Il y a 15 ans, j’ai traversé l’une des soi-disant « patries » des noirs d’Afrique du Sud de l’ère de l’apartheid. Les blancs avaient mis au point ces systèmes de contrôle dans un pays où ils étaient très minoritaires : créer des États « indépendants », ou bantoustans, sur les 13 % de territoire dont les fermiers blancs ne voulaient pas. Dans certains territoires, j’avais croisé des bâtiments immenses qui étaient les « ambassades sud-africaines ». Je me suis souvenu de ces bâtiments en lisant un article sur l’ouverture de l’ambassade états-unienne à Bagdad, la plus grande du monde.
Cette ambassade sera bien plus qu’une ambassade et l’État irakien, comme les Bantoustans, sera bien moins qu’un État. On pourrait définir ces formes d’État comme des « pseudo-États », une variété d’organisation qui ne cesse de se développer dans le monde, de l’Autorité palestinienne à l’Afghanistan en passant par la Bosnie et le Congo. Peut-être même que ces pseudo-États échangeront des ambassadeurs entre eux.
Les Bantoustans n’étaient reconnus par aucun État hormis par l’Afrique du Sud, bien qu’ils aient été dotés de tous les attributs d’un États souverain avec des ministères, un drapeau et un hymne national. Ils finirent par disparaître après l’apartheid. D’autres pseudo-États furent les républiques soviétiques, officiellement indépendantes et disposant même de sièges à l’ONU pour l’Ukraine et la Biélorussie, alors qu’ils étaient dirigés depuis Moscou. Quand l’URSS disparut, ces républiques devinrent indépendantes. L’Irak a sa propre histoire et aura sa propre forme de pseudo-État, mais ce que l’Histoire enseigne à leur sujet c’est qu’ils ne deviennent jamais ce que leur créateur espérait.
Les États-Unis souhaitent faire de l’Irak une base permanente pour leurs troupes, une réserve de pétrole et un allié stratégique contre l’islam militant, mais il pourrait prendre une forme très différente en raison de la nature très volatile des pseudo-États.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« A State That’s Not a State », par Adam Hochschild, Los Angeles Times, 28 juin 2004