Monsieur le secrétaire général,
Chers collègues,

Je tiens avant tout à remercier chacun d’entre vous d’être venu ici aujourd’hui. C’est un jour d’une grande importance pour nous tous, tandis que nous faisons le point de la situation en ce qui concerne l’Irak et l’obligation de désarmement qui incombe à ce pays conformément à la résolution 1441 du Conseil de sécurité.

Le 8 novembre dernier, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1441 à l’unanimité. Cette dernière a pour objectif de désarmer l’Irak en lui retirant ses armes de destruction massive. L’Irak avait déjà été reconnu coupable de violation substantielle de ses obligations découlant des 16 déclarations précédentes et sur une période de 12 ans.

La résolution 1441 visait non pas une partie innocente, mais un gouvernement dont le Conseil de sécurité a dénoncé la culpabilité à maintes reprises au fil des ans.

La résolution 1441 a donné à l’Irak son ultime chance, celle de se mettre enfin à respecter ses engagements ou à assumer les graves conséquences de ses actes. Pas un membre du Conseil de sécurité présent le jour du vote ne se faisait d’illusion sur la nature et sur le but de cette résolution ni sur la gravité des conséquences au cas où l’Irak s’obstinerait.

Dans le souci de faciliter le désarmement, nous avons demandé à l’Irak de coopérer avec les inspecteurs de la COCOVINU et de l’AIEA de retour dans ce pays. Nous avons imposé des normes rigoureuses à l’Irak pour que les inspecteurs puissent faire leur travail.

Le Conseil de sécurité a jugé qu’il incombait à l’Irak d’honorer ses engagements et de désarmer, et non aux inspecteurs de trouver ce que l’Irak s’évertue à dissimuler par tous les moyens depuis si longtemps. Les inspecteurs sont des inspecteurs ; ce ne sont pas des détectives.

J’ai demandé la convocation de la présente session pour deux raisons. La première, c’est pour marquer ma solidarité avec les conclusions essentielles de MM. Blix et El Baradei. Comme le déclarait M. Blix au Conseil de sécurité le 27 janvier, « l’Irak ne semble pas avoir complètement accepté, même aujourd’hui, le désarmement qui lui a été réclamé ».

Et comme le faisait observer M. El Baradei, la déclaration faite par l’Irak le 7 décembre « n’a fourni aucune nouvelle information pertinente concernant certaines questions qui se posent depuis 1998 ».

Mon second objectif aujourd’hui est de vous fournir des informations supplémentaires, de partager avec vous ce que savent les États-Unis sur les armes de destruction massive de l’Irak ainsi que sur la participation de ce pays au terrorisme, autre thème abordé par la résolution 1441 et par les précédentes.

Permettez-moi d’ajouter que nous fournissons aux équipes d’inspecteurs tous les renseignements pertinents que nous pouvons leur fournir afin qu’ils puissent faire leur travail.

La documentation que je vais vous présenter provient de diverses sources. Certaines informations sont de source américaine, le reste d’autres pays. Certaines sont techniques, par exemple des conversation téléphoniques interceptées et des photos prises par satellite. D’autres vous viennent de personnes qui risquent leur vie afin de révéler au monde ce que trame vraiment Saddam Hussein.

Je ne peux pas vous communiquer tout ce que nous savons, mais ce que je puis vous dire, conjugué à ce que nous avons tous appris au fil des ans, est extrêmement préoccupant. Il en ressort une accumulation de faits et de comportements troublants. Les faits et le comportement de l’Irak montrent que Saddam Hussein et son régime n’ont pas fait le moindre effort pour désarmer conformément aux exigences de la communauté internationale.

En réalité, les faits et le comportement de l’Irak montrent que Saddam Hussein et son gouvernement dissimulent leurs activités visant à produire davantage d’armes de destruction massive.

Pour commencer, écoutez cet enregistrement audio. Je vais vous faire écouter une conversation que mon gouvernement a surprise. Elle a eu lieu le 26 novembre dernier, la veille du jour où les équipes de l’ONU ont repris leurs inspections en Irak. Les propos sont tenus par deux officiers de haut rang, un colonel et un général de l’unité militaire irakienne d’élite, la garde républicaine.

(M. Powell fait écouter la conversation.)

M. Powell - Avant d’aller plus loin, permettez-moi de passer en revue les principaux éléments de la conversation entre ces deux officiers que vous venez d’entendre.

