A la demande de beaucoup de pays, je vais me représenter pour un troisième mandat à la tête de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) bien que les États-Unis aient fait savoir qu’ils pensaient que deux mandats d’affilée était suffisant et que je n’étais pas assez dur avec l’Iran. Pourtant, je suis assez fier des résultats que nous avons obtenu sur ce dossier. Il y a 18 mois, nous ignorions tout du programme nucléaire iranien et aujourd’hui nous avons une image assez précise de son complexe programme et nous pouvons nous rendre partout où nous avons un doute. C’est le fruit de nos tenaces vérifications et du processus diplomatique. J’espère que nous trouverons une solution globale en Iran, tout comme en Corée du Nord.
Comme nous l’avons nous même déclaré, l’Iran a menti au début mais depuis il a corrigé son attitude. Aujourd’hui, les Iraniens affirment coopérer pleinement et rien ne vient démontrer le contraire. Quand l’Iran ment, nous le disons, quand il coopère, nous le disons aussi. Les Iraniens veulent développer un programme nucléaire indépendant car ils ont déjà été isolés par le passé et ils veulent être autonome. C’est pour cela que les discussions avec les Européens sont importantes. En effet, s’ils sont en confiance, les Iraniens renonceront peut-être à leur programme d’enrichissement de l’uranium. Ils sont en mesure d’avoir des armes nucléaires en un ou deux ans mais rien ne dit qu’ils le veulent. Si on veut empêcher l’Iran d’être une puissance nucléaire, il faut négocier et inspecter. Il faut surtout comprendre ses motivations et son sens de l’insécurité. J’aimerais que les États-Unis participent au dialogue et je pense que des frappes contre l’Iran ne résoudrait rien.
Je pense qu’il faut éviter que tous les pays veuillent développer leur programme d’enrichissement nucléaire ; il faudrait les placer sous contrôle international. Je regrette qu’il n’y ait pas plus de préparations pour la renégociation du Traité de non-prolifération et je pense également que les nouvelles armes atomiques " anti-bunker " états-uniennes envoient un mauvais signal. Aujourd’hui, se sentant menacés ou frustrés, des pays comme l’Égypte ou la Corée du Sud font des tests nucléaires. Plus il y aura de ces armes, plus il y a de risques qu’un groupe terroriste en acquière.

Source
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.

« Feeling the Nuclear Heat », par Mohammed ElBaradei, Washington Post, 30 janvier 2005. Ce texte est adapté d’une interview.