J’ai trop de respect pour le Pape et je suis trop conscient de la distance qui sépare le chrétien de base que je suis du chef de l’Église catholique pour me permettre de critiquer, si peu que ce soit, ses commentaires sur la laïcité française. Je me crois cependant autorisé à dire que je regrette que le souverain pontife soit mal informé sur la laïcité française.
Une loi interdisant qu’à l’école les élèves portent des signes religieux trop voyants ne peut être considéré comme une atteinte à la liberté religieuse. L’école enseigne les valeurs sur lesquelles l’unité nationale est fondée, au-delà des différences ethniques, spirituelles et politiques. Il est normal que les symboles de ces divisions soient mis en sourdine afin que se forge l’unité de la nation. Cela n’empêchera pas les futurs citoyens de recevoir, en marge de la scolarité obligatoire, une formation et une éducation qui doivent leur permettre de faire leur choix dans le domaine spirituel et philosophique.
La laïcité française ne porte pas atteinte à la liberté religieuse comme le redoute le Saint-Père, mais crée les conditions d’un pluralisme vécu dans la sérénité et ne mettant pas en danger l’unité nationale. L’Église catholique ne devrait pas donner d’arguments aux intégristes de tout bord, ennemi de la laïcité et de l’Église, mais aider l’islam à prendre sa place dans cette France laïque en lui servant de référence. En agissant ainsi, les catholiques rendront une fois de plus service à notre pays.

Source
Le Monde (France)

« Le pape mal informé sur la laïcité », par Bernard Stasi, Le Monde, 21 janvier 2004.