Premièrement, les deux hommes reconnaissent que notre collègue, M. Mohammed El Baradei, va venir, ils savent pour quelles raisons il va venir et ils savent qu’il va arriver le lendemain. Il va venir pour chercher des choses qui sont interdites. Il compte que ces deux hommes vont coopérer avec lui et qu’ils ne vont rien dissimuler.

Mais ils sont inquiets. On a un véhicule modifié. Qu’est-ce qu’on va dire si quelqu’un le remarque ? Qu’est-ce qui les préoccupe ? Ce qui les préoccupe, c’est qu’ils ne devraient pas avoir quelque chose comme ça, c’est quelque chose qui ne doit pas être vu.

Le général était incrédule : » - Vous ne l’avez pas fait modifier. Vous n’en avez pas des comme ça, non ?

 J’en ai un.

 Lequel ? D’où est-ce qu’il vient ?

 De l’atelier. De la société Al-Kindi.

 Quoi ?

 D’Al-Kindi.

 Je viendrai vous voir demain matin. J’ai peur qu’il vous reste quelque chose.

 On a tout évacué. Il ne reste rien. »

Notez bien ce qu’il dit : « On a tout évacué. » On ne l’a pas détruit. On ne l’a pas mis de côté pour le montrer aux inspecteurs. On ne l’a pas remis aux inspecteurs. On l’a évacué pour être sûrs qu’il ne serait pas dans les parages quand les inspecteurs arriveraient. « Je viendrai vous voir demain matin. »

La société Al-Kindi est bien connue pour avoir trempé dans les activités en rapport avec les systèmes d’armements interdits.

Je vais vous faire entendre un autre enregistrement audio. Vous vous rappelez que les inspecteurs ont découvert douze ogives chimiques vides le 16 janvier. Le 20 janvier, quatre jours plus tard, l’Irak promettait aux inspecteurs de faire des recherches supplémentaires. Vous allez maintenant entendre un officier de la garde républicaine qui donne un ordre à un officier sur le terrain. Leur conversation a eu lieu la semaine dernière, le 30 janvier.

(M. Powell fait écouter l’enregistrement.)

M. Powell - Passons en revue les éléments de ce message.

 » - Ils inspectent les munitions que vous avez, c’est ça ?

 Oui, au cas où il y aurait des munitions interdites.

 Au cas où, par hasard, il y aurait des munitions interdites ?

 Oui.

 Et on vous a envoyé un message hier pour vous demander de nettoyer partout, les aires de rebut, les aires abandonnées. Assurez-vous qu’il ne reste rien. Souvenez-vous du premier message : évacuez. »

Tout cela fait partie de leurs tactiques qui consistent à dissimuler, à déplacer, à veiller à ne rien laisser traîner.

Plus loin dans la conversation, on entend les instructions précises qui viennent du quartier général : » - Quand vous aurez exécuté les ordres contenus dans ce message, détruisez-le parce que je veux pas qu’il soit vu par qui que ce soit.

 D’accord.

 Bon. »

Pourquoi ? Pourquoi ? Ce message aurait prouvé aux inspecteurs qu’ils essaient de faire des tours de passe-passe. Ils faisaient des recherches, mais ils ne voulaient pas que le message soit vu parce qu’ils essayaient de nettoyer le secteur, de ne laisser aucune trace de la présence d’armes de destruction massive. Et ils peuvent dire qu’il n’y avait rien, que les inspecteurs peuvent regarder partout et qu’ils ne trouveront rien.

Ces tentatives de dissimulation ne concernent pas un ou deux événements isolés. Bien au contraire, elles s’inscrivent dans la logique d’une politique de dérobade et de fourberie vieille de douze années, une politique arrêtée aux échelons les plus élevés du régime irakien.

Nous savons que Saddam Hussein possède « un comité supérieur de surveillance des équipes d’inspection ». Réfléchissez à cela. L’Irak possède un comité de haut niveau chargé de surveiller les inspecteurs qui ont été envoyés pour surveiller le désarmement de l’Irak. Ce comité est chargé non pas de coopérer avec eux, non pas de les aider, mais de les espionner et de les empêcher de faire leur travail.

