Les récentes informations sur les soldats états-uniens commettant des abus contre des prisonniers irakiens sont à la fois horribles et attristantes. Heureusement, ceux qui les ont commis passeront en cour martiale et, s’ils sont jugés coupables, ils seront punis. Mais l’histoire ne s’arrête pas là car il semble que les faits reprochés aient aussi impliqué des sous-traitants civils. L’emploi de sous-traitant pour pratiquer des interrogatoires est déjà troublant en soi, mais le plus grave est qu’il existe une violation juridique qui a pour conséquence l’impossibilité de les juger pour leurs comportements criminels.
Il y a 15 à 20 000 sous-traitants en Irak aujourd’hui et ce large emploi de civils représente un changement majeur dans la façon dont les guerres sont menées. Mais, jusqu’à ces derniers jours, la plupart des États-uniens ignoraient que des firmes privées fournissaient également des interrogateurs et des traducteurs dans les prisons. Deux de ces entreprises ont été nommées dans un rapport de l’armée concernant des abus commis à la prison d’Abu Graib. L’enquête de l’armée a montré que les prisonniers avaient été forcés de simuler des actes sexuels, de former des pyramides humaines de corps nus et que l’un d’eux avait été relié à des électrodes, placé sur une boite et menacé d’électrocution au cas où il tombait. Un sous-traitant a même été accusé d’avoir violé un jeune prisonnier.
Le porte parole de l’armée a condamné ces actes, mais s’il existe des structures pour enquêter ou juger les actions des soldats, cela n’existe pas pour les civils. Ils ne sont pas soumis à la cour martiale, la loi du pays où ces actes ont été commis est difficilement applicable et beaucoup n’étant pas États-uniens, ils ne peuvent pas être jugés selon la loi des États-Unis. Légalement parlant, l’armée a affirmé ne disposer d’aucun moyen légal de condamner le violeur, dont le sort dépendra de son employeur. C’est déjà ce qui s’était passé avec des employés de Dyn Corp impliqués dans un réseau de prostitution dans les Balkans. Il est nécessaire de renforcer légalement l’emploi de sous-traitants.

Source
The Guardian (Royaume-Uni)
Los Angeles Times (États-Unis)

« Above Law, Above Decency », par Peter Singer, Los Angeles Times, 2 mai 2004.
« Beyond the law », The Guardian, 3 mai 2004.