« Comment la guerre s’affranchit du droit »

How War Left the Law Behind
New York Times (États-Unis)

[AUTEUR] Michael J. Glennon, est professeur de droit international de la Fletcher School of Law and Diplomacy à la Tufts University et auteur de Limits of Law, Prerogatives of Power : Interventionism after Kosovo.

[RESUME] Il y avait quelque chose d’irréel dans les deux mois de négociation au Conseil de sécurité de l’ONU. En effet, les diplomates ont discuté chaque mot de la résolution 1441 pour finalement aboutir à un texte qui est une victoire pour les Etats-Unis. Pourtant le recours à la force n’est pas automatique, tandis que Washington avait déclaré qu’il ne se plierait pas forcément à une résolution des Nations Unies. Ce texte n’a eu pour effet que de rétablir un semblant de légalité internationale pour l’usage de la force.
Les passages de la Charte des Nations Unies concernant l’usage de la force ne sont plus respectés, comme l’a montré la guerre au Kosovo qui n’avait pas reçu l’agrément du Conseil de sécurité. Cette charte a désormais autant de poids que la déclaration Briand-Kellogg de 1928 qui rendait la guerre illégale et qui avait été signée par la plupart des pays belligérants de la Seconde Guerre mondiale.
Il est, certes, toujours plus facile de faire une guerre avec l’approbation du Conseil de sécurité, mais il est regrettable que la charte des Nations unies ne soient plus qu’un paravent politique. Il est urgent de régler le problème de l’usage légal de la force dans le monde.

« Une vraie justice internationale est possible »

Une vraie justice internationale est possible
Le Figaro

[AUTEUR] Claude Jorda est président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPI), où il siège depuis 1994.

[RESUME] La création d’une Cour pénale internationale (CPI) est devenu une réalité, le premier juillet 2002. Son existence est handicapée par la non-ratification du traité l’instituant par certains des États les plus puissants du monde. C’est à cette cour de les convaincre de son efficacité. Pour cela, elle doit s’inspirer de l’expérience du Tribunal pénal international (TPI) sur l’ex-Yougoslavie.
Le TPI a, en huit ans, eu un succès inattendu malgré les problèmes auquel il a dû faire face et la difficulté de sa tâche : le rassemblement de preuves dans un pays lointain, les obstructions provenant des États incriminés et d’États a priori plus vertueux, la réticence des victimes à venir témoigner de peur de représailles, l’instrumentalisation des témoins… etc. Pour faire face à ces problèmes, la CPI a, pour sa part, créé une Chambre préliminaire chargée de l’instruction.
La CPI devra également trouver sa place face aux justices nationales. Il faudra ré-associer les juridictions locales au jugement de certains responsables, car la CPI ne doit avoir qu’une fonction subsidiaire par rapport aux justices nationales. Toutefois, la cour devra s’assurer que les États sont en mesure de juger les suspects et devra éventuellement aider à restaurer le tissu judiciaire local.
L’aspect le plus difficile pour la CPI sera de trouver sa place en respectant les États souverains et les négociations inter-étatiques tout en faisant prévaloir le droit. Les rôles spécifiques devront être mieux définis que pour le TPI.
Le TPI a imposé l’idée qu’aucun conflit ne pouvait trouver de règlement acceptable si la justice n’était pas rendu aux victimes. La CPI doit s’en inspirer tout en se gardant de la tentation d’exercer un magistère universel, pour laquelle elle n’est pas mandatée, et de celle de se replier passivement face aux État en laissant perdurer l’impunité.

[CONTEXTE] Claude Jorda évoque sans les désigner nommément, les États-Unis et Israël qui ont refusé de ratifier le Traité de Rome. Ces deux États refusent que leurs soldats puissent être traduits devant une juridiction supranationale pour des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. Dans ces deux pays, des mouvements se sont même développés pour menacer de rétorsion les États tiers qui déféreraient à la CPI des soldats états-uniens ou israéliens.

« Du sang pour du pétrole ? »

Blood for oil ?
Washington Times

[AUTEUR] David Isby est auteur et consultant sur les questions de sécurité nationale à Washington.

[RESUME] Les médias des pays de l’Axe du Mal ont développé l’idée que les États-Unis vont faire la guerre en Irak pour le pétrole. En effet, ils ne veulent pas que leur opinion publique puisse penser que c’est l’obsession de leur dictateur pour la possession d’armes de destruction massive qui est la cause de la guerre.
En Occident, les opposants à la guerre et les tenants des théories conspirationistes affirment également que la guerre n’a que des buts pétroliers, mais ont du mal à trouver des arguments convaincants. En effet, s’il s’agissait vraiment de faire baisser le prix du pétrole, il serait plus simple de lever les sanctions contre l’Irak et de maintenir le statu quo dans les autres pays, comme le demande la lobby pétrolier, alors qu’une guerre en Irak fera sans doute fortement augmenter le cours du baril.
De plus, même dans le cas d’une guerre courte qui n’entraînerait pas un trop gros choc pétrolier, le contrôle du pétrole irakien demanderait, comme préalable, des investissements majeurs pour remettre en état l’industrie pétrolière irakienne sans pour autant que cela profite aux États-Unis. En effet, même l’opposition irakienne, soutenue par Washington, affirme que les États-Unis n’auront pas de traitement préférentiel lors des attributions des marchés pétroliers. Le pétrole irakien pourrait donc, sans doute, arriver dans les mains des compagnies françaises et russes.
Le 11 septembre a modifié en profondeur la politique étrangère de Washington et ce n’est pas le pétrole, mais la menace que représentent les armes de Saddam Hussein, qui pousse les États-Unis à faire la guerre.

