« Oui, les Turcs sont assez bons pour l’Europe »

Yes, the Turks Are Good Enough for Europe
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Soner Cagaptay est coordinateur du Turkish Research Program du Washington Institute for Near East Policy, une organisation états-unienne soutenant l’axe Washington-Tel Aviv-Ankara (voir à ce sujet la dernière investigation du Réseau Voltaire : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington »).

[RESUME] La candidature de la Turquie à l’Union Européenne a des chances d’être repoussée au sommet de Copenhague en raison de son système politique trop peu démocratique et de ses manquements aux droits de l’homme. Pourtant, en Lettonie, la situation n’est pas meilleure, mais ce pays va, lui, devenir membre de l’Union au motif inverse que cette adhésion va l’aider à se démocratiser. En effet, l’expérience a montré que l’adhésion permettait de consolider les systèmes démocratiques, comme ce fut le cas pour le Portugal et la Grèce. Cependant, on va refuser cette chance à la Turquie.
L’autre argument qui justifiera le rejet de la requête turque, la géographie, ne tient pas non plus vue l’adhésion prochaine de Chypre.
Le vrai problème pour l’Europe est que la Turquie est tout simplement trop grande pour elle et que l’intégration à venir de 12 nouveaux pays assez pauvres rassemblant 100 millions d’habitants représente déjà un effort considérable. L’UE devrait enfin être honnête, reconnaître son impuissance économique et cesser d’utiliser des arguments idiots ou de vieux préjugés islamophobes pour justifier sa position : ils donnent une mauvaise image de l’Europe aux pays musulmans. Elle doit également être franche avec Ankara et lui donner une date ferme pour devenir membre, même si cela doit passer par dix ans de négociations. En effet, l’UE serait la première à profiter de l’adhésion d’un pays à la population jeune et à l’économie dynamique, qualités qui manquent aux actuels membres de l’Union.

« La Turquie ne doit pas joindre l’Union Européenne chrétienne »

Turkey must not join the Christian EU
The Daily Telegraph (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Dr John Casey est chercheur au Gonville & Caius College de Cambridge.

[RESUME] Valéry Giscard d’Estaing, pour qui l’adhésion de la Turquie, pays non-européen, marquerait la fin de l’Union Européenne, a déclaré à voix haute ce que pensent beaucoup d’hommes politiques du continent.
Il est vrai que ce pays a réalisé d’énorme progrès en matière de démocratie et de libertés, qu’il joue un rôle stratégique déterminant pour une future attaque contre l’Irak. Le rejet de sa candidature pourrait remettre en cause les progrès accomplis, provoquer un ressentiment fort vis-à-vis de l’Union Européenne, susciter un coup d’État militaire et une annexion par Ankara du Nord de Chypre. Pourtant, on ne peut pas baser une adhésion sur les questions intérieures turques et les desiderata des États-Unis.
Même si le régime turc ressemble de plus en plus à ceux des autres pays européens, cela n’est pas suffisant car la vraie raison pour laquelle il ne faut pas que la Turquie adhère à l’Union Européenne, c’est que ce pays n’est pas européen. En effet, il ne pourra jamais y avoir de sentiment d’appartenance à une union qui n’aurait pas de référence culturelle commune entre les différents pays et tous les pays européens sont marqués par 2000 ans de culture chrétienne.
Les fondateurs de l’Europe étaient pour la plupart chrétiens-démocrates et avaient pour objectif de fonder une communauté fondée sur une histoire et une expérience communes. Si nous brisons ces références communes et que nous ne définissons l’adhésion que sur des critères universels, nous devrons faire adhérer Israël, l’Égypte et, pourquoi pas, un Irak libéré. Nous aurions alors détruit toute chance de voir l’Europe devenir une vraie communauté.
Je respecte les Turcs et j’admire l’Islam, mais nous ne pouvons admettre dans nos murs ce cheval de Troie.

« Les États-Unis étaient admirés et respectés »

The United States was admired and respected
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Ronald I. Spiers est ancien sous-secrétaire d’État états-unien (1983-1989) et ancien sous-secrétaire général de l’ONU (1989-1992).

[RESUME] Quand j’ai rejoint les services des affaires étrangères états-uniens, il y a près de 50 ans, les États-Unis étaient un pays respecté et admiré mais, aujourd’hui, nous sommes de moins en moins populaires dans le monde. Cela est imputable à la perte de l’altruisme qui était le nôtre après la Seconde Guerre mondiale avec le plan Marshall, la création de l’OTAN et de l’ONU. Désormais nous avons une conception unilatéraliste des relations internationales fondée sur l’idée trop répandue que «  Si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous  ». La politique internationale n’est certes pas un concours de popularité, mais l’image d’un État produit un impact sur sa situation internationale et cet aspect de la puissance américaine s’affaiblit.
Les États-Unis sont devenus arrogants et les dirigeants politiques et les médias américains parlent à présent au reste du monde comme jamais ils ne tolèreraient qu’on leur parle. George W. Bush a exprimé son désir de voir la politique étrangère états-unienne devenir plus humble, mais il n’a pas toujours donné l’exemple en la matière.
Les États-Unis ne doivent pas oublier qu’ils sont membres d’une communauté internationale et qu’ils doivent agir en tant que tels.

« Le temps de l’action »

Time for action
Al-Ahram Weekly (Égypte)

[AUTEUR] Hassan Abu-Taleb est expert à l’Al-Ahram Centre for Political and Strategic Studies et rédacteur en chef du rapport stratégique arabe publié tous les ans.

[RESUME] Le sommet de Machakos du 18 novembre entre le gouvernement soudanais et le Mouvement de Libération du Peuple du Soudan a établi un cessez-le-feu et proposé une formule de partage du pouvoir entre les belligérants. Les prochaines discussions, qui se tiendront avec le soutien de l’Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD), des pays européens amis de l’IGAD et des États-Unis, traiteront de la possibilité d’instaurer un système fédéral. Cet accord a été obtenu essentiellement grâce à la médiation des pays africains, européens et américains, mais aucun pays arabe n’y était impliqué.
En effet, l’Égypte, qui est un des pays les plus concernés par le problème soudanais, entend voir préserver l’intégrité du Soudan, alors que le projet porte en germe une sécession. De plus, on a seulement proposé à l’Égypte un rôle d’observateur de la conférence, ce que le Caire a pris comme un affront.
Il est vrai que l’absence dans cette négociation de l’Égypte et de la Ligue arabe est de mauvaise augure et que la possibilité d’une partition du Soudan suscite des réserves légitimes, mais il est souhaitable que l’approche de cette question soit plus réaliste. Il ne faut pas que le Caire s’aliène un futur gouvernement du sud Soudan qui contrôlerait les sources du Nil et notre pays a beaucoup à perdre à ne pas participer aux discussions. Les Soudanais souhaitent cette participation et la médiation de l’Égypte entre les habitants du Nord et du Sud du pays.