En 1970, John Mitchell, l’attorney général de Nixon, annonçait que le pays allait devenir si à droite qu’on ne le reconnaîtrait plus. Cette mission fut confiée à Karl Rove. Suite à la victoire de George W. Bush, les démocrates vont se livrer à une série de récriminations rituelles, mais en fait la défaite n’est pas dûe à la personnalité de leur candidat, à leur programme ou aux erreurs de tel ou tel conseiller. Les démocrates ont réussi à s’unir autour d’un programme centriste et à mobiliser les nouveaux électeurs en leur faveur. Ceux qui étaient préoccupés en premier lieu par l’économie ou la guerre d’Irak ont voté à une écrasante majorité pour eux. Malheureusement, Rove a réussi à faire peur à l’électorat : peur des terroristes, peur des pédés… Les Églises évangéliques sont devenues les relais de l’organisation politique. L’idéologie s’est confondue avec théologie.
Le jour de l’élection, un référendum fut organisé en Floride pour interdire aux jeunes femmes d’avorter sans l’autorisation de leurs parents. Les onze référendums contre le mariage homosexuel ont également été gagnés par l’administration Bush. Dans le même temps, les républicains dénigraient les positions de Kerry, qui sont pourtant celles de la politique étrangère états-unienne classique en les présentant comme efféminées, non patriotiques et comme prouvant un déficit de caractère ou un élitisme. Ils ont aussi joué de la peur du reste du monde.
La campagne des Républicains pour le Congrès a suivi la même logique. Ainsi, les nouveaux sénateurs sont un défilé de grotesques. Plusieurs préconisent la peine de mort comme punition de l’avortement, un veut que tous les enseignants gays soient virés et un autre souffre des symptômes de la maladie d’Alzheimer. La nouvelle majorité est plus théocratique que républicaine et marque plus une défaite des républicains modérés que des démocrates. Il n’y a plus de contre-pouvoirs. Il faut ajouter à cela les prochaines nominations à la Cour suprême qui vont entraîner la disparition des derniers vestiges du New Deal ou du droit à l’avortement.
Le vrai problème du Parti démocrate est de ne pas avoir réussi à enrayer la radicalisation du pays.

Source
The Guardian (Royaume-Uni)
Taipei Times (Taïwan)

« A moral dilemma », par Sidney Blumenthal, The Guardian, 4 novembre 2004.
« A moral dilemma », Taipei Times, 5 novembre 2004.