« Un monde multipolaire entraîne l’émergence de puissances rivales »
Full transcript of the interview with Tony Blair
Financial Times (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Tony Blair est le Premier ministre travailliste britannique. Ce texte est un résumé des passages de l’interview qu’il a accordé au Financial Times sur la politique internationale.
[RESUME] Les forces britanniques quitteront l’Irak dès que la période de transition sera terminée. Je ne sais pas quand cela aura lieu, mais ce sera le plus rapidement possible. D’ores et déjà, nous allons rapatrier une partie de nos troupes car nous n’avons pas besoin d’en avoir autant dans ce pays. On peut envisager que, bientôt, une force de stabilisation s’installera en Irak. Elle sera peut-être sous la direction de l’OTAN. Cependant, il est souhaitable que les pays de la région y participent.
Même si nous ne les avons pas encore trouvées, il ne fait aucun doute que l’Irak possédait des armes de destruction massive. Nous les trouverons dès que nous aurons le temps de les chercher activement après avoir réglé les problèmes humanitaires dans ce pays. Nous sommes parvenus à priver Saddam Hussein de ses armes. C’était la principale raison de cette intervention, même si cette guerre se justifie moralement par le renversement de l’horrible régime à Bagdad.
Dans le cas de la Corée du Nord et de la Syrie, nous devons négocier pour que ces deux pays abandonnent leurs armes de destruction massive. Nous devons leur faire comprendre que nous ne plaisantons pas et que nous considérons ces armes comme des menaces sérieuses. La Syrie doit cesser tout lien avec le terrorisme et nous pensons, tout comme la Chine, la Russie et la Corée du Sud, que la Corée du Nord ne doit pas posséder d’armes atomiques. Il n’y a cependant pas de plan pour attaquer la Corée du Nord car ce pays n’est pas l’Irak et n’a pas déjà utilisé ses armes de destruction massive, ni violé les résolutions de l’ONU.
J’espère que l’ONU aura un rôle central dans la reconstruction de l’Irak et qu’elle lèvera vite les sanctions économiques. Je ne suis pas intéressé par les discussions concernant les punitions de tel ou tel État qui n’était pas d’accord avec nous et je pense qu’il faut nous rassembler. Les partisans d’un monde multipolaire suivent une politique qui pourrait mener à l’émergence de nombreuses puissances rivales et nous ferait retourner à une situation équivalente à celle de la Guerre froide. Je suis pour ma part en faveur d’un monde de coopération.
Je veux donc une Europe plus forte, capable de parler d’une seule voix. Mais pas une Europe qui se construise en opposition à l’Amérique car cela encourage l’unilatéralisme des États-Unis et ce n’est pas une bonne position. La Grande-Bretagne se considère comme un pont entre les États-Unis et l’Europe. Nous ne sommes pas du tout isolés dans l’Union européenne, qui ne se résume pas à l’Axe franco-allemand, et où notre position est partagée par une majorité d’État. La fonction du Royaume-Uni dans l’Europe est de s’assurer que l’Europe et l’Amérique restent alliés, notre position n’est donc pas affaiblie sur le continent. Il est même de l’intérêt de notre pays d’être de plus en plus intégré économiquement à l’Europe.
« Défense européenne : une alliance à deux niveaux »
European defense : An alliance with 2 tiers
International Herald Tribune (États-Unis)
[AUTEURS] James E. Goodby est diplomate états-unien. Il est membre du Center for Northeast Asian Policy Studies de la Brookings Institution. Il a été négociateur en chef lors des pourparlers du plan Nunn-Lugar avec la Russie, sous l’administration Clinton. Kenneth Weisbrode est conseiller à l’Atlantic Council of the United States.
[RESUME] Aujourd’hui, la France, l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg se rassemblent à Bruxelles pour discuter de la création d’une nouvelle Union européenne de la défense. Cette conférence suscite peu de réactions. Beaucoup estiment que cette conférence menée par des pays qui étaient opposés à l’intervention en Irak ne conduira nulle part.
Il est pourtant important que les Européens aient une autorité militaire en plus de l’OTAN dirigé par l’Amérique. Il ne faut pas développer une initiative anti-états-unienne et anti-OTAN, ni que la défense européenne s’appuie uniquement sur l’Alliance atlantique. Il faut donc organiser ces deux structures et leur répartir les tâches. Ainsi, l’OTAN pourrait se charger des questions de sécurité hors d’Europe tandis que l’autre organisation s’occuperait de la défense à l’intérieur de l’Europe. Les membres de l’UE et les pays y aspirant devraient faire partie des deux organisations car les États-Unis n’accepteront pas de devoir s’impliquer dans les conflits internes européens et ne pas avoir de soutien à l’extérieur. Ces deux structures devraient être suffisamment flexibles pour accueillir la Russie dans l’OTAN et le Royaume-Uni dans le cercle intérieur de l’UE.
