora.
Dans ce contexte, il apparaît peu probable que la rencontre entre le chef de l’opposition chrétienne Michel Aoun et Saad Hariri à Paris, ce mercredi, aboutisse à un quelconque résultat concret.

Presse libanaise

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Le flou total entoure un éventuel compromis. Le patriarcat maronite nommera son candidat à la présidence de la République après le 12 novembre.
La situation au Liban va être passée en revue entre les Français et les États-uniens lors d’une rencontre, ce mercredi à Paris, entre l’adjoint de Condoleezza Rice, David Welch, et l’émissaire français Jean-Claude Cousseran.

AL-AKHBAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Une commission maronite tripartie formée par Bkerké va choisir le prochain président de la République, parmi cinq candidats ne faisant partie ni du 14-mars ni de l’opposition.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.