Ce comité est relève directement de Saddam Hussein. Il est dirigé par le vice-président de l’Irak, Taha Yassin Ramadan. Au nombre de ses membres figure le fils de Saddam Hussein, Koussaï.

On y note aussi la présence du lieutenant-général Amir al-Sadi, conseiller de Saddam Hussein. Si le nom ne vous dit rien sur le coup, laissez-moi vous rappeler que le général Sadi assure la liaison entre le régime irakien et MM. Blix et El Baradei. C’est le général Sadi qui a affirmé publiquement à l’automne dernier que l’Irak était prêt à coopérer sans conditions avec les inspecteurs. Bien au contraire, la mission du général Sadi consiste non pas à coopérer, mais à tromper ; non pas à désarmer, mais à saper le travail des inspecteurs ; non pas à les soutenir, mais à les circonvenir et à faire en sorte qu’ils n’apprennent rien.

Nous avons appris beaucoup de choses sur le travail de ce comité spécial. Nous avons appris que juste avant le retour des inspecteurs en novembre dernier le régime irakien avait décidé de reprendre « le bon vieux jeu du chat et de la souris », pour citer l’expression que nous avons entendue.

Voyons, par exemple, la déclaration aujourd’hui notoire que l’Irak a soumise au Conseil de sécurité le 7 décembre. L’Irak n’a jamais eu la moindre intention de se plier aux exigences du Conseil. En réalité, l’Irak comptait se servir de cette déclaration pour nous submerger, nous et les inspecteurs, en fournissant donnant des informations inutiles sur les armes auxquelles il a droit afin que nous n’ayons pas le temps de nous occuper de celles qui sont interdites. L’objectif visé par l’Irak consistait à nous faire croire à nous ici présents, à nous membres du Conseil de sécurité, que les inspections aboutissaient.

Vous avez vu le résultat. M. Blix a qualifié la déclaration de 12.200 pages de document riche en volume, mais pauvre en informations, et pratiquement dépourvu de nouveaux éléments. Y a-t-il un membre du Conseil qui puisse en toute honnêteté prendre la défense de cette déclaration mensongère ?

Tout ce que nous avons vu et entendu indique que, au lieu de coopérer activement avec les inspecteurs pour assurer le succès de leur mission, Saddam Hussein et son régime mettent tout en œuvre pour faire en sorte que les inspecteurs ne trouvent absolument rien.

Chers collègues,

Chacune de mes déclarations aujourd’hui est étayée par des sources, des sources solides. Ce ne sont pas des allégations. Ce que nous vous soumettons, ce sont des faits et des conclusions fondées un renseignement solide. Je vais vous citer quelques exemples, ceux-là de source humaine.

Les organismes de sécurité de l’Irak ainsi que les services de Saddam Hussein ont reçu l’ordre de dissimuler toute correspondance avec l’Organisation de l’industrialisation militaire (OIM). Il s’agit de l’organisation qui supervise les activités de l’Irak dans le domaine des armes de destruction massive. Veillez à ce qu’il ne reste aucun document faisant état de vos liens avec l’OIM. 

Nous savons que le fils de Saddam Hussein, Koussaï, a ordonné que toutes les armes prohibées soient retirées des nombreux palais de son père. Nous savons que des fonctionnaires irakiens, des membres du parti Baas actuellement au pouvoir et des chercheurs ont dissimulé chez eux des choses prohibées. D’autres dossiers sensibles provenant d’établissements militaires et scientifiques ont été entreposés dans des voitures que des agents des services de renseignement irakiens conduisent actuellement dans les campagnes, afin d’éviter toute détection.

Grâce aux renseignements qui leur ont été fournis, les inspecteurs ont récemment obtenu une confirmation saisissante de ces informations. En fouillant le domicile d’un chercheur nucléaire irakien, ils ont trouvé environ 2.000 pages de documents. Vous les voyez ici, au moment où on les sortait de cette maison pour les remettre à l’ONU. Certains de ces documents sont classés secrets et ont trait au programme nucléaire de l’Irak.

Dites-moi : pour établir la vérité, pour obtenir les informations dont ils ont besoin pour répondre aux exigences du Conseil, les inspecteurs doivent-ils passer au peigne fin le domicile de tous les fonctionnaires, de tous les membres du parti Baas et de tous les chercheurs du pays ?

