L’amiral William H. McRaven, commandant des Forces spéciales états-uniennes

Après avoir démoli l’État libyen avec 10 000 attaques aériennes et des forces spéciales infiltrées, États-Unis, Italie, France et Grande-Bretagne déclarent leur « préoccupation à cause de l’instabilité en Libye ». La Farnesina (siège du ministère des Affaires étrangères italien) informe que sont en cours à Tripoli de violents affrontements entre milices y compris avec des armes lourdes et qu’ont été endommagés de nombreux édifices, où la sécurité n’est pas garantie, pas même dans les grands hôtels de la capitale.

Non seulement pour les étrangers, mais aussi pour les membres du gouvernement : après l’enlèvement, il y a un mois, du premier ministre Ali Zeidan à sa résidence dans un hôtel de luxe, dimanche le chef-adjoint des services secrets, Mustafa Noah, a été enlevé à l’aéroport. Et pendant que dans la capitale des miliciens de Misrata tirent sur des citoyens désarmés exaspérés par les violences, à Bengazi se poursuit sans discontinuer la série d’homicides d’origine politique.

Que faire ? Le président Obama a demandé au Premier ministre Letta de « donner un coup de main en Libye » et celui-ci a immédiatement accepté. Sa fiabilité est indiscutable : en 2011 Enrico Letta, alors secrétaire-adjoint du Pd (Partito democratico) a été un des plus ardents soutiens de la guerre USA/OTAN contre la Libye. On se souviendra dans les livres d’histoire de sa célèbre phrase : « Est va-t-en-guerre celui qui est contre l’intervention internationale en Libye et certainement pas nous qui sommes des constructeurs de paix ».

Maintenant, tandis que la Libye coule dans le chaos provoqué par les « constructeurs de paix », le moment d’agir est arrivé. L’amiral William H. McRaven, chef du Commandement US pour les opérations spéciales, vient d’annoncer qu’une nouvelle mission est sur le point d’être lancée : entraîner et armer une force libyenne de 5 à 7 000 soldats et « une unité plus petite, séparée, pour des missions spécialisées de contre-terrorisme ». Des spécialistes du Pentagone et de l’OTAN sont déjà en Libye pour choisir les hommes. Mais, étant donnée la situation interne, ceux-ci seront entraînés hors du pays, presque certainement en Italie (notamment en Sicile et Sardaigne) et peut-être aussi en Bulgarie, selon un programme aux ordres du Commandement africain du Pentagone.

L’amiral McRaven ne cache pas qu’ « il y a des risques : une partie des participants à l’entraînement peut ne pas avoir un casier vierge ». Il est très probable donc que parmi eux se trouvent des criminels de droit commun ou des miliciens qui ont torturé et massacré (éléments qui, une fois en Italie, pourront circuler librement). Et parmi ceux qui sont entraînés en Italie il y aura aussi les gardiens des camps libyens dans lesquels sont enfermés les migrants.

Pour l’entraînement et l’entretien de ces hommes, les fonds déjà destinés à la Libye dans le décret examiné au parlement seront insuffisants : il en faudra d’autres beaucoup plus consistants, toujours pris dans les caisses publiques. L’Italie contribuera de cette façon à la formation de troupes qui, étant de fait sous les ordres des commandements US/OTAN, ne seront que nominalement libyennes : en réalité elles auront le rôle qu’avaient autrefois les troupes indigènes coloniales.

L’objectif de la mission n’est pas de stabiliser la Libye pour qu’elle redevienne une nation indépendante, mais de contrôler la Libye, de fait déjà balkanisée, ses précieuses ressources énergétiques et son territoire stratégiquement important.

Nous nous permettons de donner un conseil au gouvernement Letta : l’exposition flottante du Cavour, quand elle rentrera en Méditerranée en avril après son périple africain, pourrait faire étape aussi en Libye pour faire de la publicité aux produits Made in Italy. Comme le canon à feu rapide Vulcain de la société Oto Melara, qui, dans les mains des Libyens qui mitraillent aujourd’hui les embarcations des migrants, pourrait résoudre le problème de l’émigration clandestine.

Traduction
M.-A.
Source
Il Manifesto (Italie)