« Défense européenne : il est grand temps d’agir ! »
Défense européenne : il est grand temps d’agir !
Le Monde (France)
[AUTEURS] Philippe Camus et Rainer Hertrich sont coprésidents exécutifs d’EADS. Denis Ranque est président-directeur général du groupe Thales. Mike Turner est président exécutif de BAE Systems.
[RESUME] Les événements du 11 septembre et les interventions en Afghanistan et en Irak ont mis en évidence le besoin de l’Europe de renforcer sa défense. Nous, industriels, sommes prêts à apporter notre pierre à la construction de cet édifice.
Les Européens ont pris conscience qu’ils devraient assurer la défense de leur continent et contribuer à la paix du monde en partenariat avec les États-Unis et d’autres nations. Pour cela, nos armées doivent avoir des capacités renforcées qui s’appuieront sur les trois grands groupes de défense européens que sont EADS, Thales et BAE Systems. Six pays (France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne et Suède) ont convenu d’adopter des normes communes, mais nous devons aller encore plus loin.
Une prise de conscience européenne sur cette question a eu lieu après le Kosovo et l’Afghanistan et des initiatives ont eu lieu pour répondre aux lacunes décelées. D’autres pourraient voir le jour pour développer l’interopérabilité entre armées européennes et avec les États-Unis. Ces réformes nécessitent des fonds pour rattraper le niveau d’investissement des États-Unis et une coordination et une rationalisation des dépenses. Cela passera par la création d’une agence européenne de l’armement et de la recherche stratégique, comme le préconise le groupe défense de la Convention européenne. Cette agence permettra de lancer des projets de grandes envergures, nécessaire à une époque où les besoins technologiques et d’information dans l’armée sont de plus en plus importants.
Les écarts technologiques entre les États-Unis et les Européens s’accroissent dans le domaine militaire et nous risquons d’être un jour dans l’incapacité de conduire des opérations conjointes avec les États-Unis. Nous avons des capacités technologiques et un savoir faire, il faut maintenant l’engagement d’aboutir à des résultats.
« L’après-guerre d’Irak »
The postwar Iraq
Washington Times (États-Unis)
[AUTEUR] George Allen est sénateur républicain de Virginie. Il est président du sous-comité sur les affaires européennes du Comité des affaires étrangères du Sénat.
[RESUME] La libération de l’Irak a été facilitée par l’aide logistique et technique fournie par nos alliés d’Europe centrale. Le déploiement de nos troupes en Roumanie ouvre des perspectives intéressantes dans le cadre de la réorganisation de notre implantation en Europe.
En effet, la cessation de la Guerre froide n’a pas mis fin aux menaces dans le monde, mais nécessite que nous nous interrogions sur la pertinence de la localisation de nos troupes. Nous devons étudier de nouvelles options dans les pays de l’OTAN. Ainsi, l’Allemagne n’a pas besoin d’accueillir 80 000 hommes et les blessés en Irak auraient pu être soignés plus près qu’à 2200 miles de là où ils étaient.
Le déploiement de troupes dans les pays d’Europe centrale offre plusieurs avantages :
– Ces pays sont plus proches des nouvelles menaces qui se situent désormais au Sud et à l’Est.
– Ils veulent notre présence sur leur sol contrairement aux autres pays européens.
– L’installation dans ces pays ne coûtera pas cher.
Ce redéploiement n’a pas pour but de punir des alliés ou d’en récompenser d’autres, mais de défendre nos intérêts stratégiques.
« Les sanctions économiques contre l’Irak doivent être levées »
President Discusses the Future of Iraq
Service de presse de la Maison Blanche (États-Unis)
[AUTEUR] George W. Bush est président des États-Unis. Ce texte est celui de son discours du 28 avril devant des exilés irakiens dans le Michigan.
[RESUME] Pendant des années, les Irakiens ont vécu dans la peur, sous le joug d’un régime oppressif, mais les Irakiens qui vivent aux États-Unis ont prouvé que ce peuple aimait la liberté et pouvait vivre en démocratie. Aujourd’hui, le dictateur que les Irakiens craignaient est parti.
Les Irakiens qui vivent aux États-Unis croient en l’avenir de leur pays et ils ont raison d’être optimistes. Les citoyens irakiens ont participé à la libération de leur pays en fournissant des informations sur l’armée de Saddam Hussein et en permettant la libération des prisonniers de guerre états-uniens. Nous travaillons maintenant avec eux à la reconstruction. Ceux qui, dans notre pays, croyaient que les Irakiens voulaient la liberté mais n’accueillerait pas les libérateurs avec plaisir se sont trompés, car ils n’ont pas compris que le désir de liberté n’appartient pas à une culture, c’est un espoir universel. La liberté est le don de Dieu à chaque personne dans chaque nation. Les États-Unis ne veulent rien imposer à l’Irak, ce pays sera une démocratie.