Nos sources nous ont informé que, dans certains cas, les disques durs des ordinateurs des installations d’armes irakiennes avaient été remplacés. Qui a pris ces disques durs ? Où sont-ils ? Que dissimule-t-on ? Pourquoi ? Il n’y a qu’une seule réponse à ce « pourquoi » : pour tromper, pour dissimuler, pour [les] mettre hors de portée des inspecteurs.

De nombreux informateurs nous disent que les Irakiens déplacent non seulement des documents et des disques durs mais aussi des armes de destruction massive pour que les inspecteurs ne les voient pas. L’automne dernier, pendant que nous débattions dans la salle de ce Conseil de la résolution 1441, nous savons - d’après nos sources - qu’une brigade de missiles située à la périphérie de Bagdad transférait en différents lieux des lance-roquettes et des ogives contenant des agents biologiques de guerre, afin de les éparpiller dans l’ouest de l’Irak.

La plupart des lance-roquettes et des têtes militaires ont été dissimulés dans de grandes palmeraies et devaient être transférés à intervalles réguliers - allant d’une à quatre semaines - afin de ne pas être détectés.

Nous avons également des photos prises par satellite qui indiquent que du matériel prohibé a été récemment retiré d’un certain nombre d’installations irakiennes d’armes de destruction massive pour être transféré ailleurs.

Avant de vous présenter des photos prises par satellite, permettez-moi de dire à ce sujet quelques mots. Il est parfois difficile pour le commun des mortels, pour moi, d’interpréter les photos que je vais vous montrer. Le travail minutieux de l’analyse photographique ne peut être effectué que par des spécialistes ayant à leur actif de longues années d’expérience, qui scrutent des heures durant des photos placées sur des pupitres lumineux. Mais en vous montrant ces images, je vais essayer de mettre en évidence et d’expliquer ce qu’elles signifient, ce qu’elles indiquent à nos spécialistes de l’imagerie.

Regardons l’une d’entre elles. Il s’agit d’une installation de munitions pour armement, une installation où sont entreposées des munitions, dans un lieu qui a pour nom Taji. Il existe environ 65 sites de ce type en Irak. Nous savons que celui-ci a abrité des munitions chimiques. C’est d’ailleurs à cet endroit que les Irakiens ont produit les quatre obus chimiques supplémentaires.

Vous voyez ici, indiqués en jaune et en rouge, 15 bunkers contenant des munitions. Les 4 qui sont signalés par un carré rouge sont des bunkers de munitions chimiques en activité.

Comment est-ce que je le sais ? Comment est-ce que je peux l’affirmer ? Regardons de plus près. Regardez l’image de gauche. Vous verrez, à gauche, un gros plan de l’un des 4 bunkers contenant des munitions chimiques. Les deux flèches indiquent la présence d’indices confirmant avec certitude que les bunkers contiennent des munitions chimiques. La flèche du haut, là où est écrit « sécurité », désigne une installation qui est caractéristique de ce type de bunker. À l’intérieur de cette installation se trouvent des gardes spéciaux et du matériel spécial permettant de détecter toute fuite éventuelle. Le camion que vous voyez est également caractéristique. C’est un véhicule de décontamination présent au cas où se produirait un accident. C’est ce qui permet d’identifier ces quatre bunkers. Le dispositif spécial de sécurité et le véhicule de décontamination se trouvent dans cette zone, à l’un ou l’autre des 4 bunkers, ils passent de l’un à l’autre et se déplacent en fonction des besoins, à mesure que les gens travaillent dans l’un ou l’autre des bunkers.

Regardez maintenant l’image de droite. Vous voyez maintenant 2 de ces bunkers après leur nettoyage. Les véhicules caractéristiques ne sont plus là, les tentes non plus. Le site a été nettoyé. Et cela a été fait le 22 décembre, alors que l’équipe d’inspection de l’ONU Unies arrivait ; vous voyez les véhicules des inspecteurs arriver en bas de l’image de droite. Les bunkers ont été nettoyés lorsque les inspecteurs arrivent. Ils n’ont rien trouvé.

Cette succession d’événements laisse craindre que l’Irak ait été prévenu des inspections qui allaient être menées à Taji. Nous savons que, tout comme dans les années 1990, l’Irak fait aujourd’hui activement appel aux vastes capacités de ses services de renseignements pour dissimuler ses activités illicites. D’après nos sources, nous savons que les inspecteurs sont constamment sous la surveillance d’une armée d’agents de renseignement irakiens. L’Irak essaie sans relâche d’intercepter toutes leurs communications, vocales ou électroniques.

