Il aura fallu des dizaines de milliers de morts pour qu’enfin les Irakiens puissent voter lors d’une élection cathartique. Pour que cette élection ait lieu, les États-Unis ont également payé un prix lourd avec 1 500 morts et 10 000 blessés. Aux États-Unis, la croyance selon laquelle construire la démocratie en Irak méritait ce sacrifice est malheureusement en train de s’éroder.
De plus en plus d’Américains sont opposés à la poursuite de l’engagement des États-Unis en Irak et cette perte de foi pourrait coûter à George W. Bush sa vision d’un monde libéré de la tyrannie. Bush compte sur les images des élections de dimanche pour retourner l’opinion et convaincre les États-Unis que, comme il l’a dit dans son discours inaugural, « le meilleur espoir de la paix dans le monde est l’expansion de la liberté ». Toutefois, si les États-Unis ne souscrivent pas à la rhétorique de Bush, l’expérience démocratique échouera. C’est pourquoi, malgré une présence états-unienne en Irak sans égal depuis le Vietnam, Bush a parlé 20 fois de la liberté dans son discours, mais jamais de l’Irak. Le coût financier de la guerre (300 milliards de dollars) commence également à provoquer des grincement de dents au Congrès et dans la population.
Bush a beau affirmer que sa réélection valide sa politique en Irak, il n’en est rien. Les États-Unis sont encore traumatisés par le souvenir du Vietnam et bien que l’Irak soit différent, cette association d’idée a une fonction corrosive sur le soutien à toute guerre. Bush l’a compris et il a commencé à préparer l’opinion à une baisse de ce qu’on pouvait espérer en Irak. Il va devoir insuffler une part de realpolitik dans son combat contre la tyrannie pour emporter l’adhésion. Il faut que la Maison-Blanche utilise son bref état de grâce post-électoral pour engager les États-Unis dans le long terme dans ce combat et préparer le pays à faire des sacrifices.

Source
Daily Star (Liban)

« Democracy won, but do Americans care ? », par Maggie Mitchell-Salem, Daily Star, 1er février 2005.