Ce fut un voyage de larmes. Le président Köhler avait les yeux rougis par les sanglots quand il a quitté le " Mémorial des Enfants " à Yad Vashem. Après le discours de Köhler devant l’assemblée israélienne, le leader de l’opposition Tommy Lapid a expliqué, en petit comité, comment il s’était fait violence pour accepter un discours par un allemand, en langue allemande et qu’il se pose sans cesse la question de savoir comment son père, assassiné dans un camp de concentration, aurait pris la chose. " Il aurait sans doute accepté ".
Ce voyage du président pour le 40ème anniversaire de la reprise des relations diplomatiques entre Israël et l’Allemagne se situe en pleine phase clé du processus de paix au Proche-Orient. La délégation allemande participe aussi au sommet organisé par Moubarak et les Américains à Sharm El Cheikh pour Ariel Sharon et Abbas. La résolution du conflit israélo-palestinien constitue une des bases de la courageuse vision politique mondiale de Georges W. Bush : la défense de la liberté et de la démocratie contre le fondamentalisme terroriste. Yasser Arafat, le terroriste devenu Prix Nobel, incarnait lui-même une partie du problème, Mahmoud Abbas ne semble pas être un loup dans la peau d’un agneau mais plutôt un agneau pacifiste dans la peau d’un loup. Et Ariel Sharon, le vieux faucon, n’a qu’un but, la paix et la sécurité pour son peuple, de son vivant ; il est aussi le seul à pouvoir obtenir un compromis parmi les partis de droite.
L’Europe est tiraillée entre la France, notoirement pro-palestinienne d’un côté et l’Angleterre qui penche vers Israël de l’autre. L’Allemagne, en raison de son passé, soutient moralement Israël mais peine à s’engager et se maintient à une équidistance synonyme d’indécision. Vladimir Poutine a souligné il y a peu qu’il ne voulait pas s’opposer à l’Amérique, que l’Europe, la Russie et les États-Unis ont les mêmes intérêts et un adversaire commun : le fondamentalisme islamique. La religion chrétienne semble pour eux comme pour les USA, jouer un rôle culturel important et Poutine voit dans le Hezbollah ou le Hamas, le miroir des commandos tchétchènes. J’ai du mal à comprendre pourquoi les Européens sont plus compréhensifs envers la violence exercée par les russes en Tchétchénie, qu’envers le mur de sécurité construit par Israël pour se protéger des attentats suicides.
Aussi longtemps que la partie arabe pourra jouer l’Europe contre les États-Unis, la " paix au Proche-Orient " restera une parole vide. On sait déjà qui sortirait vainqueur de ce conflit existentiel entre un front des islamistes unifiés et un monde judéo-chrétien divisé.
L’Allemagne peut faire pencher la balance européenne, c’est ce qu’ont dit à Horst Köhler tous ses interlocuteurs, le président Katzav, le leader de l’opposition Lapid et Sharon. La sauvegarde de la démocratie israélienne, la constitution d’une alliance anti-terreur américano-européenne ne doit pas être qu’une dette de l’Allemagne pour son passé. Comme le disait Franz Josef Strauss [1], « Nous ne devrions pas seulement nous recueillir devant les juifs qui sont morts, mais aussi faire quelque chose pour les juifs vivants ».
Après les larmes, les actes !

Source
Welt an Sonntag (Allemagne)

« Nach den Tränen : Taten ! », par Mathias Döpfner, Welt an Sonntag, 06 Février 2005.

[1grande figure de la CSU, décédé en 1988