Je souhaite signaler à l’attention de mes collègues le document très intéressant que le Royaume-Uni a distribué hier et qui décrit avec force détails les activités menées par l’Irak à des fins de tromperie.

Dans l’exemple que je vais maintenant vous présenter, vous allez voir le type de dissimulations auquel a eu recours l’Irak depuis la reprise des inspections. C’est d’ailleurs en novembre 2002, alors même que les inspections étaient sur le point de reprendre, que ce type d’activités s’est considérablement intensifié. En voici trois exemples.

Sur ce site de missiles balistiques, le 10 novembre, nous avons vu un camion se préparant à transporter des composants de missiles balistiques.

Sur ce site lié aux armes biologiques, le 25 novembre, deux jours seulement avant la reprise des inspections, est apparu ce convoi de camions, phénomène que nous n’avions quasiment jamais vu sur ce site et que nous avons suivi avec attention et régularité.

À cette même installation de missiles balistiques, deux jours avant le début des inspections, 5 gros camions sont apparus, ainsi qu’une grue montée sur un camion, pour transférer des missiles.

Nous avons assisté à ce type de nettoyage sur une trentaine de sites. Quelques jours plus tard, les véhicules et l’équipement que je viens de mentionner ont disparu, et les activités du site sont revenues à la normale. Nous ne savons pas exactement ce que l’Irak déplaçait, mais les inspecteurs connaissaient déjà ces sites, et l’Irak savait donc qu’ils s’y rendraient.

Nous devons nous poser la question suivante : pourquoi est-ce que l’Irak déciderait soudainement de transférer du matériel de cette nature avant les inspections si le gouvernement souhaitait à tout prix prouver ce qu’il a ou ce qu’il n’a pas ?

Revenons à la première conversation interceptée, au cours de laquelle deux Irakiens disaient qu’il fallait cacher aux inspecteurs un véhicule modifié. Où est-ce que l’Irak a emmené tout cet équipement ? Pourquoi est-ce que cela n’a pas été présenté aux inspecteurs ?

L’Irak a également refusé d’autoriser les vols des avions de reconnaissance U-2 qui auraient permis aux inspecteurs de mieux comprendre ce qui a été transféré avant, pendant et après les inspections. Ce refus d’autoriser ce type de reconnaissance constitue une violation directe et spécifique du paragraphe 7 de la résolution 1441.

Saddam Hussein et son gouvernement n’essaient pas seulement de dissimuler des armes ; ils essaient également de cacher des personnes. Vous connaissez les principaux faits. L’Irak n’a pas respecté l’obligation qui lui incombait en vertu de la résolution 1441 de permettre d’accéder immédiatement, sans entrave, sans restriction et en toute confidentialité à tous les fonctionnaires et autres personnes. Le régime n’autorise que les entretiens avec les inspecteurs qui se déroulent en présence d’un fonctionnaire irakien, un surveillant. L’organisation irakienne officiellement chargée de faciliter les inspections a annoncé publiquement et de façon menaçante : « Personne n’est prêt à quitter l’Irak pour être interviewé. »

Le vice-président irakien Ramadan a accusé les inspecteurs de faire de l’espionnage, menace implicite selon laquelle toute personne coopérant avec les inspecteurs de l’ONU serait coupable de trahison.

L’Irak ne s’est pas acquitté de l’obligation qui lui incombait en vertu de la résolution 1441 de fournir la liste complète des chercheurs liés à ses programmes d’armes de destruction massive. La liste de l’Irak n’était pas à jour et ne contenait qu’environ 500 noms, alors que l’UNSCOM avait auparavant recensé environ 3.500 noms.

Permettez-moi simplement de vous répéter ce que nous ont dit un certain nombre de sources. Saddam Hussein a directement participé aux efforts visant à empêcher tout entretien. Au début du mois de décembre, il a averti tous les chercheurs irakiens des graves conséquences qu’eux-mêmes et leur famille auraient à subir s’ils révélaient aux inspecteurs des informations confidentielles. Ils ont été contraints de signer des documents stipulant que la divulgation d’informations serait passible de la peine de mort.

