La visite de Vladimir Poutine est une première, celles de Eltsine et Gorbatchev n’étaient pas gouvernementales. Cela témoigne du changement de l’attitude politique russe au Proche-Orient. Nous fermons une page de notre Histoire et en ouvrons une autre où figure la Russie, avec sa volonté de paix sans position unilatérale. C’est le régime communiste qui est tombé avec l’effondrement de l’URSS, pas la Russie. Elle demeure un État riche en ressources, au potentiel énorme. Après une période difficile, la Russie panse les plaies de ses erreurs, mais elle est en voie de rétablissement, c’est une question de temps. Les relations russo-israéliennes sont particulières, pas seulement parce qu’une partie de notre population vient de là-bas. Si je devais choisir entre le pouvoir de la raison anglo-saxonne et le pouvoir de l’âme russe, je choisirais l’âme russe.
Je connais Sharon depuis 60 ans, nous avons toujours considéré que la création d’un État palestinien est incontournable. Les négociations de paix se font toujours de deux côtés, avec l’adversaire et avec son propre peuple. Aujourd’hui le peuple nous demande pourquoi nous faisons des concessions, mais sans cela il est impossible d’avancer. En Palestine nous avons gagné, mais nous évacuons car nous ne voulons pas être des envahisseurs. Il n’y a rien de définitif en politique mais l’Histoire ne revient pas en arrière.
Nous souhaitons que le problème du nucléaire en Iran soit résolu par le monde entier. Nous ne souhaitons pas la création d’une nouvelle zone de conflit. De nos jours, l’espace qui sépare les pays n’est plus géographique mais balistique. Le plus grand danger serait de voir des missiles à tête nucléaire entre les mains de régimes odieux. Israël ne cache pas qu’elle voit en l’Iran une grande menace pour le monde entier et pour elle-même. Pour ce qui est d’éventuelles mesures militaires de notre part, je dois préciser qu’il ne faut pas beaucoup d’effort pour commencer une guerre, mais qu’il en faut beaucoup pour l’arrêter.
Aujourd’hui le monde n’est plus divisé entre Est et Ouest ou entre Nord et Sud, mais entre terreur et anti-terreur. Il est désormais évident pour tout le monde que de la Tchétchénie à l’Irak, il s’agit d’un front antiterroriste commun. Nous n’avons pas d’autre choix que de faire face ensemble à la menace internationale.

Source
Novyie Izvestia (Fédération de Russie)

« Я выбираю русскую душу », par Shimon Peres, Novyie Izvestia, 25 avril 2005. Ce texte est adapté d’une interview.