La décision de l’Union européenne, poussée par la France et l’Allemagne, de lever l’embargo sur les armes en direction de la Chine a rendu furieux Washington et ses alliés. Pour le Pentagone, la Chine est le prochain adversaire majeur qu’il faudra affronter. La politique de remodelage du Proche-Orient initiée par les États-Unis est d’ailleurs largement motivée par la volonté de contrôler les ressources énergétiques avant un futur conflit, plus direct, avec Pékin. La Chine répond à cette politique en développant sa défense et Hu Jintao a exhorté en septembre dernier l’Armée populaire de libération à se préparer à la guerre.
Dans le cadre de la redéfinition des alliances internationales à laquelle nous assistons, l’axe Paris-Berlin-Moscou est décidé à s’associer à Pékin pour contenir l’alliance anglo-saxonne. Pour Washington, par contre, il n’est pas question que Pékin soit aidé dans sa réorganisation militaire.
Philip H. Gordon et James B. Steinberg, deux anciens membres du Conseil de sécurité national US sous la présidence Clinton, aujourd’hui chercheurs à la Brookings Institution, dénoncent l’attitude de l’Union européenne. Ils préconisent un certain nombre de mesures que devrait prendre l’Europe pour limiter la portée des ventes d’armes à venir. Les vendeurs d’armes européens devront ainsi s’assurer que leurs matériels ne vont pas servir contre les Droits de l’homme ou pour une attaque de Taipei. On voit mal comment ce point pourrait être rempli une fois les armes vendues. En outre, les ventes ne devront pas favoriser un bond technologique de l’armée chinoise. Enfin, les deux auteurs exigent que les alliés de Washington dans la région fixent la liste du matériel qu’ils ne veulent pas voir vendus à Pékin. Si cette interdiction devait être bravée, les États-Unis pourraient prendre des sanctions.
Dans Le Figaro, Yu Jie, Ding Zilin et Liu Xiaobo, trois dissidents chinois, lancent un appel à la France : la nation des Droits de l’homme ne doit pas s’autoriser à vendre des armes à un régime qui a commis la répression de Tiananmen et ne s’en est jamais amendé. Ils affirment que désormais la vraie patrie des Droits de l’homm, c’est les États-Unis, opposés à cette vente d’armes et défendant Taïwan. On peut s’accorder avec ces auteurs pour dénoncer les atteintes aux Droits de l’homme en Chine et ailleurs. Toutefois, même si Pékin n’entend pas réhabiliter les victimes de Tiananmen, on ne peut pas pour autant considérer que la Chine d’Hu Jintao est la même que celle du général Yang Shangkun qui écrasa les manifestants. En outre, difficile de présenter comme la vraie nation des Droits de l’homme les États-Unis alors que ce pays incarcère six fois plus ses citoyens que ne le fait Pékin.
Ces deux textes, brocardent l’attitude européenne en mettant en avant le mercantilisme européen. En effet, aussi bien chez les tenants d’une alliance continentale que dans les cercles atlantistes, le réalignement franco-allemand vers la Russie et la Chine reste un tabou. Rappelons que cet appel de la France en faveur d’une levée de l’embargo a eu lieu lors de la visite de Jacques Chirac en Chine, une visite qui avait également été présentée comme celle d’un VRP présidentiel et non comme l’organisation d’un rapprochement politique visant à constituer une alliance Paris-Berlin-Moscou-Pékin.
A l’occasion de ce voyage en Chine, le président français avait pourtant parlé de bien autre chose que d’accords commerciaux. Il avait ainsi profité de l’occasion pour équiper la Chine en matériel de brouillage des ondes de Voice of America. Il avait également affirmé son opposition à l’indépendance de Taïwan, un sujet relancé aujourd’hui par l’adoption d’une loi anti-sécession par Pékin. Huang Tien-lin, conseiller de politique national du président taiwanais Chen Shui-bian, dénonce ce texte dans le Taipei Times ; quotidien qui avait insulté la France et un de ses ministres à cause de la levée de l’embargo, la semaine dernière. Dans un style très imagé, il prétend que la Chine continentale a mis au point une politique visant à progressivement annexer Taïwan en endormant la méfiance insulaire. Toutefois, en adoptant sa loi, la Chine a commis une erreur tactique. Il appelle donc ses concitoyens a réagir et à en finir avec le mythe de la Chine unique. Pourtant, aujourd’hui, c’est cet artifice qui empêche la situation de dégénérer en guerre.
