Nous allons voir si la démocratie arrive plus vite que prévu au Moyen-Orient ; cette stabilisation dans la région est dans notre intérêt, je n’ai pas de problème pour reconnaître que les élections en Irak sont un progrès, au contraire. Le problème a toujours été de savoir si l’on influence de l’extérieur ou si l’on réforme de l’intérieur, désormais il semble que ce soit la deuxième solution qui soit la bonne. C’est le résultat d’un débat entre Européens et États-uniens, je pense d’ailleurs que les États-uniens aussi ont revu leur façon de voir les choses.
Je prends en compte l’avis de ceux qui sont opposés à la levée de l’embargo sur les armes envers la Chine, mais j’ai exposé mes motivations et elles ne changeront pas. Cet embargo a été mis en place en 1989 à la suite des évènements sur la place Tienanmen et non à cause d’une politique extérieure agressive de la Chine. La constitution de notre pays stipule que c’est le gouvernement qui décide de la politique extérieure, malheureusement les partis d’opposition font usage de cette question pour semer la discorde dans la coalition rouge-verte.
Il n’y aura pas de paix ni de développement économique durable en Europe sans véritable partenariat stratégique avec la Russie. Cette conséquence d’un passé sanglant est l’une des pierres angulaires de mon travail. Vladimir Poutine essaye sérieusement de modifier les structures pour que l’on puisse réellement parler d’une Russie démocratique. Naturellement il s’agit d’un processus. Tout le monde s’accorde à dire que les années Eltsine ont été le théâtre d’une spoliation du patrimoine, et seul un rétablissement de l’État pouvait mettre un terme à ce chaos. Tous les observateurs, internationaux y compris, ont déclaré que les élections n’ont pas été manipulées et la presse en Russie exerce une critique vive. On doit se garder de faire des généralisations concernant les controverses de politique intérieure, dont les médias rendent compte de manière discutable, je ne vois en outre aucune alternative démocratique viable à Poutine et à sa politique.
Il est indiscutable que ce qui s’est passé à Istanbul en Turquie, le 8 mars, avec le matraquage d’une manifestation pacifique par la police anti-émeutes dont les images ont fait le tour de la planète est inacceptable ; le gouvernement a promis que les responsables devraient rendre des comptes et nous suivons l’affaire. Penser que les réformes voulues par Erdogan seraient facilement traduites dans la loi était naïf compte tenu de la situation qui règne depuis 60 ans. Je ne suis pas étonné que l’appareil qui était contre ces réformes ait réagi négativement. Il nous revient à nous, les Européens, de tenir nos engagements en signant les accords le 3 octobre et aux Turcs de tenir les leurs.
Il serait outrageux de qualifier ma politique de Wilhelmienne, car la politique de Guillaume II était interventionniste et avec des moyens qui ne conviennent pas aujourd’hui. Je n’ai envoyé de canonnière nulle part et cela n’arrivera pas.

Source
Die Zeit (Allemagne)

« Freiheit ist mehr als nur Gewerbefreiheit », par Gerhard Schröder, Die Zeit, 31 mars 2005. Ce texte est adapté d’une interview dont nous n’avons traité que les parties concernant la politique étrangère de l’Allemagne.