Saddam Hussein a également déclaré qu’il faudrait dire aux chercheurs de refuser de sortir d’Irak ; toute personne acceptant d’être interviewée en dehors de l’Irak serait traitée comme un espion. Ceci est une violation de la résolution 1441.

À la mi-novembre, juste avant le retour des inspecteurs, des spécialistes irakiens ont reçu l’ordre de se présenter au siège de l’Organisation spéciale de sécurité afin de suivre une formation au contre-renseignement. Cette formation a principalement porté sur les méthodes d’esquive, les techniques de résistance à l’interrogation et les diverses façons d’induire en erreur les inspecteurs.

Mesdames et messieurs,

Il ne s’agit pas là de simples affirmations. Il s’agit de faits, corroborés par de nombreuses sources, dont certaines proviennent des services de renseignement d’autres pays.

Par exemple, à la mi-décembre, les spécialistes en armes d’un site ont été remplacés par des agents des services de renseignements irakiens qui avaient pour mission d’induire en erreur les inspecteurs quant aux travaux menés sur ce site. Sur ordre de Saddam Hussein, les fonctionnaires irakiens ont établi un faux certificat de décès pour un chercheur, qui est ensuite passé dans la clandestinité.

À la mi-janvier, sur un site lié aux armes de destruction massive, ces spécialistes ont reçu l’ordre de rester chez eux afin d’éviter les inspecteurs. Des employés d’autres installations militaires irakiennes ne travaillant pas sur des projets d’armes illicites devaient remplacer les employés qui étaient restés chez eux. Une douzaine de spécialistes ont été mis en résidence surveillée - non pas chez eux, mais, en groupe, dans l’une des résidences de Saddam Hussein.

Les exemples sont très nombreux. Comme l’indiquent ceux que je viens de vous présenter, les informations et les renseignements que nous avons recueillis témoignent de l’effort résolu et systématique entrepris par le gouvernement irakien afin de mettre du matériel et des personnes clés hors de portée des inspecteurs, au mépris pur et simple de la résolution 1441.

Il ne s’agit pas simplement d’une coopération réticente, ni d’un manque de coopération. Ce que nous observons est une stratégie délibérée visant à empêcher toute véritable inspection.

Chers collègues,

Le paragraphe 4 de la résolution 1441 de l’ONU, sur lequel nous nous sommes si longtemps attardés à l’automne dernier, stipule clairement que la présentation d’informations fausses ou l’existence d’omissions dans les déclarations et le fait de ne pas se conformer à tout moment à la présente résolution et de ne pas coopérer pleinement à son application - les faits se passent de commentaires - constitueront une nouvelle violation substantielle des obligations de l’Irak.

Nous l’avons ainsi libellé afin de tester l’Irak dès le début. Fournirait-il une déclaration honnête, manifesterait-il très tôt sa volonté de coopérer avec les inspecteurs ? Ce paragraphe conçu de façon à constituer un test initial. L’Irak a raté ce test.

Du fait de cette norme, de la norme établie par ce paragraphe-clé, je suis convaincu que l’Irak est maintenant en état de violation substantielle de ses obligations. Je crois que cette conclusion est irréfutable et indéniable. L’Irak s’est mis en danger de subir les graves conséquences prévues par la résolution 1441 de l’ONU. Et cette institution risque de ne plus avoir de raison d’être si elle laisse l’Irak continuer à défier sa volonté sans réagir efficacement et immédiatement.

La question qui se pose à nous n’est pas de savoir combien de temps nous sommes prêts à donner aux inspecteurs pour se heurter aux obstructions irakiennes, mais combien de temps nous allons tolérer le comportement de l’Irak avant de déclarer, en tant que Conseil de sécurité, en tant que Nations unies : cela suffit. La gravité du moment n’a d’égale que celle de la menace que représentent pour le monde entier les armes de destruction massive de l’Irak.

Traduction française : Département d’État. Images du diaporama : Maison-Blanche.

Discours intégral du secrétaire d’État des Etats-Unis, Colin Powell, au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, le 11 février 2003 :
1 – Démenti et fraude (Denial and deception)
2 – Armes biologiques (Biological weapons)
3 – Armes chimiques (Chemical weapons)
4 – Armes nucléaires (Nuclear weapons)
5 – Missiles (Delivery systems)
6 – Terrorisme (Terrorism)
7 – Violation des droits de l’homme (Human rights violations)