Face au risque de conflit, l’ancien secrétaire adjoint à la Défense états-unien, Joseph S. Nye, affirme dans une tribune largement diffusée par Project Syndicate qu’il convient d’être prudent concernant la montée en puissance de la Chine : certes, cela peut mal tourner, mais c’est en affirmant que ces guerres sont probables qu’elles risquent de se réaliser. Dans La Libre Belgique, le Korea Herald, Le Figaro et le Taipei Times, il estime qu’il convient d’engager une politique raisonnable vis-à-vis de la Chine. Selon lui, les États-Unis peuvent profiter de la croissance économique chinoise, mais, pour cela, ils faut qu’ils apaisent la situation entre Pékin et Taipei.

Malheureusement, aux États-Unis, loin de ce discours, certains faucons demandent que Washington soutienne sans condition l’indépendance taïwanaise. La Chine craint pour sa part que les États-Unis n’attaquent son territoire en instrumentalisant une province sécessionniste ou via Taïwan et redoute un encerclement similaire à celui que connaît la Russie, cernée par les États ayant connu des « révolutions colorées ».
Première ancienne République soviétique a avoir basculé, la Géorgie est aujourd’hui dirigée par une coalition demandant son entrée dans l’OTAN et l’Union européenne. Son vice-Premier ministre et ministre d’État chargée de l’intégration euro-atlantique Giorgi Baramidze se livre à un exercice périlleux dans Gazeta SNG : demander le retrait des bases russes de son territoire au nom de la souveraineté et prétendre ne plus vouloir aucune base étrangère sur le territoire géorgien tout en affirmant qu’il ne s’opposerait pas à la présence des forces de l’OTAN en Géorgie pour garder les frontières.

En Israël, le débat politique porte sur la meilleure façon d’évacuer la bande de Gaza. L’ancien porte-parole des gouvernements Rabin et Peres, Uri Dromi, estime dans l’International Herald Tribune qu’Israël doit jouer l’apaisement avec les Palestiniens. Il redoute que le gouvernement pratique la politique de la terre brûlée en détruisant les terrains occupés par les colons après le retrait de Tsahal. C’est ce qu’avait fait le gouvernement Begin au Sinaï en 1982 et le ministre de la Défense était alors un certain Ariel Sharon. Pour le travailliste, il ne faut pas détruire les maisons des colons israéliens, mais les donner aux Palestiniens en signe de bonne volonté. Toutefois, si ce don avait lieu il ne pourrait s’agir que d’un geste de magnanimité en trompe l’œil. En effet, les conseillers d’Ariel Sharon n’ont pas caché que le retrait de Gaza avait pour but premier de permettre une meilleure emprise sur la Cisjordanie et c’est justement en Cisjordanie que les colons de Gaza doivent être relogés.
Loin du discours rassurant sur les « opportunités » de paix en Israël/Palestine, Vremya Novostyey donne la parole à Ahmed Jibril, dirigeant d’une faction dissidente du FPLP. C’est l’occasion pour le résistant palestinien d’expliquer son action et de dénoncer la politique du Fatah. Pour lui, Yasser Arafat et Mahmoud Abbas ont déjà fait trop de concessions et ont torturé leurs opposants palestiniens pour plaire à Israël. Il affirme que son groupe est prêt à continuer la lutte contre l’occupation et même à s’en prendre à Abbas s’il abandonne les droits inaliénables des réfugiés.