La construction du nouvel Irak prendra du temps car le pays émerge à peine de décennies de règles totalitaires qui l’a ruiné au profit de Saddam Hussein. Aujourd’hui, l’Irak a moins de la moitié des hôpitaux dont il disposait en 1990. Nous travaillons sur les questions de santé avec la Croix rouge, le Croissant rouge et nous remettons sur pieds les infrastructures du pays. Chaque heure, les conditions de vie des Irakiens s’améliorent et l’équipe de Jay Garner va aider l’Irak à atteindre ses buts à long terme grâce à l’argent donné par le Congrès. Nous travaillons également avec les Irakiens pour retrouver les pièces volées lors des pillages de musées et nous traduirons les pilleurs en justice.
L’Irak est désormais libre et il faut donc que les sanctions économiques cessent afin que les Irakiens puissent utiliser leurs ressources pour leur propre prospérité.
Puisse Dieu continuer à bénir les États-Unis et longue vie à l’Irak libre.
« Abattre le messager »
Shooting the messenger
Washington Times (États-Unis)
[AUTEUR] Frank J. Gaffney Jr est président du Center for Security Policy, le think tank qui rassemble les principaux « faucons » états-uniens. Le Réseau Voltaire lui a consacré une enquête : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».
[RESUME] La tradition à Washington est de réagir à une mauvaise nouvelle en s’attaquant au messager. C’est pourquoi Newt Gingrich a été sévèrement critiqué par de nombreux membres du parti républicain. Il a même été traité d’idiot par Elizabeth Jones à la suite du discours où il accusait le département d’État de Colin Powell de six mois d’échecs diplomatiques.
Pourtant, Gingrich a raison : le département d’État est en désaccord avec la politique de George W. Bush et de son équipe. Cela est vu comme une bonne chose dans les élites médiatiques et les cercles politiques hostiles à Bush. Nous sommes malheureusement sortis de la logique des constitutionalistes qui voulaient que l’opposition au président s’exprime au Congrès pour assister à des attaques provenant d’une administration chargée d’appliquer les décisions. Cette attitude peut avoir des conséquences graves quand cela conduit des responsables du département d’État à discuter avec des diplomates nord-coréens à l’ONU sans en avertir le département de la Défense et le National Security Council.
Le département d’État semble ainsi vouloir s’engager dans un processus de paix avec Pyongyang, ce qui légitimerait Kim Jong Il et le rendrait encore plus dangereux. Le président et ceux qui lui sont loyaux doivent reconnaître la validité du message de Gingrich.
« Sans le filet de sécurité de l’ONU, même le Japon peut devenir nucléaire »
Without the UN safety net, even Japan may go nuclear
The Guardian (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Dan Plesch est chercheur au Royal United Services Institute for Defence Studies et auteur de Sheriff and Outlaws in the Global Village.
[RESUME] Après la Corée du Nord, c’est le Japon qui pourrait devenir une puissance nucléaire. Cette perspective doit tous nous inquiéter.
Il existe un débat ancien au Japon sur la nucléarisation et le remilitarisation du pays. La conjoncture y est favorable aux partisans de l’acquisition de l’arme atomique. Le Japon a déjà le quatrième budget militaire au monde et dispose d’une marine qui est supérieure à celle de la Grande-Bretagne. Certains politiciens japonais estiment qu’une arme nucléaire défensive n’irait pas à l’encontre de la constitution. Il est indéniable que le Japon a la possibilité de devenir une puissance nucléaire puisqu’il a la technologie nécessaire, des missiles balistiques et suffisamment de plutonium pour construire des centaines de bombes.
Le gouvernement japonais actuel a soulevé plusieurs fois cette question. Le Premier ministre japonais a visité plusieurs fois des sites dédiés à la croyance que les dirigeants japonais ont été accusés à tort de crimes de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour l’instant, la protection nucléaire des États-Unis et les accords de non-prolifération de l’ONU ont dissuadé le Japon de s’équiper nucléairement, mais l’affaiblissement de l’ONU et des traités de non-prolifération a rendu l’acquisition par le Japon de telles armes beaucoup plus « naturelle ». En outre, la politique états-unienne des frappes préventives et les probabilités de riposte inhérentes à de telles frappes sur la Corée du Nord entraînent un risque pour le Japon. Même les hommes politiques qui rejettent l’arme atomique pourraient se laisser tenter par cette forme de défense.
Le seul moyen d’éviter une course aux armements en Asie est de relancer les discussions au sein de l’ONU.
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