« Une salutaire - mais souvent oubliée - analogie avec l’Irak »

A useful - often forgotten - analogy to Iraq
Christian Science Monitor (États-Unis)

[AUTEUR] Neta C. Crawford est professeur au Watson Institute for International Studies de la Brown University. Son dernier livre est Argument and Change in World Politics : Ethics, Decolonization and Humanitarian Intervention.

[RESUME] L’administration Bush aime les analogies historiques concernant l’Irak. Ainsi, les dirigeants américains utilisent les exemples historiques de Pearl Harbor, de la lutte contre les nazis ou de la crise des missiles de Cuba de 1962 pour présenter la menace qu’incarnerait Saddam Hussein, souvent présenté comme un nouvel Hitler. Pourtant, une autre analogie historique aurait pu être utilisée.
Dans les années 70 et 80, il y eu de fortes suspicions qu’un État, militairement agressif, aux riches ressources et aux mains d’une oligarchie ne respectant ni les Droits de l’homme, ni les règles démocratiques, développait des armes nucléaires. Ce pays qui avait l’une des industrie militaires les plus puissantes du monde et qui exportait son armement dans de nombreuses parties du globe ne vit cet armement démantelé qu’à la faveur d’un changement de régime. C’était l’Afrique du Sud.
Toutefois, ce changement de régime, qui a amené une large démocratisation du pays, le retrait de ses troupes de nombreux pays où elles étaient engagés et une destruction de son armement nucléaire, s’est fait sans guerre. Ce sont les pressions internationales, auxquels n’ont pas participé les États-Unis, qui ont fait chuter le gouvernement d’apartheid sud-africain.
Cet exemple montre bien que la guerre contre les États voyous n’est ni inévitable, ni forcément nécessaire.

« Un effort pour apporter une réponse au Proche-Orient »

An Effort To Match In the Mideast
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Brent Scowcroft est président du Forum for International Policy et du Scowcroft Group. Il a été conseiller sur la sécurité nationale des présidents Ford et George H.W. Bush. Depuis plusieurs mois, il milite au sein du Parti républicain contre la politique étrangère de George Bush fils.

[RESUME] Les États-Unis ont conclu un remarquable exercice diplomatique en arrivant à faire adopter par l’ONU une résolution qui permet d’éviter une guerre en Irak tout en donnant des directives claires à Saddam Hussein. En menaçant l’Irak d’une action unilatérale, ils ont mis le Conseil de sécurité face à ses responsabilités et, en affirmant que la seule solution pour désarmer l’Irak était le renversement de Saddam Hussein, ils ont forcé le président irakien à accepter tout ce que l’ONU lui imposait.
L’attitude des États-Unis, que certains ont qualifiée un peu vite d’arrogante, a suscité un vote unanime du Conseil de sécurité et a ramené l’Irak dans le chemin du respect du droit international. Reste maintenant à savoir quelle sera l’attitude de Saddam Hussein face aux inspecteurs.
Washington ne doit pas s’arrêter là et doit profiter du répit que lui donne le temps des inspections pour parachever son triomphe diplomatique en faisant preuve de la même audace vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. L’administration Bush doit soutenir le plan de paix du Quartet international qui doit conduire à la création d’un État palestinien en 2005 en se basant sur les frontières de 1967. Pour appuyer ce projet, Américains et Européens pourraient proposer de créer une force d’interposition internationale afin de faire cesser les violences.
Ces actions diplomatiques au Proche Orient permettraient de transformer la région et de faire diminuer le sentiment anti-américain dans ces pays, préalable nécessaire à la lutte pour notre sécurité nationale.

« On ne peut pas vivre avec lui... »

Can’t live with him...
The Globe and Mail (Canada)

[AUTEUR] Yossi Alpher est ancien officier supérieur du Mossad et ancien directeur du Jaffee Centre for Strategic Studies de l’université de Tel Aviv. Il est co-rédacteur en chef de bitterlemons.org, un site consacré au dialogue israélo-palestinien.

[RESUME] L’idée de renverser Yasser Arafat n’est pas nouvelle pour les dirigeants israéliens, mais ils s’y sont toujours refusés. Pourtant, c’est ce que propose aujourd’hui Benjamin Netanyahu, en affirmant qu’il s’agit d’une condition préalable essentielle à la fin du terrorisme. De l’avis des responsables du renseignement israélien, Yasser Arafat est certes influent sur les groupes terroristes, mais son renversement envenimerait la situation. En effet, si Yasser Arafat était exilé ou devenait un martyr, il pourrait inspirer plus d’atrocités et être remplacé par plus extrémistes que lui. À ce titre, Arafat est irremplaçable même s’il n’est pas le meilleur interlocuteur possible pour le processus de paix. D’ores et déjà, il est nécessaire d’envisager sa succession et, afin d’éviter l’arrivée au pouvoir d’un extrémiste, on doit écarter l’idée d’un renversement brutal.
Partant du principe qu’Israël ne peut rien faire contre Arafat, il ne reste que deux solutions : soit continuer la même politique que celle qui est menée actuellement en espérant qu’un dirigeant plus modéré prendra un jour sa place ; soit agir unilatéralement en retirant les troupes israéliennes de Cisjordanie et de la bande de Gaza et en démantelant les colonies afin que ces actions amènent les Palestiniens à renouer également le dialogue. Quelle que soit la solution choisie, de toute façon, la guerre en Irak changera radicalement les données, pour le meilleur ou pour le pire.
La solution à adopter devra être au cœur de l’agenda politique après les élections. Malheureusement, si c’est Netanyahu qui gagne les primaires du Likoud, son attitude mettra le feu aux poudres, aussi bien en ce qui concerne la politique intérieure israélienne qu’en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien.